samedi 7 mars 2009

Le projet de loi sur les droits des beaux-parents ...

... que Nicolas Sarkozy souhaite voir discuter au Parlement fin mars, a suscité mardi une polémique au sein du gouvernement, Christine Boutin s’élevant contre "une façon détournée" de reconnaître l’homoparentalité.



La ministre du Logement et présidente du Forum des républicains sociaux a critiqué mardi dans un communiqué le texte de loi préparé par la secrétaire d’Etat à la Famille, Nadine Morano, qui fait référence dans sa version modifiée aux "foyers composés de deux adultes du même sexe".
Boutin :
"Je n’accepterai pas que l’on reconnaisse l’homoparentalité et l’adoption par les couples homosexuels de façon détournée", a affirmé Mme Boutin, "en le glissant dans une loi sur le statut du beau-parent".
"Le fait de reconnaître le statut du beau-parent risque de mener à la reconnaissance objective de l’homoparentalité et de l’adoption par les couples homosexuels", a-t-elle dit, défendant le fait que "l’enfant pour se structurer a besoin d’un papa et d’une maman".
Réagissant sur RTL, Mme Morano a invité sa collègue au gouvernement, "plutôt que d’avoir une posture passéiste et idéologique à vraiment lire ce texte". Selon la secrétaire d’Etat, "il ne crée pas un statut du beau-parent, le projet de loi porte sur l’autorité parentale et le droit des tiers".

"Il s’agit de permettre à celui qui élève un enfant d’avoir des droits dans le cadre de l’autorité parentale partagée, s’il y a accord entre les parents biologiques et celui qui va s’occuper de l’enfant, et par le biais d’une convention homologuée chez le juge", explique-t-elle.
Evoquant les "2 millions d’enfants vivant en familles recomposées, 3 millions en familles monoparentales et 30.000 enfants élevés par deux personnes du même sexe", Mme Morano a insisté sur la nécessité de "permettre à celui qui élève l’enfant de pouvoir agir pour les actes usuels de la vie quotidienne".
"Je ne veux pas débattre avec Mme Boutin, ce qui m’intéresse ce sont les Français, il faut prendre en compte l’évolution de la famille", conclut-elle.

A priori, cet avant-projet de loi n'a rien de bien révolutionnaire. Annoncé avec bruit comme la création nouvelle d'un «statut du beau-parent» par Nicolas Sarkozy il y a quelques semaines, il reste d'une ambition modeste. Il en va de ce texte comme de certains autres projets du gouvernement : on donne un nom ronflant à ce qui n'est en réalité une simple adaptation du droit aux réalités du moment. En l'occurrence, sur le sujet qui nous occupe, c'est peut-être mieux ainsi. C'est en fait un texte technique et consensuel que le gouvernement veut présenter.
L'avant-projet de loi défendu par Nadine Morano ne crée en réalité pas de statut, ni pour les beaux-parents, ni pour les homoparents. Juridiquement, ces catégories n'existeront pas plus aujourd'hui que demain. Ce projet se contente en fait de moderniser la nature des liens juridiques entre l'enfant, ses parents et le tiers qui partage sa vie. Lequel sera défini ainsi : il s'agit de celui ou celle "qui réside avec l'enfant et l'un de ses parents et a noué des liens affectifs étroits avec lui". C'est à la fois précis et ouvert, sans enfermer quiconque dans une catégorie.

Ce tiers dispose déjà d'une existence légale, depuis 2002, avec la loi sur l'autorité parentale de Ségolène Royal. Cette loi ouvrait notamment la possibilité de partager l'exercice de l'autorité parentale avec un tiers, sur décision du juge. Fort logiquement, en 2006, la Cour de cassation a validé un tel partage entre la mère d'un enfant, et sa compagne. Christine Boutin, le MPF et le FN auront beau s'époumoner : la loi rend déjà possible la reconnaissance des liens entre un enfant et le parent social qui l'élève, même s'il est de même sexe que le parent biologique. Jamais la loi n'a interdit à deux hommes ou à deux femmes d'élever ensemble un enfant. Au contraire, elle permet cet aménagement de l'exercice de autorité parentale, dans "l'intérêt supérieur de l'enfant", y compris dans le cadre d'une famille homoparentale.

L'avant-projet de loi s'appuie donc sur ces acquis jurisprudentiels, pour les consolider. La loi précise par exemple ce que sont un acte usuel et un acte important pour la vie de l'enfant — c'est assez technique —, afin de définir le rôle et les prérogatives de chacun, selon ce que les tribunaux ont déjà déterminé. Rien de nouveau, juste une clarification.
Autre aspect du texte : le principe de coparentalité, qui organise la résidence alternée de l'enfant après séparation des parents, est rendu plus facilement applicable. En cas de non-respect, le juge aux affaires familiales pourra décider d'une astreinte à la charge du parent qui ne joue pas le jeu, et faire exécuter la décision. Rien de fondamentalement nouveau non plus, donc. Mais étrangement, l'UNAF (Union Nationale des Associations Familiales) fait semblant de ne pas voir ce gain d'efficacité de la loi, qui va pourtant dans son sens.

Les dispositions qui font le plus polémique concernent les conditions de partage de l'exercice de l'autorité parentale avec un tiers. Premier point : rien n'est possible si l'un des deux parents exprime son désaccord. Si un parent, séparé, souhaite partager l'exercice de son autorité parentale avec son nouveau conjoint, et que l'autre parent ne le veut pas, il ne se passera rien : le tiers restera juridiquement un étranger. Cette condition se place même au-dessus de celle de l'intérêt de l'enfant, dont on dit pourtant qu'elle surpasse tout. En aucun cas, une place ne sera donc faite au tiers au détriment d'un des parents.
Deuxième point : si on est contre le partage de l'exercice de l'autorité parentale entre deux hommes ou deux femmes, il ne suffit pas de rejeter l'avant-projet Morano, il faut abroger la loi Royal de 2002. Pourquoi Christine Boutin ne le demande-t-elle pas ? Ses interventions outragées relèvent moins du souci de la cohérence que d'une posture bien pratique pour retrouver la scène des médias.

La vraie nouveauté, c'est que ce partage se fera par homologation du juge, et non plus par décision du tribunal. Un peu à la manière du divorce par consentement mutuel, où le juge est toujours présent pour vérifier qu'aucune partie n'est lésée, mais sans procédure contradictoire inutile dès lors que tout le monde est d'accord. La principale mission du juge sera alors de veiller à l'intérêt de l'enfant. C'est incontestablement un progrès, qui permet de banaliser un outil juridique peu accessible, mal aimé du parquet (qui n'aura plus son mot à dire), et soumis à des restrictions rédhibitoires (la jurisprudence de 2006 limitait le partage de l'exercice de l'autorité parentale à des circonstances particulières).
Ajoutons, parmi les autres avancées, la consécration du droit de l'enfant à entretenir des relations personnelles avec le tiers. En cas de décès d'un parent, l'enfant pourra être confié au tiers, sur décision du juge (que le tiers peut éventuellement saisir). Difficile d'y voir matière à polémique. Une fois encore, c'est l'intérêt de l'enfant qui primera dans toute décision du juge, et aucun parent ne se verra déposséder de ses propres droits.

Alors, certes, ce texte permettra à des familles homoparentales de mieux organiser leur vie quotidienne, de trouver un peu plus de sécurité juridique, à défaut d'une vraie reconnaissance. Et ce, à partir d'outils juridiques qui existent déjà, mais jusqu'alors applicables dans des conditions trop restrictives. L'Inter-LGBT a donc stratégiquement raison d'y apporter un soutien critique.
Pour autant, la polémique soulevée par Christine Boutin est artificielle pour une bonne part, en prêtant au texte beaucoup plus qu'il ne permet en réalité. Et, finalement, cette révolte d'une partie de la droite ne s'explique pas tant par cette concession faite aux familles homoparentales, réelle mais limitée, que par des motifs beaucoup plus profondément idéologiques…

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