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mercredi 16 juin 2010

La palais des Tuileries


Le palais des Tuileries était un palais parisien dont la construction commença en 1564 sous l'impulsion de Catherine de Médicis, à l'emplacement occupé auparavant par des fabriques de tuiles. Agrandi sous les règnes successifs, il disposait d'une immense façade (266 m de long) et devint résidence royale de nombreux souverains (Henri IV, Louis XIV, Louis XVI ou encore Louis XVIII), puis impériale (Napoléon Ier puis Napoléon III) jusqu'à sa destruction par un incendie en mai 1871. Ses ruines furent abattues en 1883.

L'emplacement du palais était occupé, au XIIIe siècle, par des terrains vagues et des fabriques de tuiles. Au XIVe siècle, le prévôt de Paris Pierre des Essarts y possédait un logis et quarante arpents de terre labourable. Au XVIe siècle, Neufville de Villeroy, secrétaire aux Finances, y fit bâtir un hôtel que François Ier acheta pour sa mère.

L'ensemble de ces constructions fut acheté par Catherine de Médicis qui désirait quitter l'hôtel des Tournelles où était mort Henri II. Elle les fit raser et demanda aux architectes Philibert Delorme, puis après la mort en 1570 de celui-ci, à Jean Bullant, d'y édifier un palais qui devait s'élever à l'ouest du Louvre, au-delà de l'enceinte de Charles V. Le projet d'origine était ambitieux : deux grands bâtiments parallèles et perpendiculaires à la Seine, réunis par quatre ailes plus courtes, compartimentant ainsi trois cours intérieures. Mais seul le bâtiment occidental fut finalement construit, et c'est celui-ci que l'on appela en définitive le Palais des Tuileries.

Cet édifice comportait un pavillon central surmonté d'un dôme, doté d'un escalier suspendu sur voûte qui fut considéré comme un chef-d'œuvre. Ce pavillon était encadré de deux ailes. L'aile sud se terminait par un pavillon, appelé pavillon de Bullant (construit en 1570) tandis que l'aile nord ne fut pas achevée. En effet, Catherine de Médicis, très superstitieuse, refusa finalement d'habiter aux Tuileries et s'installa dans un hôtel (appelé de la reine, puis de Soissons, actuelle Bourse de Commerce) qu'elle fit bâtir en toute hâte en 1574 près de l'église Saint-Eustache. La légende raconte que son astrologue Ruggieri lui avait prédit qu'elle mourrait " près de Saint-Germain" et le palais se trouvait à proximité de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois.

Sous le règne de Charles IX, le chantier de construction des Tuileries fut progressivement abandonné. Henri III y donna quelques fêtes mais n'y résida pas ; il s'enfuit cependant de Paris par le jardin des Tuileries, le 12 mai 1588, lors de la journée des barricades.

Au début du XVIIe siècle, Henri IV décida de relier le Louvre au palais des Tuileries en faisant construire une longue galerie longeant la Seine, galerie dont l'amorce existait depuis quelques années. C'est ce que l'on appela le « Grand Dessein ». Cette Grande-Galerie ou Galerie du bord de l'eau (qui existe toujours) fut édifiée de 1607 à 1610 par Jacques II Androuet du Cerceau. Au même moment, le palais des Tuileries fut prolongé vers le sud par une aile appelée Petite-Galerie, destinée à raccorder le pavillon de Bullant à la Grande-Galerie : au croisement des deux bâtiments fut construit un pavillon, baptisé pavillon de la Rivière (et rebaptisé pavillon de Flore en 1669). Le palais du Louvre et celui des Tuileries étaient donc désormais reliés entre eux.

Après la mort d'Henri IV, en 1610, le palais connut à nouveau une longue période d'abandon.

Ce fut Louis XIV qui décida de reprendre le chantier. Le palais des Tuileries était en effet dissymétrique : la Petite-Galerie bâtie sous Henri IV n'avait en effet pas de pendant au nord. Entre 1659 et 1666, Louis Le Vau et François d'Orbay construisirent : d'abord un pavillon destiné à faire pendant au pavillon de Bullant baptisé "pavillon du Théâtre", ensuite une galerie destinée à faire pendant à la Petite-Galerie baptisée "galerie des Machines", enfin un pavillon destiné à faire pendant au pavillon de Flore et qui fut baptisé " pavillon de Pomone", puis "pavillon de Marsan".
Le palais était donc désormais symétrique et complet du nord et sud. Cependant, plusieurs décennies s'étaient écoulées entre la construction des bâtiments situés au sud du pavillon central et de ceux situés au nord. L'édifice souffrait donc d'une grande hétérogénéité sur le plan architectural. Le roi ordonna qu'il soit donc largement modifié par Le Vau. Le pavillon central baptisé "pavillon de l'Horloge" fut entièrement reconstruit dans le style classique : plus large, plus élevé, il fut recouvert d'un dôme volumineux ; les ailes qui le flanquaient, ainsi que la Petite-Galerie, furent également reconstruites.


A la fin du XVIIe siècle, le palais des Tuileries présentait donc l'aspect qu'il allait définitivement conserver pendant deux siècles, long de 260 mètres, depuis le pavillon de Marsan au nord jusqu'au pavillon de Flore au sud. À l'ouest du palais s'étendait le jardin des Tuileries, jusqu'à la future place Louis XV actuelle place de la Concorde ; à l'est se trouvait une vaste cour, appelée cour du Carrousel, elle-même prolongée par une place (la place du Carrousel), puis par un quartier de vieilles maisons (situé à l'emplacement de l'actuelle pyramide en verre), et enfin par la cour Carrée du Louvre.

Durant l'Ancien Régime, les principaux habitants des Tuileries furent la duchesse de Montpensier, dite Grande Mademoiselle (de 1638 à 1652), Louis XIV (de 1664 à 1667) et Louis XV (de 1715 à 1722). Un lit de justice se tint aux Tuileries le 26 août 1728. Le palais fut ensuite déserté et occupé par des courtisans auxquels le Roi octroyait des logements de faveur, ainsi que par des artistes, des retraités et des personnes de toute condition.

Chassé du Palais-Royal par un incendie le 6 avril 1763, l'Opéra s'installa aux Tuileries, dans une salle de spectacles qui avait été aménagée par Louis XIV dans la galerie des Machines dite "salle des Machines" (ou "théâtre des Tuileries") ; il y demeura jusqu'en 1770, date à laquelle il fut remplacé par la Comédie-Française, qui y demeura jusqu'en 1782, puis par la troupe du "théâtre de Monsieur". La première du Barbier de Séville, de Beaumarchais, y eut lieu le 23 février 1775.

Le 6 octobre 1789, Louis XVI, Marie-Antoinette et leurs enfants s'installèrent dans le palais après avoir été ramenés du château de Versailles par les émeutiers. Les Tuileries entraient dans la grande histoire : pendant 80 ans, le palais allait être la principale résidence des rois et des empereurs, ainsi que le théâtre d'événements politiques majeurs.

La distribution intérieure du château était la suivante:
* On pénétrait dans le palais du côté de la cour du Carrousel, par le vestibule du pavillon de l'Horloge. À droite se trouvait l'escalier qui s'arrêtait à un premier palier menant à la chapelle et continuait après un demi-tour jusqu'à la salle des Cent-Suisses (futur salon des Maréchaux);
* Au sud de cette salle, et jusqu'au pavillon de Flore, se trouvaient en enfilade, donnant sur la cour, l'antichambre du Roi, la chambre de Parade, le grand cabinet du Roi et la galerie de Diane. Du côté du jardin se trouvaient l'appartement de la Reine puis l'appartement d'hiver du Roi, occupé par Louis XVI à son arrivée aux Tuileries.

Pendant la Révolution, l'ancien appartement de la Reine fut occupé par Marie-Thérèse de France et son frère, le dauphin Louis. Marie-Antoinette s'installa au rez-de-chaussée, côté jardin, tandis que Madame Elisabeth, sœur de Louis XVI, occupait le premier étage du pavillon de Flore.

La famille royale résida pendant trois ans dans le palais. Le 21 juin 1791, elle tenta de s'enfuir mais, arrêtée à Varennes, fut contrainte de regagner les Tuileries.
Puis, le 10 août 1792, à 7 heures du matin, elle fut contrainte de quitter le palais, assiégé par les émeutiers, pour aller se réfugier dans la salle du Manège, qui abritait alors l'Assemblée législative et qui se trouvait le long du jardin (à l'emplacement de l'actuel carrefour entre les rues de Rivoli et de Castiglione). La garnison de gardes suisses resta en place autour du palais désormais vide. Il fut envahi et pillé, et près de 600 gardes moururent soit pendant le combat, soit ensuite massacrés par la foule. Une centaine d'entre eux parvint toutefois à s’échapper grâce à une partie de la population parisienne. Le 21 août, la guillotine fut dressée sur la place du Carrousel, à l'est du palais.

Le 10 mai 1793, la Convention s'installa aux Tuileries, dans la galerie des Machines. Le palais reçut alors le nom de palais national. Le Comité de salut public occupa la Petite-Galerie tandis que Comité de sûreté générale s'installait dans un hôtel particulier situé au nord de la cour du Carrousel, à proximité du pavillon de Marsan. De nombreux événements s'y déroulèrent, notamment la proscription des Girondins et la chute de Robespierre.

Sous le Directoire, les Tuileries abritèrent le Conseil des Anciens (1795-1799).

Le 19 février 1800, Napoléon Bonaparte, Premier Consul, s'installa au palais. Il prit pour logement le premier étage, occupant l'ancien appartement du Roi (il dormait dans la chambre de Louis XIV, Louis XV et Louis XVI). Si Cambacérès, deuxième Consul, préféra résider à l'hôtel d'Elbeuf, le Troisième Consul Lebrun s'installa dans le pavillon de Flore.
Napoléon Ier se maintint aux Tuileries, qui devinrent alors la résidence officielle de l'Empereur. Celui-ci occupait, au premier étage de l'aile sud, les anciens appartements royaux, la disposition et la dénomination des pièces restant inchangées. En 1806, une salle de spectacles et une chapelle furent aménagées dans la galerie des Machines, tandis que les décors intérieurs étaient remaniés par les architectes Charles Percier et Pierre-François-Léonard Fontaine.
Ce fut également en 1806 que ces mêmes architectes édifièrent l'Arc de triomphe du Carrousel. Cet édifice, imitant l'arc de Septime Sévère de Rome, et qui existe toujours, constitua la nouvelle entrée officielle du palais en remplacement d'une ancienne porte du XVIIe siècle. Il donnait accès par l'est, depuis la place du Carrousel, à la cour d'honneur des Tuileries, elle-même séparée de la place par une longue grille.

Parallèlement, dans la perspective de poursuivre le Grand Dessein entamé sous Henri IV, Napoléon fit construire une galerie qui ferma la cour du Carrousel au nord, et qui s'étendait du pavillon de Marsan à la hauteur de la rue de l'Échelle, le long de la rue de Rivoli.

Le 28 novembre 1804, le pape Pie VII, venu à Paris pour sacrer Napoléon, s'installa dans le palais, où il résida jusqu'au 4 avril 1805. Il occupa l'ancien appartement de madame Elisabeth, au premier étage du pavillon de Flore.


C'est au rez-de-chaussée de l'aile sud que naquit, en 1811, le fils de Napoléon et de Marie-Louise, le "Roi de Rome".

En 1815, Napoléon quitta le palais pour n'y plus revenir. Il y fut remplacé par Louis XVIII, qui fut le seul roi de France à mourir aux Tuileries (1824). Son frère Charles X l'y remplaça, jusqu'à ce que la Révolution de juillet 1830 l'en chassât et que le palais fût pillé par les émeutiers, pour la deuxième fois de son histoire.

Les Tuileries restèrent inhabitées jusqu'au 21 septembre 1831, date à laquelle Louis-Philippe préférant jusqu'ici résider dans sa demeure familiale, le Palais-Royal, fut contraint de s'installer au palais par Casimir Perier, qui désirait rehausser le prestige de la monarchie de Juillet. Son épouse, la reine Marie-Amélie le trouvait triste et le comparait à une casauba (casbah). La famille royale emménagea donc au rez-de-chaussée de l'aile sud.

Pendant plus d'un an, on fit réaliser d'importants travaux de réaménagement qui coûtèrent plus de 5 millions de francs. Le palais prit alors son aspect définitif, avec notamment la création par les architectes Percier et Fontaine, d'un grand escalier dans le pavillon de l'Horloge.

Le roi fit également creuser, dans le jardin des Tuileries, une tranchée qui permit de délimiter un jardin privé, clos de grilles, le long de la façade occidentale du palais. Louis-Philippe dut toutefois renoncer, faute d'argent, au projet de réunion du Louvre et des Tuileries sur le côté nord, présenté en 1833 mais qui ne fut réalisé que par Napoléon III.

Les journées de février 1848 chassèrent la famille royale des Tuileries, qui furent une nouvelle fois pillées. Après avoir été reconverti en hospice pour les invalides de guerre, le palais redevint résidence officielle lorsque Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République, vint s'y installer, avant d'y être proclamé empereur en décembre 1852.

Le Second Empire refit des Tuileries la résidence impériale. L'ancienne étiquette réapparut (écuyers, chambellans, préfets du palais) tandis que les fêtes et les cérémonies donnèrent au palais un lustre inégalé. Le 29 janvier 1853, il fut le théâtre du mariage civil de Napoléon III et d'Eugénie de Montijo.

Par ailleurs, l'architecte Visconti fut chargé par l'Empereur de donner au palais une nouvelle jeunesse. Il s'ensuivit la démolition des maisons et des ruelles qui séparaient encore la place du Carrousel de la Cour Carrée du Louvre. Mais surtout, l'Empereur acheva le Grand Dessein voulu par Henri IV et poursuivi par Napoléon en faisant prolonger, le long de la rue de Rivoli, la galerie que ce dernier avait édifiée. Vers 1870, et pour la première fois, le palais des Tuileries et le palais du Louvre formaient donc un seul et même ensemble, le plus vaste et l'un des plus majestueux d'Europe.

Après la défaite de Sedan, l'impératrice Eugénie quitta, le 4 septembre 1870, le palais des Tuileries cerné par l'émeute. Elle s'enfuit par le pavillon de Flore, d'où elle passa dans la Grande Galerie du Louvre.

A la fin du Second Empire, la disposition intérieure du palais se présentait de la façon suivante:

* on entrait, du côté de la cour, par le vestibule du pavillon de l'Horloge;
* le Grand escalier de Percier et Fontaine menait, au premier étage, au nord vers la salle des Travées et les tribunes de la chapelle, puis la salle de Spectacle et, en retour vers le sud et le pavillon central, la salle des Gardes puis la galerie de la Paix. Celle-ci conduisait au salon des Maréchaux, occupant tout l'étage du pavillon de l'Horloge : transversal, il était élevé sur deux étages. De ce salon on passait, côté cour, dans le salon Blanc, puis le salon d'Apollon, la salle du Trône, le salon Louis XIV puis enfin la galerie de Diane, qui conduisait au pavillon de Flore, donnant sur la Seine ;
* l'aile sud (vers la Seine) était occupée, au premier étage côté jardin, par les appartements de l'Impératrice (du pavillon de l'Horloge jusqu'au pavillon de Bullant) et les appartements des secrétaires de l'Empereur. Un petit escalier menait de ces appartements vers le vestibule ; le rez-de-cour entre les pavillons de l'Horloge et le pavillon de Flore était affecté au service de l'Empereur et du palais (officier d'ordonnance, garde), le rez-de-jardin à l'appartement de l'Empereur. Des pièces, côté cour, ont été affectées, un temps, au Prince impérial;
* le pavillon de Flore, donnant sur la Seine, était occupé par les appartements du Prince impérial ;
* l'aile nord (vers la rue de Rivoli) abritait la chapelle dans le pavillon de la Chapelle au premier étage duquel se situaient la galerie des Travées et les tribunes de la chapelle. L'aile comprise entre ce pavillon et le pavillon de Marsan, à l'extrême nord du palais, était occupée par la salle des Spectacles, bordée du côté de la cour par un étroit couloir courant jusqu'au pavillon de Marsan;
* le pavillon de Marsan, donnant sur la rue de Rivoli, était occupé par les appartements affectés aux chefs d'État en visite officielle.
* A droite du Grand Vestibule, il y avait le Grand Escalier qui menait aux appartements d’apparat du palais.




Devenue maîtresse des lieux, la Commune fit des Tuileries le théâtre de fêtes et de concerts : des "concerts communards" eurent ainsi lieu dans le salon des Maréchaux. Le 10 mai 1871, une soirée artistique fut organisée au profit des blessés de la Garde nationale. Le 18, trois concerts consécutifs eurent lieu, attirant une foule immense. Ces concerts étaient, dans la pensée des organisateurs, le prélude à l'incendie du palais : ils voulaient s'assurer que la population accepterait l'idée de la destruction du palais. Installé aux Tuileries avec son état-major, le chef fédéré Bergeret déclara : "Quand je quitterai les Tuileries, les Tuileries seront en cendres".


Les 22 et 23 mai, les communards firent provision de pétrole, de poudre, de goudron liquide et d'essence de térébenthine. Le 23, le dénommé Bénot, garçon boucher, conduit par Bergeret et un autre fédéré Boudin parcoururent tous les appartements du palais et fit asperger les murs, ainsi que les planchers de tous ces produits. Un baril de poudre fut placé dans le vestibule du pavillon de l'Horloge tandis qu'un amas de matières inflammables était stocké dans le salon des Maréchaux. Dès que le feu fut allumé, l'incendie embrasa tout l'édifice. Peu avant 9 heures du soir, l'horloge du palais s'arrêta sous l'action du feu ; vers 11 heures, une explosion secoua le pavillon central, laissant le dôme s'abîmer dans une gerbe de flammes.


Le palais brûla pendant trois jours. Bergeret et ses hommes, ayant commandé un repas froid, soupèrent sur la terrasse du Louvre en contemplant l'incendie. Le 27 mai, il ne restait plus des Tuileries que des pans de murs noircis.

Dès 1872, de nombreuses pétitions et requêtes furent déposées pour la restauration du palais, intégralement ou dans sa majeure partie. De fait, l'édifice était réparable, puisque seuls les planchers, la toiture et les décors s'étaient entièrement consumés. Des commissions parlementaires furent constituées : une commission sénatoriale écarta ainsi, en 1876, toute idée de voir disparaître les ruines. Haussmann, Lefuel et Viollet-le-Duc proposèrent des projets de sauvegarde des ruines ou de reconstruction d'un nouveau palais. La proposition principale consistait en la restauration de la seule partie centrale, isolée, des Tuileries, comprenant le pavillon de l'Horloge, les deux ailes et les deux pavillons du Théâtre et de Bullant, la Petite-Galerie et la galerie des Machines étant donc démolies.



Après maintes tergiversations, la Chambre des députés décida finalement en 1879 de démolir les ruines, qui furent rasées en 1883. Ne subsistèrent que les pavillons de Flore et de Marsan, ainsi que deux galeries jusqu'aux guichets du Louvre. Désormais, une vaste perspective s'étendait du jardin des Tuileries au palais du Louvre, laissant découvrir l'arc de triomphe du Carrousel, ancienne porte d'honneur désormais isolée au milieu d'une vaste esplanade.


Les vestiges du palais connurent de nombreuses destinations : la grille de la cour du Carrousel fut réutilisée dans le château de la famille Esterhazy ; des colonnes furent relevées dans une villa située à Suresnes, une autre à Marly, d'autres colonnes et des parties de mur sur l'île de Schwanenwerder, à Berlin Steglitz-Zehlendorf, au Collège Stanislas (Paris) ; de nombreuses pierres servirent à construire le château de la Punta, propriété du duc Jérôme Pozzo di Borgo, au-dessus de la baie d'Ajaccio ; d'autres vestiges furent rachetés par l'État et dispersés entre le jardin des Tuileries (au pied du musée du Jeu de Paume), les jardins du Trocadéro, ceux du Luxembourg et de Chaillot, dans la cour de l'École des beaux-arts, ... Mais le vestige le plus émouvant reste sans aucun doute le fronton du pavillon central et son horloge, toujours visibles dans le Square Georges-Cain, rue Payenne dans le 3e arrondissement. Enfin, de belles statues qui ornaient ce même fronton peuvent être admirées dans le hall qui se trouve sous l'arc de triomphe du Carrousel du Louvre.

Quant à l'emplacement même du palais des Tuileries, il est aujourd'hui symbolisé par un petit panneau de mauvaise facture que peu de touristes sont en mesure de remarquer.

Plusieurs associations militent encore à ce jour pour la reconstruction à l'identique du palais. Il existe une copie (en plus petit) du Palais des Tuileries dans la cour du 4, rue du Faubourg-Montmartre. Ce bâtiment se trouvait probablement en façade du boulevard et a été caché par la construction d'un immeuble.


Depuis 2002, un Comité national pour la reconstruction des Tuileries[2] milite pour la reconstruction à l'identique du palais des Tuileries, avec des fonds collectés auprès d'entreprises privées. Le coût est évalué à 350 millions d'euros d'après le Comité. Une commission d'études dirigée par Maurice Druon et composée de partisans du projet, instituée par arrêté ministériel, a rendu un rapport en février 2007. Ieoh Ming Pei, architecte du Grand Louvre soutient ce projet au nom de l'intégrité architecturale de l'ensemble Louvre-Tuileries, qui a constitué la trame du "Grand Dessein" et l'unique raison de l'extension du Louvre, aujourd'hui partiellement défiguré.


Cette idée de reconstruire les Tuileries divise les historiens de l'art et de l'architecture, ainsi que les associations de défense du patrimoine. Certains avancent que ce n'est qu'un pastiche sans authenticité de l'original, rebâti ex nihilo près d'un siècle et demi après sa destruction. En revanche, d'autres soulignent que la place majeure du palais des Tuileries dans l'Histoire de France, de la Renaissance au Second Empire, ainsi que son importance dans l'histoire de l'art, justifient cette reconstitution. Ce débat sur l'opportunité de rebâtir les Tuileries est aussi relancé par le mouvement récent de reconstruction de certains monuments majeurs en Europe centrale et orientale, comme en Allemagne (Dresde, Château de Berlin) ou à Varsovie.



samedi 3 avril 2010

exposition yves saint laurent petit palais jusqu'au 29 août 2010

Le 1er juin 2008 mourait Yves Saint Laurent. Les enterrements de première classe fanfaronnent parfois des adieux éphémères. Le temps a passé, l'artiste reste. L'homme n'en finit pas de hanter les mémoires, d'inspirer ici des écrivains, là, un chanteur, un réalisateur. Au Petit Palais, la rétrospective de l'œuvre du couturier français attire les foules. On a joué des coudes pour assister au vernissage. On a patienté plus d'une heure, dès le premier dimanche, à l'ouverture des portes. Les Japonais s'y pressent comme on visite un monument national. Un patrimoine. Quarante années de création en haute couture et prêt-à-porter sont présentées : 307 modèles, des dessins, des films, des photographies... Un flash-back en couleurs, ludique. Pas la moindre trace de naphtaline sur ces vêtements dont la modernité, le style s'avèrent un pied-de-nez permanent à la mode qui passe. Impossible de millésimer cette robe cache-cœur en lamé de 1968, ce blouson noir ou cette saharienne seventies encore dupliquée. Et que dire de ces anciens smokings au tombé inégalé ? Rien n'apparaît plus nouveau que l'ancien, surtout lorsqu'il est siglé YSL. Lors de la cérémonie des Césars, Laetitia Casta a fait sensation dans une robe vintage d'une élégance à renvoyer la petite clique des modeux à sa pelote d'aiguilles. Une fois de plus, le mannequin se montrait fidèle à celui qui a désacralisé la mode. Une fidélité comme une révérence, partagée par beaucoup avec plus ou moins de déférence.

Si les aspérités et les zones d'ombre du personnage sont évoquées dans la biographie non autorisée de Marie-Dominique Lelièvre, Saint Laurent, mauvais garçon (Flammarion), la plupart des ouvrages qui paraissent ces mois-ci recouvrent de l'or fin des légendes la statue du prince de la haute couture française. «N'oublie pas que tu as inventé le prêt-à-porter et rien que cela devrait te valoir une gloire éternelle», rappelle Pierre Bergé dans ses Lettres à Yves (Gallimard). Dans une émouvante correspondance posthume, le compagnon de toujours revient sur les mois qui ont suivi les funérailles à l'église Saint-Roch. Le ressac des souvenirs fait émerger des confidences : émotion de Catherine Deneuve allongée près du corps sans vie de celui qui l'avait habillée dès 1967 dans Belle de jour ; clin d'œil amusé aux différences qui opposaient l'artiste, enfant terrible, au grand vizir, un brin paternaliste ; regard sincère porté sur une relation de couple tramée de dépendances et de complicité sexuelle. Véritable déclaration d'amour, le journal de Pierre Bergé ne cache rien de la difficulté des dernières années. Les mots affichent le tranchant des miroirs brisés qui renvoient l'image d'un génie aux prises avec la drogue et l'alcool, d'un être fractal, dépressif et irascible, vivant escargoté sur lui-même, à distance du monde.
«Nul artiste ne tolère vraiment le réel», assurait Nietzsche. Artiste, Yves Saint Laurent l'était à plus d'un titre. Dans le monde d'orphelins des créateurs, cet esthète maternait son inspiration à l'ombre des œuvres de Picasso, Diaghilev ou Mondrian. Iris et tournesols sortaient alors des toiles de Van Gogh pour renaître brodés sur une soie bleu nuit. Les oiseaux de Braque prolongeaient leur vol et se posaient sur les courbes graciles de Carla Bruni. L'art concernait Yves Saint Laurent. Il le collectionnait, le citait, le revisitait à sa façon. «La mode n'est pas tout à fait un art, reconnaissait-il avec lucidité, mais elle a besoin d'un artiste.» L'homme est de ceux auxquels l'œuvre survit, exposée, imprimée, publiée.

La Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent y contribue largement. Elle coédite notamment avec les Editions de La Martinière le monumental Yves Saint Laurent, haute couture, l'œuvre intégral, 1962-2002, numéroté, proposé en série limitée à 500 exemplaires. Cette bible en quatre volumes (26 kilos) comprenant, entre autres trésors, 1 283 planches exclusives de dessins réalisés de 1962 à 2002, est vendue au prix de 2 100 euros. Une folie à s'offrir comme si rien n'était perdu, comme si le siècle dernier était un avant-hier à portée de main.
Mieux que quiconque, Yves Saint Laurent illustre l'histoire d'une certaine vie française, la nostalgie d'une époque où, dans une France contestataire, tout changeait : les mœurs, le cinéma, la musique, la mode... Une transe derviche qui donnait un peu le tournis, mais offrait aux artistes une vision qu'aucun obstacle ne semblait pouvoir obstruer. Dans un monde déjà glacé de solitude, Julien Clerc captait l'Hair du temps en laissant entrer le soleil, nu sur scène. Sur grand écran, Sylvia Kristel s'effeuillait et Michel Polnareff exhibait ses fesses. A sa façon, Saint Laurent jouait, lui aussi, la provocation en posant nu, en 1971, devant l'objectif de Jeanloup Sieff. «Je veux choquer», avait alors affirmé le créateur à l'origine de ces clichés destinés à promouvoir le parfum Rive Gauche.

Autre temps, autre mœurs ? De Giorgio Sant'Angelo à Luciano Benetton, même nos rebelles d'aujourd'hui se sont rhabillés, laissant les trottoirs à d'autres impudeurs médiatiques. Mieux vaut, à rebours des déballages de l'heure, revenir sur les esthétiques prises de vue du photographe reproduites intégralement dans le très beau livre Yves Saint Laurent mis à nu (Albin Michel). Qu'il soit simplement vêtu de ses lunettes en écaille ou sapé comme un milord, l'homme s'offre à l'indiscrétion sans rien laisser voir.
Qui était ce personnage baudelairien ? Quel était ce grand sensible fier de servir le corps des femmes, «leurs gestes, leurs attitudes, leur vie» ? Du 34 au 44, il paraît avec la même attention mondaines et working women. Style féminin masculin. Audace des transparences. Elégance des coupes. Pyrotechnie d'étoffes. Il habillait «l'ambiguïté, le double je, héritage du temps où le luxe était d'être de tous les sexes, de toutes les aventures», décrypte Laurence Benaïm dans Requiem pour Yves Saint Laurent (Grasset). D'une plume soignée et avertie, l'auteur, qui s'est déjà livré à une excellente biographie - réactualisée et publiée en poche -, revient sur le profil d'un homme atypique qui n'en finit pas de fasciner. A chacun son approche, son enquête. Olivier Meyrou a réalisé un documentaire, Célébration, dont le point de vue dérangeant freine sa diffusion en salles. Le 29 septembre prochain sortira un film plus consensuel intitulé Yves Saint Laurent-Pierre Bergé, l'amour fou, de Pierre Thoretton.

YSL était un rêve qui se prolonge, un rêve qui se transforme. Depuis février, Alain Chamfort le chante avec une mélancolie jumelle, un talent ajusté et un succès mérité. C'est sur internet que les 25 000 disques d'Une vie Saint Laurent se sont vendus en quelques semaines. Le chanteur travaille avec l'auteur Pierre-Dominique Burgaud pour monter une comédie musicale, alors même qu'à Broadway, Malcolm McLaren (ex-compagnon de Vivienne Westwood) planche sur un projet similaire inspiré du parcours de Christian Dior. L'époque a besoin de légendes, de destins hors normes. «Avant le disque, je n'avais pas réalisé à quel point Yves Saint Laurent avait eu une vie romanesque, confie Alain Chamfort. C'est impressionnant, à la fois très beau et déchirant. Sans doute est-ce l'une des raisons pour lesquelles il fascine encore. Il reste le témoin d'une période charnière où le geste artistique était pris en considération, où le marketing ne dictait pas encore sa loi.»
Faut-il voir dans le regret d'une époque révolue l'explication de la Saint Laurentmania ambiante ? Sans doute, mais pas seulement. La marque s'évertue à ne pas regarder dans le rétro. Sur deux réseaux branchés du net, Twitter et Facebook, les trois initiales entrecroisées par Cassandre rameutent avec l'efficacité d'un SMS la « bande à Saint Laurent » : 240 455 fans d'un genre nouveau s'informent sur les défilés, sur les projets de Stefano Pilati, directeur de la création, qui, à sa manière, s'évertue à faire évoluer l'héritage du maître.

Alors que les demoiselles en dentelles et mitaines filent dégoter chez Odetta (une boutique parisienne branchée) un Perfecto vintage, les fashion victims s'arrachent la nouvelle édition du Manifesto Yves Saint Laurent printemps-été 2010, une revue gratuite tirée à plus d'un demi-million d'exemplaires et distribuée le 20 février dans les rues de Paris, Milan, Londres, Tokyo, Hongkong et Berlin. La maison de couture séduit les actrices en vogue comme Emmanuelle Devos ou Mélanie Thierry et mise sur les talents du moment. Le designer Yazbukey a imaginé une broche à l'effigie de l'artiste, en vente dans la boutique parisienne Colette. Le réalisateur-écrivain Samuel Benchetrit a tourné un court-métrage diffusé avant le défilé printemps-été 2010. Les médiatiques photographes Inez van Lamsweerde et Vinoodh Matadin ont également empoigné la caméra pour filmer l'acteur vedette Michael Pitt. Le mannequin en vogue Natalia Vodianova a succédé à Kate Moss. Saint Laurent vu et revu, mais jamais remplacé. Hedi Slimane, Jean-Paul Gaultier, Alber Elbaz ont appris de lui sans lui succéder.

Celui qui refusait d'être assimilé à d'autres couturiers reste un être à part comme le sont les idoles : «Johnny Hallyday, Brigitte Bardot, Alain Delon sont irremplaçables, explique la journaliste de mode Viviane Blassel. Ce n'est pas un hasard. Yves Saint Laurent n'a pas vraiment d'équivalent aujourd'hui parce que l'époque ne produit plus, à tort ou à raison, de grandes stars. Il y a Zidane chez les sportifs, Obama qui vacille déjà sous le poids des critiques, mais l'on ne sacralise plus personne. Les statues sont déboulonnées à une vitesse éclair. Et chacun peut prétendre, comme disait Warhol, à sa minute de gloire.»

A une génération de défri cheurs portés par la contre- culture des années 1960 a succédé une génération de stylistes inféodés à une mode mondialisée et garrotée par le marketing. Le 24 janvier, au palais de Tokyo, le jeune couturier Josephus Thimister présentait un défilé au titre provocateur : « Bain de sang et opulence ». A une époque qui met la mort à la mode, autant retrouver ce qui reste du génie français et de la mythologie romantique de l'artiste : M. Saint Laurent, fantôme bel et bien vivant.

Yves Saint Laurent au Petit Palais. Musée des Beaux Arts de la ville de Paris. Avenue Winston Churchill (8e arr.) Tél. 01.53.43.40.00. Jusqu'au 29 août 2010. Ouvert du mardi au dimanche de 10 h à 18 h, nocturne le jeudi. A savoir : la totalité des modèles présentés dans l'exposition provient du fonds de la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, à l'exception de trois modèles prêtés : deux par la comtesse de Ribes, un par Charlotte Aillaud, soeur de Juliette Gréco. Les coiffures sont d'Alexandre de Paris. site www.yslretrospective.com

samedi 27 mars 2010

Paris prêt à lancer les grands travaux au Forum des Halles

Le Conseil de Paris de lundi et mardi doit autoriser le démarrage de la rénovation pour le mois de mai.
Depuis neuf ans, on parle du réaménagement des Halles mais, à part les riverains, plus personne ne sait de quoi il retourne vraiment. «Le projet des Halles avance. C'est un sujet très complexe, mais nous sommes dans les temps», a assuré hier Anne Hidalgo, première adjointe au maire Bertrand Delanoë chargée de l'urbanisme, lors de la conférence de presse précédant les sessions du Conseil de Paris. À l'ordre du jour, mardi : le bilan de la commission d'enquête publique, qui avait donné en janvier un avis favorable mais l'avait assorti de trois réserves. Celles-ci doivent être levées par la réponse positive de l'Hôtel de ville et les travaux pourront commencer.

Le premier coup de pioche doit être donné dans le jardin en mai. Les architectes David Mangin et Philippe Raguin ont redessiné cette parcelle de 4,3 hectares, y prévoyant trois nouveaux parcs, deux nouveaux jardins d'aventures, pour les tout-petits (2-6 ans) et pour les préadolescents (7-12 ans), confiés à Bernard Chapuis et Georges Vafias (agence AEP) et à Henri Marquet et Imaginal, et un troisième pour lequel la Ville doit relancer un appel d'offres.

La polémique fait rage. Faire du jardin une priorité semble aller en dépit du bon sens du projet qui entend «résoudre les dysfonctionnements du site» liés à la vétusté et à l'insécurité des espaces publics, notamment des voiries souterraines. Certains invoquent, à deux ans de la présidentielle, une logique électoraliste de la part de Bertrand Delanoë, qui a fait des Halles un chantier phare de son mandat.

La contestation se concentre sur le jardin d'aventures Lalanne, un bijou horticole fané voué à la démolition. Ironie du calendrier, ses auteurs Claude et François-Xavier Lalanne sont exposés au Musée des arts décoratifs jusqu'au 4 juillet. Jacques Boutault, maire (Vert) du IIe arrondissement, concède sur son blog : «On comprend mieux, lorsqu'on connaît l'emprise des travaux de la Canopée des Halles, pourquoi le jardin Lalanne doit être sacrifié. L'emplacement de la future cité de chantier occupe largement sa surface et même au-delà.»

C'est dans cette cité de chantier que sera assemblée, au sol, la Canopée qui couvrira le forum (voir les images), toit de verre ondulant et de vantelles d'acier, haut de 14,5 mètres, à ce jour, signé Patrick Berger et Jacques Anziutti. Mais l'association de riverains Accomplir, et le maire du Ier arrondissement Jean-François Legaret (UMP) n'entendent rien lâcher. Les premiers envisagent un recours au tribunal administratif contre le permis de démolir du jardin.

Jean-François Legaret, lui, va plus loin : il attaquera, lundi, l'illégalité du permis de démolir du maire de Paris devant le préfet pour vice de forme. L'élu, également président de la commission des finances du Conseil de Paris, saisira aussi l'architecte des Bâtiments de France, car «le projet est situé dans le périmètre de protection d'un monument historique», en l'occurrence l'église Saint-Eustache.

Les transports, c'est ce dont on parle le moins et qui est pourtant l'opération principale : 700 000 vo­yageurs transitent chaque jour par les Halles. Soit 200 000 de plus que lors de la création de la salle d'échange RER, il y a trente ans. «En sous-sol, il faut démolir beaucoup de choses, le planning général implique d'énormes travaux dans les voiries souterraines de mise en conformité aux normes de sécurité mise en place depuis le drame du tunnel du Mont-blanc», indique Dominique Hucher, de la société d'économie mixte SemPariseine, mandataire pour la Ville de Paris. En particulier, le projet prévoit de nouveaux accès aux espaces souterrains du forum.

La mini-autoroute sous le Forum des Halles devrait disparaître. «L'appel d'offres sera lancé en juin pour des travaux devant démarrer en février 2011», indique Dominique Hucher. Enfin, troisième volet : la Canopée. «Ce n'est pas une ­simple restauration cosmétique», avertit Anne Hidalgo. En effet, il s'agit de démolir les ­pavillons Willerval déjà jugés comme un mo­dèle «d'architecture éphémère» il y a trente ans. Ce chantier doit démarrer fin 2011.

La Canopée doit recouvrir l'ensemble du forum sur lequel une sortie est prévue, alors qu'il n'en existe aucune à ce jour. Le Forum des Halles comptera alors quatre sorties et l'escalier mécanique dévalant trois étages de la porte Lescot, jugé «trop anxiogène» sera scindé en trois. D'autres escaliers étant prévus pour descendre jusqu'aux sous-sols jusque-là non desservis.
Sous cette Canopée doivent cohabiter, comme aujourd'hui, des boutiques qui resteront ouvertes pendants les travaux et des équipements publics en partie déménagés.

Les travaux coûteront 760 millions d'euros, dont les deux tiers sont à la charge de la Ville, et le tiers restant étant partagé entre ses partenaires : la région, le Syndicat des transports d'Ile-de-France, la RATP et Unibail, société qui gère le Forum. «On crée beaucoup plus d'équipements publics qu'il n'y en avait auparavant, assure Anne Hidalgo. Quoi qu'il en soit, les Halles ont toujours été le ventre de Paris où le commerce a été au cœur du lieu.» Au total ces grands travaux dureront six ans.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le futur toit du Forum des Halles ne sera pas imperméable. En principe, les armatures métalliques qui quadrillent cette toile de verre pourront être orientées, voire resserrées, afin d'éviter les courants d'air violents, notamment au niveau de la sortie par le jardin. Mais les passants du Forum risquent tout de même d'être arrosés par la pluie, car la Canopée n'est pas étanche. De quoi apporter de l'eau au moulin des détracteurs de ce projet, qui reposera sur les fondations de tours jamais érigées mais souhaitées par Valéry Giscard d'Estaing, qui voulait faire des Halles un mini-Manhattan.

jeudi 11 mars 2010

Le fantôme d'Androuet Du Cerceau reprend vie ...

Qui était Jacques Androuet Du Cerceau. Un architecte ? Mais il ne reste pas de trace d'édifices qu'il ait vraiment conçus. Un dessinateur ? Sans nul doute, talentueux et doué d'une imagination hors pair. Un graveur aussi, parmi les meilleurs et les plus illustres de France. Mais aussi un fantôme : c'est hélas la farce que lui a jouée la postérité en faisant s'évanouir à peu près tous les éléments susceptibles de nous le faire connaître, en dehors de son coup de crayon.

Une exposition à la Cité de l'architecture et du patrimoine fait revivre d'étonnante façon Jacques Androuet Du Cerceau (vers 1520- vers 1586), bien connu des architectes et des passionnés de patrimoine, pour ses dessins et ses recueils. Lui-même n'a pratiquement rien construit, se cantonnant au rôle, au demeurant prestigieux, d'auteur de traités d'architecture, lignée ouverte au Ier siècle av. J.-C. par le Romain Vitruve.

Androuet théorise, imagine, ou restitue les chefs-d'oeuvre de son époque, préservant de l'oubli des dizaines de châteaux aujourd'hui disparus, ou l'état d'origine de quelques autres qui ont été peu ou prou transformés depuis les derniers souverains Valois. Des édifices qu'il détaille, au point de laisser imaginer leur possible reconstruction. Il a lui-même réuni cette part de son travail, capitale pour les historiens, sous le titre Les Plus Excellents Bâtiments de France, une France au demeurant réduite à l'Ile-de-France et à la vallée de la Loire.

On y trouve les plus célèbres monuments : le Louvre, tel que l'a conçu son contemporain Pierre Lescot (autour de 1550) avec les sculptures de Jean Goujon, Vincennes avec son enceinte et ses tours, Chambord dont on attribue l'esprit à Léonard de Vinci, et qui est l'un des seuls châteaux royaux à n'avoir pas été altéré. Blois, Amboise et Chenonceaux, Saint-Germain-en-Laye, Ecouen et Fontainebleau. Mais aussi d'autres, dont l'état ou le souvenir laissent perplexes : Vallery (Yonne), l'un des plus modifiés par l'histoire ; Verneuil-en-Halatte (Oise), aujourd'hui en ruine ; Villers-Cotterêts (Aisne), dans un état lamentable. Et surtout le fameux château dit "de Madrid", où François Ier reçut Charles Quint, effacé du bois de Boulogne en 1792, comme le seront tôt ou tard ceux de Creil (Oise), de Coucy (Aisne), de Folembray (Aisne), de Montargis (Loiret... Les jardins ne sont pas oubliés, restitués avec une précision délicieuse.

Androuet a gardé le secret de ses sources, autant que de l'organisation de son atelier, auquel toute une équipe doit avoir contribué. Coincé entre Paris et Montargis par les guerres de religion, il n'a vu la plupart des édifices que de seconde main, ce qui n'en rend son travail que plus remarquable.

Proche de Sebastiano Serlio (architecte et théoricien italien, mort à Fontainebleau en 1554), il a de la même façon rassemblé des éléments réels et parfois imaginaires qui lui permettent de drainer la Renaissance italienne vers la France. Il fait en revanche appel à sa seule inventivité lorsqu'il propose des modèles de "logis", extensibles à l'infini, selon le goût et la richesse des commanditaires, jusqu'à occuper l'espace de formidables palais qui ont pour principal point commun une symétrie obsessionnelle et, pour ainsi dire, préclassique. Ainsi, dessine-t-il encore l'immense registre de ses ornements architecturaux, qui lui vaudra l'essentiel de sa célébrité.

Cet aspect décoratif est resté le mieux connu. C'est avec à propos que les responsables de l'exposition ont davantage mis l'accent sur la dimension structurelle de l'architecture et sur le dessin qu'il sait en tirer, donnant au passage de très beaux cours de perspective.

Pendant longtemps, les expositions d'architecture ont tenu à distance le public, en alignant de façon laconique dessins et gravures, accompagnés parfois d'un buste et d'un petit film sentant bon la télé d'antan. Ici, Androuet revit certes à travers son oeuvre : gravures, dessins, carnets (que l'on peut feuilleter grâce à leur numérisation) et précieux vélin (peau de veau mort-né), dont quelques pièces majeures prêtées par l'Angleterre. Mais l'ensemble est complété par une batterie de films en 3D. Ils parachèvent la résurrection du fantôme au côté de moulages et de maquettes, dont l'une, monumentale, restitue les Tuileries de la Renaissance, incendiées pendant la Commune (1871), puis achevées à la pioche en 1883.

Pour autant, la scénographie de la Cité ne lésine pas sur les bustes. François Ier, Henri II, Charles IX, Henri III, souverains dont notre homme eut à connaître de près ou de loin la gloire, et avec eux les temps tourmentés des luttes entre catholiques et protestants, desquels sa famille était proche. Manquent Catherine de Médicis... et Jacques Androuet Du Cerceau, dont seule une rare médaille, et une peinture posthume laissent l'improbable physionomie. Quant à son nom, dont le premier élément rappelle un célèbre fromager parisien, il tire son allure aristocratique d'un cerceau, enseigne de son père, marchand de vin à Paris.