samedi 27 février 2010

Le château et la Pagode de Chanteloup


Le château de Chanteloup se situait en Touraine, à proximité d'Amboise.
Célèbre pour avoir appartenu au duc de Choiseul qui s'y retira pendant sa disgrâce, il a été malheureusement entièrement détruit au XIXe siècle.
Il n'en reste qu'une spectaculaire et célèbre fabrique de jardin, La Pagode.
Il fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques depuis février 1996.

Le château fut élevé en 1715 par Jean d’Aubigny et Robert de Cotte, pour le compte de la princesse des Ursins, mais il fut considérablement étendu et transformé à partir de 1760 pour Étienne François de Choiseul (1719-1785), qui joua, à la cour de Louis XV, le rôle de principal ministre de l'État entre 1758 et 1770.
Disgrâcié en 1770 pour avoir déplu à Madame du Barry, il se retire à Chanteloup jusqu'à la mort du Roi en 1774 et y reçoit des visiteurs venus de toute l'Europe, tenant une véritable cour et donnant de fastueuses réceptions.

Grâce à lui, le château de Chanteloup devient une magnifique résidence de campagne, entourée de beaux jardins, qu'on n'hésite pas à comparer à Versailles.
Les travaux, effectués sous la direction de l'architecte du duc de Choiseul, Louis-Denis Le Camus, auteur de la "Halle aux Blés" à Paris, considérée comme un tour de force architectural, commencent en 1760 et se terminent avec la construction de la Pagode.

Le Camus de Mézières construit deux longues ailes ornées de colonnades et terminées l'une par une chapelle et l'autre par un "pavillon des Bains".
Il procède également à des aménagements intérieurs, dessine de nouveaux parterres et édifie de vastes communs.

Après la mort Choiseul en 1785, le domaine est vendu par la duchesse de Choiseul à Louis-Jean-Marie duc de Bourbon-Penthièvre, petit-fils de Louis XIV et de Madame de Montespan.
Sous la Révolution, il est saisi en 1794 et vidé de son mobilier (en partie transféré au musée de Tours).
Déclaré “bien d’émigré” le domaine de Chanteloup est vendu aux enchères en 1802 à Jean-Antoine Chaptal(1756-1832), grand chimiste et ministre de l’Intérieur de Napoléon Ier.
Celui-ci cultive des betteraves dans le parc pour produire du sucre mais, à la suite de la faillite de son fils, le vicomte Chaptal de Chanteloup, le domaine est mis en vente en 1823.
Le château n’ayant pas trouvé preneur est cédé à des démolisseurs connus sous le nom de "Bande Noire", réseau de brocanteurs et de marchands de matériaux sans scrupule en cheville avec des liquidateurs, marchands de biens et sous les directives du banquier Enfantin, principal créancier du fils Chaptal.
Le château fut entièrement détruit, sauf la Pagode, acquise par le duc Louis-Philippe d'Orléans; il n'en reste aujourd'hui que le pavillon dit du Concierge et deux pavillons de l'avant-cour, encadrant la grille,Ils détruisent et vendent le château pierre par pierre.

La Pagode de Chanteloup s'élève à la lisière de la forêt d'Amboise, au bord d'une vaste pièce d'eau demi-circulaire qui se prolongeait au Sud par un grand canal aujourd'hui engazonné et formant un boulingrin.
Située au Sud du château au sommet d'une colline, elle formait le point de rencontre de huit longues avenues tracées dans la forêt d'Amboise.
Elle fut construite entre 1775 et 1778, à la demande du duc de Choiseul, par Le Camus, véritable temple dédié à l'Amitié, comme un tribut élevé à la fidélité de ceux qui, bravant le Roi, venaient le visiter à Chanteloup durant sa disgrâce.

Au premier étage Choiseul aurait fait graver les noms de ses visiteurs sur des tables de marbre blanc, ensuite retournées face contre le mur aux dires du colonel Thornton, touriste anglais en 1802, et de l'architecte Fontaine, chargé en 1823 par le duc Louis-Philippe d'Orléans d'examiner la pagode foudroyée; en 1935, le résultat d'une éventuelle remise en place de ces tables fut jugé aléatoire par René-Edouard André, propriétaire du domaine.
Cette construction, et l'aménagement d'un grand "miroir d'eau" en demie-lune terminé par un grand canal dans laquelle elle se reflète, achevèrent la transformation des jardins de Chanteloup; elle fut destinée à des fêtes nocturnes.

Devant l'absence de sources et les difficultés de recueillir des eaux de ruissellement, Choiseul fit venir de Valenciennes l'ingénieur Laurent, créateur des canaux du Nord, qui, afin d'amener les eaux de l'étang des Jumeaux, traça un canal à travers la forêt sur treize kilomètres, qui fut détruit à la Révolution pour récupérer le plomb du réseau des canalisations...
Les pierres "dures, dorées, d'une magnifique patine" utilisées pour édifier la Pagode proviendraient de l'un des châteaux de Louise Marie Adélaïde de Bourbon, femme de Louis Philippe d'Orléans (1747-1793) (Philippe Égalité), la Bourdaisière, à Montlouis, détruit en partie suite à un caprice de Choiseul (ce château a été reconstruit sous la Terreur par Armand Joseph Dubernad).

Haute de 44 mètres, la Pagode comporte six étages, en retrait les uns sur les autres (principe de la longue-vue), qui reposent sur un péristyle circulaire de seize colonnes et seize piliers.
La silhouette générale évoque ces "chinoiseries" de fantaisie en vogue au XVIIIe siècle, comme celle de Kew, près de Londres, édifiée par William Chambers pour la princesse de Galles - lourde construction cylindrique en briques reposant sur un énorme soubassement - d'où le nom de Pagode, mais la colonnade, les quatre balcons de ferronnerie et toute la décoration sont de pur style Louis XVI.
L'audace de l'architecte, qui a construit chaque étage "en coupole" est d'avoir coupé chacune d'elles, supportant les étages, par l'escalier intérieur de 142 marches qui monte jusqu'au sommet.

Il semble que sa structure de doive rien au hasard : elle a été construite au point de convergence de sept allées forestières longues de trois lieues chacune, elle compte sept niveaux, sa base compte seize (1+6=7) colonnes et piliers, l'escalier d'entrée à sept marches, elle est surmontée d'un globe doré symbolisant le soleil et la pièce d'eau à ses pieds a la forme d'une demie-lune.
Sans qu'on puisse l'affirmer, il faut peut-être y voir un symbolisme maçonnique, très en vogue à l'époque.

La Pagode a été restaurée en 1908-1910 sous la direction de l'architecte et ingénieur René Édouard André, fils du célèbre botaniste, architecte et paysagiste Édouard André (1840-1911) auteur de " L'art des Jardins, traité général de la composition des parcs et jardins" (Paris, Masson, 1879), et appartient à ses descendants.
Les "anciens jardins de Chanteloup : parties comprenant des parties architecturées (...) le site en terrasse de la pagode (..), le pavillon dit du concierge; une partie du parc boisé entourant l'ancien grand canal" ont été inscrits à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques les 30 mai et 11 juillet 1994.

Le Pavillon du Concierge, construit à l’entrée de l’esplanade de la Pagode, abrite aujourd'hui une exposition de reproductions de plans, tableaux qui permettent de se faire une idée de la splendeur passée du domaine.
Du sommet, à 162 mètres d'altitude, on découvre un panorama exceptionnel sur la vallée de la Loire et la forêt d'Amboise, permettant de mieux comprendre la forme du parc originel et les immenses perspectives qui le percent. Les sept allées qui convergent vers la Pagode dessinent un éventail délicat. Cet orientalisme posé sur les bords de Loire confère au paysage qui l'entoure, un caractère magique. La Pagode de Chanteloup reste un précieux témoignage de l'un de ces jardins anglo-chinois qui ont fleuri en France dans le dernier quart du XVIII siècle.

Eléments du décor sculpté identifiés dans la région :
  • - deux grands vases en marbre de forme dite "Médicis" godronnés ornent l'esplanade - côté ville - du pont Wilson à Tours (37);
  • - une paire de sphinges encadrent l'allée d'honneur du château de Chenonceau (37).
  • - deux hautes colonnes de pierre ds le parc boisé du château de Valmer à Chancay (37).

lundi 22 février 2010

Un peu de douceur ...

Le bon petit toutou à Sarkozy !

Eric Besson a dressé le 19 janvier dernier le bilan d’une année au ministère de l’Immigration marquée notamment par l’expulsion de quelque 29.288 étrangers en situation irrégulière, un chiffre supérieur à l’objectif de 27.000 assigné par le président Nicolas Sarkozy.Besson, nommé il y a juste un an en remplacement de Brice Hortefeux, a fait presque autant que son prédécesseur qui avait expulsé 29.799 sans-papiers contre un objectif de 26.000.

En revanche, la France a délivré 173.991 titres de séjour en 2009, dont 27.966 à titre professionnel, 74.008 dans le cadre du regroupement familial. 10.864 titres de séjour ont été également délivrés aux réfugiés et membres de leurs familles alors que le nombre de demandeurs d’asile a été de 47.000 personnes. Ce chiffre fait de la France le premier pays européen et le deuxième dans le monde pour le nombre de demandes d’asile reçues.

Dans le même temps, 108.275 étrangers ont acquis la nationalité française, soit presque autant qu’en 2008 (107.000), des résultats qui placent aussi la France en tête des pays européens pour l’acquisition de la nationalité. Globalement, l’immigration a baissé de 3,7% par rapport à 2008, ce qui s’explique, selon Besson, par une diminution de l’immigration familiale (-12,3%) et professionnelle (-15,3%), cette dernière étant induite par la détérioration de l’emploi dans toute l’Union européenne.

Alors que des salariés clandestins ont multiplié ces derniers mois des manifestations pour réclamer des papiers, Besson a indiqué que 6.000 personnes ont été régularisées, dont 2.800 par le travail et 3.200 pour des "raisons humanitaires".

Le transfuge du PS, régulièrement critiqué par les associations de défense des droits des immigrés, a répété qu’il n’y aurait pas de "régularisations massives" mais qu’elles se feraient "au cas par cas et sur critères".
"Ceux qui sont entrés illégalement en France ont vocation à être reconduits", a-t-il dit.

Pour illustrer la politique "d’humanité et de fermeté" qu’il revendique, Besson a souligné que la lutte contre l’immigration clandestine s’était accrue: 145 filières ont été démantelées (+44%), 4.750 trafiquants ont été interpellés (+10%) et 1.400 opérations conjointes ont été menées contre les employeurs d’étrangers sans titre de séjour (+12%).

L’éloignement des étrangers en situation irrégulière coûte à l’Etat environ 232 millions d’euros par an, soit 12.000 euros par reconduite, selon des chiffres communiqués il y a quelques mois par le ministère. La Cimade a évalué à 27.000 euros le prix de chacune des 20.000 reconduites forcées réalisées en 2008.

En 2010, la France souhaite conclure trois nouveaux accord de gestion des flux migratoires, après les neuf signés depuis 2007 (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Cap Vert, Congo, Maurice, Gabon, Sénégal et Tunisie). Besson a aussi annoncé la mise en oeuvre d’une nouvelle génération d’accords avec des pays africains devenus terres d’immigration. Il prévoit dans ce cadre une tournée qui le mènera à Luanda (Angola) et à Malabo (Guinée équatoriale). Il entend aussi "rénover" les relations migratoires avec les pays du Maghreb d’où sont issus une grande partie des 3,5 millions d’immigrés que compte la France.

...

Citation ...

"La joie est en tout. Il s’agit de savoir l’extraire."

Confucius

Deneuve ...

Gareth Thomas

Le 19 décembre dernier, Gareth Thomas faisait la Une du Daily Mail en dévoilant son homosexualité. “Cela m'a fait passer par toutes sortes d'émotions, les larmes, la colère et le désespoir absolu”, avait expliqué l'ancien capitaine du XV gallois et des Lions britanniques et irlandais. “Je n'étais pas sûr de vouloir que les gens soient un jour au courant, et, pour être honnête, je suis inquiet de la réaction des gens et de l'effet que cela pourrait avoir sur ma famille”, avait poursuivi le joueur le plus capé du rugby gallois, actuel arrière du club des Cardiff Blues. “Je ne veux pas être vu comme un joueur de rugby homosexuel. Je suis d'abord et avant tout un joueur de rugby”, avait-il souligné, “je suis un homme. Il se trouve que je suis homosexuel. C'est sans intérêt. Ce que je choisis de faire une fois la porte fermée chez moi n'a rien à voir avec ce que j'ai réalisé dans le rugby”.

Symbole de l'importance qu'a pris cette annonce, cette phrase du joueur Sébastien Chabal, au détour d'une interview au Parisien: "Je veux saluer un homme: Gareth Thomas, ex-joueur toulousain et emblématique international galois. Il vient de dévoiler son homosexualité. Ça n’a pas dû être facile tous les jours dans le petit monde qu’est celui du rugby. Courageux, cet homme! Il l'était déjà sur le terrain."

Samedi, dans les colonnes de "L'Equipe Magazine", Thomas est revenu sur ce coming out médiatique, le dernier en date pour un sportif de renom. Il ne regrette rien de ce geste, bien au contraire. “Les réactions n'ont été que positives. Tout le monde s'en fout que je couche avec un homme ou une femme. Les gens sont bien plus tolérants qu'on l'imagine !” Thomas explique avoir craint davantage la réaction de ses ex ou actuels coéquipiers et entraîneurs en ce qu'il leur avait caché la vérité, bien plus que pour son homosexualité en tant que tel. Mais qu'il se rassure, ce coming out est parfaitement accepté, comme en témoigne Guy Novès, l'ancien coach du Gallois à Toulouse : “Je me fous de sa sexualité. Gareth reste Gareth”L’ancien international et capitaine du Pays de Galles, qui joue toujours chez les Blues de Cardiff, explique: “J’avais fait en sorte que l’interview au "Daily Mail" coïncide avec un jour de match, pour montrer que la vie continuait (…). Ce jour-là, nous avons joué à Toulouse… en maillot rose, ce qui nous a bien fait rire. J’ai eu droit à quelques vannes au moment des douches, bien sûr, mais rien de méchant, au contraire. C’est leur silence qui m’aurait gêné”. Et en guise de conclusion, Thomas sait trouver les mots : “Je ne veux pas rester dans l'histoire comme un homo qui jouait au rugby, mais comme un grand joueur dont il se trouve qu'il était homosexuel.”

Depuis son coming out en décembre, le joueur gallois accède peu à peu au statut d'icône gay. Un rôle actif, puisqu'il va parrainer le "mois de l'histoire des LGBT", qui promeut dans les écoles britanniques une image positive des homos.
Sur le terrain, il est connu pour foncer tête baissée dans la mêlée, sans jamais lâcher le ballon. On aurait pu craindre qu'en faisant son coming out, il n'aille pas plus loin dans son engagement pour la visibilité des homos. Que l'on se rassure: Gareth Thomas reste fidèle à son image. Mieux : il vient d'endosser un maillot supplémentaire.

Le joueur de Cardiff vient en effet d'accepter le rôle de parrain du "LGBT History Month", le "mois de l'histoire des LGBT" au Royaume-Uni. Il s'en dit "honoré", et même, il compte bien être très actif à ce poste.
Le Mois de l'histoire LGBT est un événement qui a lieu chaque année en février, à l'initiative de l'association Schools Out, qui œuvre à la visibilité des LGBT dans le domaine de l'éducation. Elle encourage les écoles à enseigner aux élèves la contribution des LGBT dans l'histoire, au travers d'animations et de leçons dédiées. Cette année, la participation de Gareth Thomas sera l'occasion pour Schools Out de cibler sa campagne de sensibilisation dans le domaine du sport, en vue des Jeux olympiques de Londres en 2012.

"Je suis honoré que l'on m'ait fait cette proposition", a déclaré Gareth Thomas à propos de son parrainage de l'opération 2010. "Mais je ne veux pas faire de la figuration à ce poste, je m'engage à être actif, non seulement pour faire avancer les choses, mais aussi pour grandir moi-même."
Depuis son coming-out, mi-décembre dans le Daily Mail, Gareth Thomas a poursuivi les déclarations touchantes dans la presse britannique. Il a ainsi expliqué que son coming-out était en partie motivé par sa recherche de l'âme sœur: "Je sais que beaucoup de gays sont à la recherche de l'amour. Moi, j'ai aussi fait (cette déclaration) dans l'espoir de trouver quelqu'un", a-t-il confié. Après avoir dû divorcer en raison de son homosexualité, et connu une période de dépression, il a raconté que ce qui l'attirait désormais, c'était "l'idée de s'asseoir devant la télé", tout simplement ... "Se blottir contre quelqu'un, pouvoir lui montrer de l'affection, ça me fait envie!" Au Wales on Sunday, il affirmait même qu'il n'aurait pas de honte à marcher dans la rue main dans la main avec un homme : "Je ne pense pas que ça me rendrait moins viril, ou même différent." "Extérieurement, j'ai peut-être l'air d'une grosse brute, mais émotionnellement je suis doux, attentionné... j'ai beaucoup d'amour à donner."

Pas encore tout-à-fait amoureux? Peut-être les propos qu'il a tenus dans le dernier numéro du magazine gay Attitude achèveront-ils de vous faire craquer... Le rugbyman y prouvait qu'il n'avait pas fait son coming out simplement pour des raisons personnelles, mais aussi par grandeur d'âme : "Je veux être le modèle gay que je n'ai jamais eu", déclarait-il. "C'est nouveau pour moi, de m'adresser à des personnes qui ne connaissaient même pas mon existence mais qui vont me découvrir ainsi, et je veux faire partie de la communauté. Je ne sais pas s'ils le feront, mais j'espère que les gens vont me respecter, car je les respecte."

Charlotte ...

dimanche 21 février 2010

Christian Boltanski et les monstrueux vêtements de la mémoire

Pour sa 3e édition, Monumenta a invité l'un des plus grands artistes français : Christian Boltanski. L'installation inédite créée par ce narrateur et chroniqueur de la mémoire personnelle des hommes est conçue comme une expérience frappante, à la fois physique et psychologique, un moment d'émotion spectaculaire qui questionne la nature et le sens de l'humanité. Œuvre visuelle mais aussi sonore, elle aborde un thème nouveau pour l'artiste qui poursuit sa réflexion sur les limites de l'humanité et la dimension essentielle du souvenir : la question du destin et de l'inéluctabilité de la mort.
Sous la nef du Grand Palais, Christian Boltanski installe sur l'immense surface du sol des vêtements récupérés. Ils sont alignés presque à perte de vue en carrés, des luminaires en néon sont suspendus à des traverses verticales, il me semble voir l'image des baraquements, quelque chose de l'organisation industrielle de l'extermination. Au centre, une montagne de vêtements. Une grue soulève au sommet quelques vêtements qu'elle laisse retomber. Des battements de cœur résonnent.

De l'œuvre de Christian Boltanski au Grand Palais, la presse, la télévision, la radio par ce qu'elle en raconte, nous inondent d'images, de descriptions, d'entretiens pour inciter à aller la voir, à la trouver "remarquable", "exceptionnelle". En cette fin de programmation (elle se termine aujourd'hui même, 21 février), je n'ai pour le moment lu ou entendu aucune réserve.

Il manque quelque chose, il manque beaucoup, à cette œuvre puisque Boltanski a voulu que l'exposition fasse œuvre. La part des objets est si importante, monstrueuse par sa dimension spatiale, qu'elle semble vouloir s'installer seule justement et obstruer tout sens à donner de la part de l'artiste, tout sens à recevoir pour le spectateur.
Or des objets à voir, ce furent déjà des montagnes de vêtements, des montagnes d'effets quotidiens qu'on voyait sur les photos, et qui remplaçaient les cadavres et faisaient un blanc sur le crime, sur la représentation du Mal, sur la signification du Mal.
Les images d'Auschwitz ont fait effroi parce qu'elles montrent l'impensable. Les dupliquer, ou du moins s'appuyer sur ce qu'elles ont laissé dans nos mémoires comme trace inamovible – inamovible parce qu'elles ne peuvent bouger, signifier en nous – reproduit le même effroi.

D'une œuvre, j'attends qu'elle me propose une appropriation d'un sens singulier, ou une expression d'émotions singulières qui me permettent d'exister comme individu pensant et humain.
J'éprouve un profond malaise à être en face de tous ces objets, qui font référence à ce qui est ma mémoire, ce qui est dans nos mémoires, sans que je reçoive une pensée, une émotion qui nourrissent les miennes.

Christian Boltanski a toujours dit qu'il travaillait hanté par la Shoah, pour des raisons autobiographiques dont il s'est expliqué, je pourrais ajouter pour des raisons qui nous concernent tous.
Il ajoute qu'à travers cette œuvre, c'est à la mort, à notre condition de mortel, au hasard des destins qu'il peut faire allusion, à la mort et à la vie avec les battements de cœur. Que ces vêtements peuvent aussi ramener à la catastrophe récente de Haïti ou aux images du tsunami de 2004. Cet éparpillement de références me laisse dubitative, je ne vois pas de rapprochement entre ces images de catastrophes naturelles et un alignement de vêtements ni une montagne de vêtements.

Christian Boltanski dit qu'il a voulu le froid, et il a déplacé la date de l'exposition pour se servir de la météo d'hiver. Le froid devient un concept d'exposition. Ce froid qui servait aux nazis à décimer dans les camps pendant les appels interminables, ou ce froid utilisé à la Kolyma comme le raconte Chalamov. C'est dans le permafrost qu'étaient creusés les cachots.
Je vois encore là une duplication du réel pour faire œuvre, et une duplication qui évacue une possibilité d'élaborer un sens et me ramène à l'effroi devant un réel impensable, que je ne peux m'approprier et qui me fige.

Je me sens prise en otage devant cette duplication.
C'est comme si j'y participais, moi aussi. Que j'entrais moi aussi comme un objet dans cette duplication. Il me vide de tout sens, me fait miroir d'un réel dont en plus l'horreur dans l'Histoire semble être gommée. Je n'aime pas cet hommage aux disparus de la Shoah.
J'espère avoir démystifier cet énième chantage à l'émotion contrefaite. J'aime l'art contemporain, mais à force, j'en suis (à cause de son marketing effréné) irréversiblement dégouté, sans envie, sans perspective : il commence à me raser déjà avant de le voir, au plus haut point.
Arrêtons le tout marketing !

Un peu de douceur ...



Le Loft Cube, Live Anywhere Micro Home ... !

Avoir la possibilité de résider dans un endroit cosy et privilégié à New York, Madrid ou Paris pour un prix abordable semble être du ressort du doux rêve.
Imaginez une habitation où vos seuls voisins volent au-dessus de vos têtes, un endroit où vous auriez une vue panoramique à 360° autours de vous, un lieu où vous pourriez travailler, mais aussi vous relaxer et partager des moments conviviaux entre amis…
Imaginez vivre sur un toît…
Tout cela n’est pas un rêve, c’est une réalité grâce à la société allemande LoftCube GmbH.

Ce grand bungalow élégant possède un je-ne-sais-quoi de magique qu'un container n'aurait évidemment pas. C'est qu'entre une vie dans les entrailles ferrugineuses d'un container design et une vue imprenable sur les toits de la ville, dans une sorte de maison MacIntosh, l'air des cîmes urbaines apparaît bien sûr plus attractif. Enfin au dessus des foules et du bruit, le calme d'une esplanade rien qu'à soi, tutoyer les grands monuments, tout ça est de nature à attirer le citadin en mal d'habitat original.

Le dispositif est même parfaitement packagé et sa faisabilité ne semble pas faire de doutes : un choix de façades multiples plus ou moins vitrées, un toit amovible, des matériaux composites formant un cube de 40 m2, permettant son transport en un seul bloc par hélicoptère (diantre ! ma maison comme dans un film de James Bond) sur n’importe quel toit d’immeuble suffisamment vaste pour pouvoir accueillir ce type de structure. De quoi s’offrir une vue de Milliardaire à moindre prix.
L’idée est intéressante, nos métropoles semble saturer, pourquoi alors ne pas investir les toits déserts des grandes capitales ?

Ce pré-fabriqué design offre tout le confort d’un intérieur moderne et coquet, avec des options tels que piscines, jacuzzi, sauna, etc.…Quand au prix, il est tout à fait abordable. D’après les initiateurs du projet il faut compter entre 89 000 € et 109 000 € le LoftCube selon les options choisies.
Loft cube est livré avec un intérieur complet comprenant notamment une salle de bain et une cuisine toutes deux réalisées dans des matériaux modernes comme le corian ou le zodiaq.

Espace non-cloisonné et totalement vitré pour une luminosité optimale, il s’agit bien d’un loft même s’il ne mesure que 39m2 dans sa version la plus petite (55M2 pour le modèle loft cube le plus grand).
A mon humble avis il doit y avoir quelques frais annexes à prévoir, sans parler du problème de sécurité et d’autorisation relatif au toit d’immeuble devant accueillir la structure.

Cependant je reste persuadé que l’idée est susceptible de trouver sa clientèle à partir du moment où les quelques contraintes liées au LoftCube seront largement compensées par une vue et une situation géographique haut de gamme.

Ce type d’habitation peut également être voué à la location pour le secteur touristique, cela permettrait d’offrir à une clientèle, sans cesse à la recherche de renouveau, une prestation de logement originale à moindre prix. Quoi qu’on en dise, un petit déjeuner à l’aube face à la tour Effel ou à la statue de la liberté sur horizon dégagé de tout obstacle urbain, ça le fait quand même… non. Il faut juste trouver l'hélicoptère !

samedi 20 février 2010

Roses ...

Une photo d'une rose de mon jardin ...

dimanche 14 février 2010

Corne de l'Afrique : un nouvel océan pourrait voir le jour

L'ouverture d'une fissure géante dans la croûte terrestre en Ethiopie pourrait marquer le début de la formation d'un océan, selon une équipe de scientifiques internationaux.

Au milieu du mois de septembre 2005, une fissure s'est ouverte dans la croûte terrestre au nord de l'Afar, une zone désertique située à une centaine de kilomètres au sud de la frontière entre l'Éthiopie et l'Érythrée. Elle s'étend sur près de 60 km de long, entre 2 et 12 km de profondeur et son écartement est de 5 mètres en moyenne. On estime qu'environ 2 km³ de magma basaltique se sont injectés dans cette fissure. Cette gigantesque lézarde s'est produite en même temps que toute une série de séismes et une éruption sur le flanc du Dabbahu, un volcan qui culmine à 1 442 m. Depuis, une dizaine d'autres fissures plus modestes se sont ouvertes au sud.

"L'épisode d'ouverture de l'automne 2005 marque sans doute l'instant zéro de l'ouverture d'un océan dans cette partie du monde", estime Éric Jacques, de l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP). Avec une équipe de chercheurs de plusieurs nationalités, parmi lesquels un Éthiopien, un Érythréen, un Yéménite, des Anglais, des Américains et des Français, il a participé à plusieurs études consacrées à cet événement tectonique majeur (Geophysical Research Letters, vol. 36, octobre 2009 et Journal of Geophysical Research, vol 114, août 2009). D'autres publications vont paraître prochainement.

La crevasse a été provoquée par l'étirement causé par l'écartement entre l'Afrique et la péninsule Arabique. Son ampleur s'explique par la quantité de magma basaltique disponible sous le rift de Manda Hararo et remonté du manteau terrestre. En effet, l'Afar fait partie de la quarantaine de points chauds de la planète, des endroits où la matière chaude des profondeurs, moins dense que la matière de surface, remonte et perce la croûte.

Les concrétions rocheuses sont aujourd'hui partiellement solidifiées et elles forment une sorte de mur vertical coincé entre les deux parois des fractures. Elles constituent ce que les spécialistes appellent des filons magmatiques ou "dykes" (dikes), du néerlandais dijk qui signifie "digue". Nombre de filons magmatiques sont restés bloqués à 2 km de profondeur à l'intérieur ou au voisinage du mégadyke.

Cette fracture s'inscrit dans un contexte tectonique déjà bien connu. Le célèbre vulcanologue Haroun Tazieff l'avait étudié notamment dans les années 1960. Il avait émis l'hypothèse que la dépression de l'Afar allait s'ouvrir et former un océan. En effet, cette région se situe au point de rencontre de trois axes majeurs. Au nord, les deux rifts océaniques de la mer Rouge et du golfe d'Aden qui, tous les deux à des vitesses comparables (environ 1,5cm/an), écartent le continent africain de la péninsule Arabique. Au sud, le rift continental est-africain qui, d'ici plusieurs millions d'années, à condition que son activité se poursuive, devrait détacher la plaque somalienne du continent africain (voir infographie). Les rifts sont des fossés tectoniques où se concentre la déformation causée par l'écartement de masses continentales. La plupart des rifts volcaniques sont situés au fond des mers ou des océans. "La dépression d'Afar est un véritable laboratoire à ciel ouvert, le seul lieu sur Terre où l'on peut assister au déchirement d'un continent sans devoir plonger à plusieurs kilomètres sous l'eau", souligne Deborah Sicilia dans la thèse qu'elle a consacrée à cette région du monde et qu'elle a préparé à l'Institut de physique du globe de Paris.

Les mécanismes qui ont provoqué le mégadyke de septembre 2005 sont d'une extrême complexité. La circulation du magma est elle aussi extrêmement difficile à reconstituer. En fait, il y a plusieurs sources magmatiques et non pas une seule comme on le croyait au départ, et la source principale se situe au centre du mégadyke (thèse de Raphaël Grandin en cours d'achèvement à l'IPGP). "On ne comprend pas toute cette plomberie", résume avec humour et humilité Éric Jacques.

L'enjeu est double. D'une part, mieux comprendre ce qui se passe pour être capable d'anticiper et d'avertir les populations d'un éventuel danger. D'autre part, imaginer ce qui pourrait se passer dans les prochains millions d'années à venir.

Globalement, il est prévisible que le nouveau rift va se former le long de la chaîne du Manda Hararo, là où s'est ouvert le mégadyke en septembre 2005. "Dans un million d'années, la dépression de l'Afar se sera ouverte de 30 km supplémentaires", avance Éric Jacques. En revanche, les chercheurs de l'IPGP se demandent où le rift de la mer Rouge et celui du golfe d'Aden vont se rejoindre. Selon Isabelle Manighetti, du LGIT de Grenoble, il est possible qu'en se séparant du continent africain, le petit massif montagneux du Danakil, situé le long des côtes de l'Érythrée, se brise en deux pour permettre la connexion entre les rifts de la mer Rouge et du golfe d'Aden.

Les recherches sur le terrain sont limitées à cause de l'insécurité qui règne dans la région. Dans ce type d'études, les données satellites fournissent de précieuses informations mais doivent être recoupées par des observations faites sur le terrain. Depuis novembre 2007, les chercheurs ont installé en brousse au sud du mégadyke un petit réseau de stations sismologiques. Ils ont déjà pu suivre l'injection de trois dykes et en attendent prochainement un autre.

Les appareils installés sont rustiques et peu coûteux. Les chercheurs craignent en effet qu'ils ne soient vandalisés ou dérobés. Les déplacements dans la région en 4 × 4 sont difficiles. L'installation des appareils de mesure s'effectue parfois de nuit pour éviter d'attirer l'attention des rebelles. Les risques sont tels que les scientifiques connaissant la région deviennent souvent fébriles et préfèrent ne pas s'attarder sur place."La dernière fois, on n'a pas pu marcher sur la zone de fracture. On espère pouvoir le faire la prochaine fois", témoigne Éric Jacques.

lundi 8 février 2010

Cesaria ...

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Le Caravage

Le miracle Caravage

Son œuvre puissante et novatrice révolutionna la peinture du XVIIe siècle par son caractère naturaliste, son réalisme parfois brutal, son érotisme troublant et son emploi de la technique du clair-obscur qui influença nombre de grands peintres après lui.

Par ailleurs il mena une vie dissolue, riche en scandales provoqués par son caractère violent et bagarreur – allant jusqu'à tuer lors d'une querelle –, sa fréquentation habituelle des bas-fonds et des tavernes, ainsi que par sa sexualité scandaleuse pour l'époque, ce qui lui attira de nombreux ennuis avec la justice, l'Église et le pouvoir.

Il a trouvé, dans son art, une sorte de "rédemption à toutes ses turpitudes", mais il fallut attendre le début du XXe siècle pour que son génie soit pleinement reconnu, indépendamment de sa réputation sulfureuse.La vie de Caravage, au 17ème siècle, est certainement une des plus aventureuses qu'ait vécu un grand créateur.
Son chemin se dessine entre ombres et lumières. Son caractère passionné l'entraîne de la provocation au meurtre. Sa tête est mise à prix. Il doit fuir, se cacher. Mais il n'y en a pas trace dans sa peinture. Elle est certainement l'une des plus profondément ferventes que nous puissions voir dans toute la peinture baroque. C'est le vrai miracle Caravage. Miracle du sacré, à la dimension de ce qu'il a fait.

Le 29 septembre 1571, naît à Caravaggio, petit village du nord de l'Italie, Michelangelo Merisi, dit Caravage. Très fréquemment on portait le nom patronymique du lieu d'où l'on était originaire. Son père était l'architecte et le majordome du Marquis de Caravaggio. Avec ce double statut, il faisait partie de la maison. Le marquis, mécène dans la tradition de la Renaissance, avait des artistes près de lui. Raphaël était également majordome du pape ainsi que son antiquaire, son archéologue, en plus d'être son peintre ordinaire.
Trop souvent, les historiens d'art du 19ème ont voulu que Caravage soit né dans le ruisseau. C'est faux. Il est issu d'une excellente famille d'artistes, dont la sécurité sociale était assurée par un excellent marquis qui, à la fin du 16ème, se prend pour un mécène du 15ème.

Les joueurs de cartes

L'atelier de Peterzano

La vie de Caravage, au 17ème siècle, est certainement une des plus aventureuses qu'ait vécu un grand créateur. Son chemin se dessine entre ombres et lumières. Son caractère passionné l'entraîne de la provocation au meurtre. Sa tête est mise à prix. Il doit fuir, se cacher. Mais il n'y en a pas trace dans sa peinture. Elle est certainement l'une des plus profondément ferventes que nous puissions voir dans toute la peinture baroque. C'est le vrai miracle Caravage. Miracle du sacré, à la dimension de ce qu'il a fait. Le 29 septembre 1571, naît à Caravaggio, petit village du nord de l'Italie, Michelangelo Merisi, dit Caravage. Très fréquemment on portait le nom patronymique du lieu d'où l'on était originaire. Son père était l'architecte et le majordome du Marquis de Caravaggio. Avec ce double statut, il faisait partie de la maison. Le marquis, mécène dans la tradition de la Renaissance, avait des artistes près de lui. Raphaël était également majordome du pape ainsi que son antiquaire, son archéologue, en plus d'être son peintre ordinaire. Trop souvent, les historiens d'art du 19ème ont voulu que Caravage soit né dans le ruisseau. C'est faux. Il est issu d'une excellente famille d'artistes, dont la sécurité sociale était assurée par un excellent marquis qui, à la fin du 16ème, se prend pour un mécène du 15ème. L'atelier de Peterzano Comme tout le monde à cette époque, il commence l'étude de la peinture extrêmement tôt. Les peintres de la Renaissance et du baroque sont quasiment nés dans un atelier de peinture. On broyait des couleurs dès la plus tendre enfance. Arrivés à la maturité, ces peintres connaissaient leur métier parfaitement, comme respirer, marcher ou chanter. A 13 ans, sa famille décide de le consacrer aux arts. Il entre dans un des bons ateliers de Milan, celui du peintre Peterzano. Pourquoi un bon atelier? Peterzano est un mauvais peintre mais on apprend beaucoup mieux son métier chez un mauvais peintre que chez un bon. Un bon peintre va vous inculquer sa vision des choses. Un mauvais peintre en est incapable. Ainsi, l'élève, pour sortir de sa chrysalide, se débattra avec ses propres moyens et accédera à sa propre vision. Un mauvais élève deviendra un mauvais peintre mais s'il est un génie, il en sortira sans avoir été abîmé, ni influencé, mais en possédant une éducation technique, un métier parfait. C'est ce que reçoit Caravage.

Les musiciens

Une vie de misère

En 1592, il arrive à Rome. Il est évident que, sorti de l'atelier de son maître, il aurait dû d'abord recevoir des commandes locales toujours plus importantes, pour qu'une lettre de recommandation d'un personnage important le fasse, un jour, sortir de sa ville et ainsi, arriver à Rome en pleine maturité. Caravage s'installe tout de suite à Rome. Il a 21 ans. Âge des premiers tableaux. Évidemment, c'est un échec . Il y a bien assez de peintres, d'ornemanistes, de décorateurs. Qu'a-t-on à faire de ce jeune homme qui en plus, est insupportable? Il ne croit pas en la peinture que l'on fait, il le dit. Il ne croit pas en les chefs-d'oeuvre que l'on reconnaît, il le dit. Il prétend qu'il peut faire mieux, mais personne ne le connaît. Une vie de misère s'ouvre à lui dans la belle tradition de la bohème du 19ème siècle. L'épisode de sa période romaine commence par être romantique. Avec la recommandation de son vénéré maître Peterzano, il entre au service du Cavalier d'Arpin. Ce maître est plus mauvais encore que Peterzano mais il possède deux qualités qui font son succès: en grands habits, manchettes de dentelles et épée au côté, il peint à une vitesse incroyable. Une sainte Cécile est achevée en deux heures. Les cardinaux se déplacent pour voir ça, comme à la foire. Il exploite Caravage, lui fait faire tout ce qui l'ennuie, les guirlandes de fleurs, les mascarons, les cariatides. Naturellement, il ne le paie pas. Caravage vit dans un dénuement total. On raconte qu'il faisait le portrait des aubergistes pour subsister. Voler pour manger, squatter pour dormir mais la chance lui sourit. Le jeune Caravage rencontre un soir, Piazza Navona, le quartier des artistes, un personnage singulier, mi-français, mi-italien. On l'appelle le Valentin. Ce Valentin a une idée de génie: des gens veulent acheter des tableaux, ces gens ont des titres assez ronflants et des habits assez brillants pour ne pas les risquer dans la poussière d'un atelier d'artiste. Dans un appartement chic, aéré et coquet, il présente, expose la jeune peinture et y invite les mécènes. Le Valentin invente la galerie d'art.
Parmi ses premières victimes - inutile de dire qu'il payait à peine les tableaux qu'il prenait et qu'il revendait fort cher - il y a le jeune Caravage à qui Valentin demande des sujets charmants, légers, gentils, pas trop risqués qui se vendaient, à l'époque, très bien.

Le joueur de luth

Un mécène éclairé

C'est ainsi que Caravage, par Valentin interposé, se fera une belle clientèle. Parmi ses clients, il y aura le Cardinal Del Monte, homme très aventureux. On dit de lui qu'il était le plus ennuyeux des prélats mais le plus averti des amateurs d'art. Il fait sortir Caravage de l'écurie de Valentin et lui offre dans sa maison un gîte, un couvert et des appointements. Alors que tout devrait aller bien, alors que Caravage devrait être heureux et reconnaissant envers son cardinal de mécène, las, il se tient mal. C'est un caractère passionné. 1600 est l'année des premiers scandales. Lorsque l'on est historien d'art, on dit qu'il était passionné et qu'il travaillait tard le soir. La vérité est que Caravage s'enivrait, était poursuivi pour de sombres histoires de moeurs, courtisait les femmes des autres, se battait pour elles et finissait régulièrement au poste de police.

La diseuse de bonne aventure

Un tempérament excessif et violent

La vie de Caravage sera un exil permanent. Il devra fuir Rome. Le cardinal Del Monte et le cardinal Scipion Borghèse ne suffiront pas à sa protection. Il y aura mort d'homme. Bellori nous raconte: ³Le Caravage, quoique occupé par sa peinture, n'avait point abandonné ses occupations troubles; après avoir peint plusieurs heures dans la journée, il rôdait de par la ville, épée au flanc, et s'exerçait au métier des armes, montrant ainsi qu'il se souciait de tout autre chose que de son art.² Lors d'une rixe avec un jeune homme de ses amis qui jouait avec lui à la paume, après un échange de coups de raquettes, il saisit son arme et tua le jeune homme; lui-même fut blessé dans l'aventure. De très nombreux documents témoignent que Caravage tua Ranuccio Tomassoni da Terni, sur le Champ de Mars, le 6 mars 1606. Il s'enfuit de Rome, sans argent, et poursuivi, trouva refuge à Zagarolo, sous la protection du duc don Marzio Colonna, pour lequel il peignit un Christ à Emmaüs et une demi-figure de la Madeleine. Ces oeuvres sont aujourd'hui perdues. Il prit ensuite le chemin de Naples, ville où il trouva aussitôt à s'employer, car sa manière et son nom étaient déjà connus. Mais les choses empirèrent. Il tua à nouveau. Pas seulement une fois. Trois. Caravage est un assassin. Il est difficile de protéger un tel homme. Sa vie sera une fuite permanente.

L'amour victorieux

Un destructeur de l'art de la peinture

Sa vie délinquante ouvre la porte à toutes les justifications des critiques de l'époque. Les détracteurs sont nombreux. Les sources sont infinies. Nous avons trace de quantités de voix indignées, offusquées, de ceux qui ont détesté cette peinture-là. Un de ses pires détracteurs est Nicolas Poussin. Poussin régnait à Rome sur un cénacle épris de classicisme, un cénacle épris de cet admirable sens des proportions et du calme en art dont il était lui-même le grand prêtre. Poussin se trouvant devant une toile du Caravage, La Mort de la Vierge, se mit à hurler, à vociférer: «Je ne regarde pas, c'est dégoûtant. Cet homme-là est venu sur terre pour détruire l'art de la peinture. Une peinture aussi vulgaire ne pouvait être faite que par un homme vulgaire. La laideur de ses peintures l'emmènera en enfer.» Ces phrases colleront à la peau de Caravage pendant très longtemps.Deux siècles durant, Caravage est oublié. Il fallut attendre l'exposition de Milan, en 1951, pour voir enfin, de par la confrontation des oeuvres, se révéler la complexité du visage de l'artiste.

La mort de la Vierge

Des admirateurs enthousiastes

Le scandale Caravage fait retentir des hurlements de toutes sortes ainsi que des cris d'admiration, des enthousiasmes débridés. Baglione, chroniqueur des plus précieux de la Rome pré-baroque nous dit: « Une tête de sa main se payait plus cher qu'une grande composition de ses rivaux, tant était grande l'importance de la ferveur publique.» Baglione ne peut s'empêcher d'ajouter avec une certaine malice: «...ferveur publique qui ne juge pas avec les yeux mais regarde avec les oreilles.» Une «clique pro-Caravage», soigneusement entretenue autour du cardinal Del Monte, l'admirait sincèrement. Les jeunes peintres allaient le voir. De détracteurs en admirateurs, Caravage tentait de poursuivre sa carrière. Car il n'était pas que peintre, il était aussi homme. L'homme passionné, emporté, romanesque portait malheureusement crédit aux propos ulcérés de ses détracteurs.

Des débuts prometteurs


La tête de Méduse

Caravage reçoit la commande d'un bouclier de parade pour une armure qui devait être offerte au Grand Duc de Toscane. Il peindra la Tête de Méduse (détail) lié meduse Violence et passion. Pour la première fois, Méduse fait peur. Des oeuvres profanes marquent ses débuts. A cette époque, le public était lassé des grandes scènes mythologiques et des allégories du piétisme qui avaient marqué la fin de la période maniériste. Les amateurs d'art voulaient une peinture reposante. Les artistes ont inventé pour cette clientèle blasée une forme de pré-rousseauisme, un retour aux sentiments vrais et frais: la peinture de genre. Valentin vendait cela très bien.


Jeune garçon à la corbeille de fruits

La corbeille de fruits
Voilà ce que propose Caravage:
  • Jeune garçon à la corbeille de fruits
  • Jeune garçon mordu par un lézard

Ce sont jusqu'ici de petits tableaux, appelés tableautins. Le siècle en était friand pour meubler ses cimaises aux côtés des grandes compositions mythiques. A cette époque on mosaïquait ses murs de tableaux, cadres à cadres. Il fallait de petits tableaux pour meubler les vides. Caravage est dans le ton. Bacchus
Je dirais que c'est le premier Caravage. Jusqu'alors, ses peintures s'inscrivaient dans une tradition relativement facile, avec un faire relativement sec. Caravage va chercher ses modèles dans le ruisseau, la lie de Rome. Lorsque le sujet est Bacchus, cela gêne un peu. Cela va gêner beaucoup lorsqu'il s'agira de Jésus. Il est important de constater que Caravage n'accepte pas ce bon ton à une époque et à un âge où il ne devrait pas se le permettre. Il devrait faire ce qu'on lui demande, être dans le ton et ensuite inventer quelque chose. Il s'y refuse. Ce refus entraînera une révolution à chaque tableau. Nous sommes bien loin d'une peinture de genre mais dans une peinture qui joue à une peinture de genre qui, à chaque fois, apporte un élément plus brutal, plus passionné. Il demandera à Valentin de le dispenser de ce genre de sujet. Caravage est en train de naître. Valentin s'en rend compte, lui en demande encore et encore. Dépité, il livre le Petit Bacchus malade.

Le jeune Bacchus malade

Des compositions plus vastes

Les figures seules, qui marquent la période d'apprentissage de Michelangelo Merisi vont être remplacées par des compositions plus vastes.
Peintures à deux, à trois figures mais toujours sur des sujets légers: La Diseuse de bonne aventure, Là, est en train de naître, timidement encore, ce que sera la véritable recherche de Caravage sa vie durant: la recherche d'une lumière qui, née de nulle part, est une révélation d'origine divine. La peinture de cet homme-là n'est plus une peinture de genre, ni une peinture de clair-obscur mais une des peintures les plus mystiques qui soient. Cette lumière, d'origine divine dessine la réalité et aide à la compréhension de cette même réalité. Corbeille de fruits Narcisse On sent que depuis le premier tableau de genre à celui-ci, il y a une volonté de faire autre chose. Le sujet est autre, la préhension de la réalité est autre, mais il y a encore là toute les séductions de la peinture de genre. Caravage, très vite, réussit à gommer cela.Ses tableaux seront de moins en moins plaisants au sens propre du terme. De moins en moins de coups de hardiesse, pour le coup de hardiesse. De plus en plus, ce seront des tableaux essentiels. Caravage n'est plus l'industrieux tâcheron exploité par un galeriste, il est le protégé d'un cardinal. Cela l'amènera à la peinture religieuse.

Le repos pendant la fuite en Egypte

Une peinture à vocation religieuse et profondément mystique Le Repos pendant la fuite en Egypte Judith et Holopherne. Caravage se cherche. Il a essayé le bucolique avec le «Repos pendant la fuite en Egypte», l'expressionnisme avec «Judith et Holopherne», le voici avec Madeleine repentante (détail) dans quelque chose de piétiste. C'est une méditation traitée de façon classique. Caravage découvre sa vocation, il peindra les grands mystères de notre foi, car il croit, au fond de lui-même, fondamentalement. Mais il se cherche. Sainte Catherine d'Alexandrie, Saint Jérôme . Cette époque est déterminante. Il s'est défini. Il sait qu'il va peindre uniquement l'épopée christique. Il travaille son langage, son vocabulaire. Un aspect très typique de sa jeunesse, de sa première maturité, est qu'il éprouvera le besoin de régulièrement reprendre un sujet plusieurs fois. C'est à cette époque qu'il peindra un «David et Goliath» et pour aller plus loin, un second. Ce thème était très populaire à cette époque. «David et Goliath» étaient le plus souvent peints avec grandiloquence, en rose et bleu pâle si possible.

Judith décapitant Holopherne


La Madeleine repentante


David avec la tête de Goliath

C'est cela que l'on aimait. Dans sa recherche de ramener la peinture de la maniera à la vérité, voici ce que propose Caravage: David avec la tête de Goliath La seconde version, David tenant la tête de Goliath sera hallucinante. C'est en répétant ses sujets, en les traquant, les scrutant, les analysant que Caravage apprend à donner la pleine mesure de lui-même. Un des sujets préférés du peintre sera Saint Jean-Baptiste Cinq fois, il tentera de se dépasser. Madone des pèlerins ou Madonne de Lorette (détail). Cet homme, à qui l'on reproche de boire, de voler, de violer, de piller, d'assassiner, peint sans relâche. Crucifiement de saint Pierre, Conversion de saint Paul.


La Madone des Pélerins

La décollation de saint Jean Baptiste

L'exil

Mise au tombeau Caravage peint ce tableau les jours qui précèdent le meurtre qu'il va commettre. Lors d'une rixe à quatre contre quatre, pour une faute au jeu de la raquette, près de la demeure du cardinal del Monte, épaulé par Onorio Longo et par le capitaine Antonio Bolognese, Caravage est blessé mais tue Ranuccio Tommasoni de Terni. ( «Avvisi» di Roma, 31 mai 1606).
Il doit fuir Rome au moment où les commandes arrivent. Il se réfugié à Palestrina chez le prince Marzio Collona, beau-frère du marquis de Caravaggio. Le 6 octobre, il est à Naples. La période de l'exil commence. Tout est à recommencer. C'est à ce moment-là, privé de sa sécurité, de ses racines, de ses protections que Caravage va devenir un peintre bouleversant. Nous avons déjà vu des oeuvres bouleversantes, ce que nous allons découvrir dépasse tout.
Selon Babioni, il aurait peint ce tableau très rapidement dans son exil à Palestrina pour se payer le passage pour Naples.
Madone du Rosaire . Les sept oeuvres de Miséricorde. Nous avons évoqué les étapes principales, Milan, Rome, Naples. Toujours pour les mêmes raisons, Caravage doit fuir Naples et s'embarque pour Malte où on le retrouve peignant pour le compte du grand maître de l'Ordre qui, dit-on, l'y aurait fait entrer. Portrait d'Alof de Wignacourt Caravage est au faîte de son art. La Décollation de Saint Jean-Baptiste a été peinte alors qu'il vivait en paix sur l'île de Malte sous la protection des Chevaliers. C'est pour la cathédrale de la Valette qu'il peint ce tableau, une des versions les plus poignantes que l'on n'ait jamais peinte. Un thème usé, Salomé, Saint Jean-Baptiste, le dialogue de la femme et de la tête coupée a séduit les peintres, des premiers primitifs de l'époque romane jusqu'à Lucas Cranach, en période maniériste. Jamais ce sujet n'avait été traité de façon à la fois aussi souveraine et damnable. Baglione raconte qu'ayant outragé un chevalier, Caravage fut emprisonné, qu'il parvint à s'enfuir de Malte et à atteindre la Sicile où il s'établit à Palerme, effectuant des séjours à Messine et à Syracuse. Résurrection de Lazare Adoration des bergers Caravage apprend que sa grâce est proche. De point en point, de palier en palier, nous avons découvert un Caravage de plus en plus empreint de ce mystère religieux qu'il peint et sait traduire avec toujours plus de ferveur.

La résurrection de Lazare

Il a produit des oeuvres tellement ferventes, emplies d'un mysticisme des plus profonds et essentiels, il a témoigné d'un tel sens du sacré et surtout d'une telle compréhension du message christique, qu'en milieu romain il est pardonné. Il s'embarque alors sur une felouque pour se rapprocher de Rome, embarquant avec lui la Méduse, son tableau qu'il tenait à restaurer.

Mais, lors d'une escale à Porto-Ercole, frazione de Monte Argentario, il est arrêté par erreur ou malveillance et jeté en prison pendant deux jours, où il tombe malade. Relâché, il ne trouva plus son bateau, qui ne l'a pas attendu. La légende dit que, dépité, perdu et fiévreux, il erra sur la plage sans aucune aide humaine, en plein soleil où il finit par mourir comme il avait vécu, seul quelques jours plus tard, le 18 juillet 1610. En fait, son certificat de décès, retrouvé en 2001 dans le registre des décès de la paroisse de Saint-Érasme de Porto Ecole, signale qu'il est mort "à l'hôpital de Sainte-Marie-Auxiliatrice, des suites d'une maladie" à priori le paludisme. Il n'aura pas su que le pape Paul V, cédant à ses amis et protecteurs, avait finalement apposé son sceau sur l'acte de grâce.