mercredi 6 mai 2009
Sarkozy, deux ans déjà ! Seulement ?!
Nicolas Sarkozy demande à être jugé au terme de son mandat.
Doit on attendre la fin de son mandat pour comprendre, reconnaitre et douter que sa politique et la méthode utilisée pour la mettre en oeuvre, n'est de toute manière pas la bonne ...
Aujourd'hui dans la crise, il dirige un pays qu'il a profondément et irrémédiablement déçu.
On pouvait trouver à l'homme un côté rafraîchissant. Sa façon de bousculer tout le monde, à commencer par son propre parti, n'était pas antipathique. Avoir embarqué les électeurs du Front national était une prouesse ambiguë, mais personne ne se plaignait de pouvoir oublier un peu Le Pen et sa bande. Contrôlant la droite et marginalisant l'extrême droite, face à une gauche qui doutait d'elle-même, Sarkozy pouvait profiter d'une conjoncture favorable à l'ouverture de quelques chantiers partant de diagnostics partagés, à défauts d'accord sur les solutions.
Quelles réformes ?
Il a raté ça. Tant d'arrivisme pour si peu d'arrivage ! Un appétit de pouvoir insatiable, mais pour quel résultat ? Certes, la crise est venue contrecarrer ses projets. Mais le soupçon que sa politique de réformes relève largement de l'esbroufe ne manque pas d'arguments. Pierre Cahuc et André Zylberberg ont analysé sévèrement les effets d'une stratégie qui obligeait à pouvoir exhiber à tout prix ce que Dominique de Villepin a appelé un "tableau de chasse". A tout prix, c'est-à-dire parfois au plus coûteux pour les finances publiques ou pour l'économie.
A force de japper "Réforme, réforme, réforme", le Président et avec lui le pays, sont tombé dans une sorte de schizophrénie ou beaucoup de gens ont perdu leur propre repère.
Après l'immobilisme du second mandat de Jacques Chirac, il existait pourtant une fenêtre d'opportunité pour régler des problèmes identifiés depuis des années. A la fin d'une campagne présidentielle vigoureuse, quelques idées finissent toujours par se retrouver sur tous les programmes ou presque. Cette fois, il y avait convergence sur la modernisation des institutions et sur celle du code du travail (Ségolène Royal avait même parlé du "besoin d'agilité" des entreprises), sur l'assouplissement des 35 heures, sur la remise en question de la carte scolaire.
Sur d'autres sujets, il n'y avait pas de consensus, mais le vainqueur de l'élection avait accumulé un gros capital politique, comme disent les Américains. Cela lui permettait de faire passer des réformes controversées. Il y est parvenu, d'ailleurs, pour les universités, dont la loi d'autonomie n'a provoqué qu'une contestation assez limitée au départ, en 2007, grâce à quelques concessions comme l'absence de sélection à l'entrée en master. Presque deux ans après, quel désastre !
Le paquet fiscal de la loi Tepa (travail, emploi, pouvoir d'achat), de même que les peines plancher et les nouvelles restrictions au regroupement familial, peuvent être considérés comme des engagements honorés vis-à-vis de ses électeurs. Dès lors que la droite a gagné, on ne peut pas lui reprocher de faire une politique de droite (ce qui n'empêche pas de la critiquer et de la combattre). "Techniquement", le vainqueur a estimé qu'il devait satisfaire les attentes des gens qui avaient voté pour lui, surtout s'il voulait pouvoir les contrarier ensuite sur d'autres sujets. C'est "techniquement" recevable, sauf à rejeter la démocratie qui, comme chacun sait, est le plus mauvais, etc.
Mais Sarkozy s'est enfermé dans la défense du pouvoir qu'il avait conquis. Pourquoi ? Parce qu'il a lui-même porté atteinte à son propre pouvoir en le confisquant, en en faisant un usage privatif, en donnant le sentiment de s'en servir à des fins personnelles. Bref, au lieu de s'effacer devant la fonction, il l'a effacée derrière lui. Du coup, il a abordé en position de faiblesse des questions comme la fin des régimes spéciaux de retraite, la réforme du contrat de travail, la libéralisation des professions protégées ou celle du commerce de détail.
Malgré la marée montante du chômage, il persiste dans l'exonération des heures supplémentaires qui ne fait que creuser le fossé entre ceux qui ont du travail et ceux qui n'en ont pas et qui, de surcroit, n'a aucun effet avéré sur l'activité alors qu'elle contribue à dégrader des finances publiques qui n'en avaient pas besoin. Même la réforme des régimes spéciaux s'est faite sans aucune transparence et selon un rapport très récent du Sénat il est vraisemblable que les avantages des (anciens) bénéficiaires des régimes spéciaux ont été accrus. Le problème de Sarkozy c'est (aussi) la multiplication des effets d'annonce, même si le Parlement ne suit pas et les décrets d'application encore moins.
Il a perdu très vite son ascendant sur les parlementaires UMP. La démonstration la plus cruelle de cette affaiblissement a été la campagne des élections municipales et cantonales de mars 2008, au cours de laquelle les élus UMP en difficulté se démenaient pour se dissocier de lui. En juillet, le vote de la révision constitutionnelle avec une seule voix de plus que la majorité requise au Congrès, alors que la droite domine largement l'Assemblée nationale et le Sénat, a donné une autre mesure de l'évaporation de l'autorité présidentielle.
Au demeurant, cette révision, principale transformation qui puisse être citée à l'actif de la "rupture", a été elle-même privée d'une disposition essentielle. Sans interdiction du cumul des mandats, la vie publique continuera à souffrir de l'insuffisance du contre-pouvoir parlementaire face à l'exécutif. Comme les autres corporations, les élus sont d'accord pour tout réformer sauf eux-mêmes.
Alors que les deux tiers des Français se déclarent déçus par son action, Nicolas Sarkozy doit se réinventer, non plus en "grand réformateur", mais en défenseur honnête et habile des intérêts des Français dans la crise. Y arrivera-t-il ou pas, les paris sont ouverts. Mais il restera dans les esprits qu'au moment où le pays avait besoin d'un pouvoir cohérent et déterminé pour affronter, d'un côté, le programme de changement approuvé par la majorité des électeurs et, d'un autre côté, un système économique chancelant sur ses bases, il s'est retrouvé avec un président déboussolé, capricieux, autocratique et inquiétant.
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