
C'est la découverte incroyable qu'annonce la NASA. Elle est publiée demain dans une série de trois articles scientifiques de la revue Science.
La recherche d'eau sur la Lune constitue l'un des sujets favoris des planétologues, des ingénieurs du spatial, des astronautes et des auteurs de Science-Fiction. Logique. Car si la présence ou l'absence d'eau joue un rôle considérable dans les destins des corps céleste, ce n'est pas pour rien qu'on a baptisé H20 la molécule de la vie. Sans eau, pas de vie. Occuper la Lune, ou s'en servir de base pour explorer le système solaire, avec de premiers vols vers Mars, suppose d'avoir résolu le problème de l'eau. Si possible sans se tourner vers la pire des solutions : l'acheminer depuis le fond du puit gravitationnel terrestre à l'aide de fusées.
Donc, l'eau lunaire fait fantasmer. Le capitaine Haddock et Tintin en ont trouvé sur l'astre. Heinlein (Révolte sur la Lune) et d'autres auteurs de S-F l'ont utilisé pour coloniser la Lune. Mais...

A propos de bombardement : c'est le 9 octobre que la Nasa va envoyer l'impacteur de la sonde LRO au fond d'un cratère afin de voir si... il ne s'y cache pas de la glace. LRO - Lunar reconnaissance orbiter - qui a commencé son travail de cartographie hyper précise de l'astre.

Mais le spectromètre de MMM s'arrête pile poil à 3 microns. Or, pour en avoir le coeur plus net, éliminer tout risque d'artefact instrumental et distinguer entre les deux molécules, il fallait un spectromètre infrarouge allant au delà de 3 microns de longueur d'onde afin de bien encadrer l'émission typique de la seule molécule H20 entre 2,8 et 3,6 microns... justement le cas de celui de la sonde Deep Impact. Chance incroyable, cette dernière, après son opération "Je bombarde une comète et je prend une photo" qui fit la Une de Libération le 4 juillet 2005, passe pas trop loin de la Lune - 6 millions de kilomètres tout de même, en mai dernier. Chance aussi : le monde des planétologues n'est pas immense. Ainsi, l'astrophysicienne Jessica Sunshine fait partie de l'équipe scientifique de MMM... et de celle de Deep Impact. Autant dire que la jonction s'opère illico presto.

Le résultat fut, insiste t-il, "sans ambiguité". En anglais, le terme utilisé par les scientifiques dans leurs articles est "strong evidence". Surtout qu'un troisième instrument spatial... l'avait déjà vu ! Eh oui, lorsqu'une sonde interplanétaire quitte la Terre pour aller visiter Jupiter ou Saturne, on profite de la proximité de la Lune pour tester les instruments au début du voyage. Ainsi, lorsque la sonde Cassini est partie vers Saturne, en 1997, elle a fait plusieurs détours, dont l'un pas loin de la Lune en 1999. Et là, son spectrometre infrarouge avait détecté des traces d'eau. Mais ce n'est qu'après la découverte de Chandrayaan que l'on est allé vérifié ces données. Ironie aussi, de se rendre compte que chaque fois que l'on a envoyé dans l'espace un télescope embarquant un détecteur à infrarouge précis et disposant de la bonne couverture spectrale (IRAS, ISO, Spitzer)... les astrophysiciens ont surtout programmé les télescopes pour ne pas observer la Lune. Pourquoi ? Tout simplement parce que la Lune aurait tout simplement ébloui le télescope, saturant le détecteur et interdisant toute analyse.

Combien ? Olivier Groussin a accepté de se livrer à des calculs qui ne sont pas dans les articles. Et qui donnent des résultats à prendre comme des ordres de grandeur car les incertitudes des mesures sont importantes. Donc : «environ 1 litre d'eau pour 10.000 mètres carrés, ou pour être plus visuel 0.5 litre par terrain de foot. Extrapolé à la surface de la Lune, cela veut dire environ 4 milliards de litres d'eau, soit un volume équivalent de quelques millions de mètres cubes.»
Comment est-elle arrivée là ? Les planétologues ne peuvent pour l'instant qu'avancer la seule hypothèse plausible, compatible avec la physique et la chimie connues. Ce sont les protons du vent solaire (rien à voir avec le vent d'ici, ce sont des particules électriquement chargées, surtout des protons) qui seraient à l'origine de cette eau. Un proton, c'est un ion hydrogène, c'est à dire un atome d'hydrogène privé de son électron. Quand ce proton frappe le sol lunaire, il peut y dissocier des atomes d'oxygène dont certains sont donc libres de se recombiner avec lui. Le processus formerait des atomes OH (hydroxyle) et... H20, de l'eau. L'image ci-contre illustre cette idée. Après sa formation, la molécule d'eau est adsorbée (faiblement fixée à la surface) sur les poussières. Mais cette molécule d'eau n'est pas éternelle. Si la température au sol s'élève assez pour qu'elle se désadsorbe, les photons du Soleil vont alors la dissocier. Le processus n'est donc pas cumulatif.

Pourtant, souligne Olivier Groussin, il faut souligner que «si la présence d'eau semble solidement établie, mais le processus de sa formation, et de sa destruction, comme d'une éventuelle migration, relève de l'hypothèse et doit être mis au conditionnel, même si nous n'avons pour l'instant aucune alternative à y opposer».
Les astronautes peuvent-ils espérer boire cette eau ? En théorie, pourquoi pas. Pour la récupérer, il "suffit" de chauffer le sol lunaire tous les matins, et de récupérer les molécules d'eau qui vont alors s'en détacher. Facile à dire... Il s'agit probablement d'une bonne "manip" de terrain pour une future mission, sur des dimensions minuscules, mais quasi impossible à faire à grande échelle. En outre, avec un demi litre par terrain de football ainsi traité, on ne va pa loin.
Bref, il est probable que la Nasa va se servir de cette découverte pour alimenter son discours prophétique sur la "Nouvelle Frontière", et ses demandes de crédits pour les vols habités, mais il est plus raisonnable de penser que, si les astronautes retournent sur la Lune, ce sera avec quelques bouteilles d"eau bien de chez nous.... et un système de recyclage de leurs eaux usées et urines. Désolé pour le côté pas glamour du tout... mais plus réaliste.

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