Pour sa deuxième conférence de presse (je rappelle qu'il en avait promis deux ou trois par an), Nicolas Sarkozy n'a pas pris trop de risques. Il a invité à la dernière minute les journalistes économiques, et leur a demandé explicitement de limiter leurs questions à l'économie. Ceux-ci ont été très disciplinés.
Surtout, il a donné cette conférence pour annoncer un plan de revitalisation de l'économie contre lequel il est difficile d'être scandalisé : plus d'argent pour les universités, plus d'argent pour la recherche, plus d'argent pour les énergies renouvelables, etc ...
Enfin, le moment est bien choisi : la France vient d'annoncer qu'elle terminera l'année avec une récession inférieure à celle des voisins : le recul est de 2,2%, à comparer aux -5% allemands, aux -4,7% britanniques et aux -4,6% espagnols ...
Les questions ont été polies, y compris celle du directeur de "Libération", Laurent Joffrin, qui a commencé par saluer la performance économique de la France dont, suppose-t-il, "il serait injuste de dire que le gouvernement n'y est pour rien".
Eh bien, soyons "injustes" ! La vérité, c'est que gouvernement n'est pour rien dans la performance française (si tant est qu'on puisse appeler "performance" une baisse de la croissance de 2,2% !).
Certes, Nicolas Sarkozy a eu raison de ne pas écouter, fin 2008, les sirènes orthodoxes, surtout dans son camp, selon lesquelles toute relance serait catastrophique pour les comptes publics. Il donc a fait ce que tout gouvernement occidental a fait : il a laissé jouer les "stabilisateurs automatiques", c'est à dire qu'il n'a pas cherché à compenser par des coupes budgétaires les baisses de recettes fiscales liées à la crise (moins d'activité = moins de TVA).
Il a laissé le déficit s'accroître, comme l'ont fait tous ses collègues européens et américains. Et il n'a pas appuyé aussi fort que d'autres sur la pédale : Londres et Washington, par exemple, ont engagé des mesures bien plus massives en faveur des ménages.
Pourquoi dès lors la France a connu une récession moindre ? Pour trois raisons.
1. La première, c'est que l'économie française est moins "financiarisée" que les économies anglosaxones, et elle n'a pas subi de plein fouet l'éclatement de la bulle.
2. La deuxième raison, plus cruelle, est rappelée par l'économiste Patrick Artus dans "Libération" : la France a été moins touchée parce qu'elle s'est "désindustrialisée". La chute de la demande globale a frappé de plein fouet les grands exportateurs de biens d'équipement, dont la France ne fait plus partie. Artus donne des chiffres : l'emploi industriel ne s'élève qu'à 12% en France, contre 20% en Allemagne, les exportations représentent 22% du PIB en France, contre 50% en Allemagne…
3. Enfin, la France a été protégée par cet Etat-providence que Sarkozy rêve d'effilocher. Lors de sa conférence de presse, il a de nouveau comparé, avec une moue, le poids des dépenses publiques à celui des autres pays. Rendez-vous compte, "52% en France contre 42% en Allemagne" ! Pire, a-t-il même ajouté, "Nous avons dépassé la Suède !"
Paradoxalement, c'est cette importante dépense publique (pour la santé, l'éducation, la sécurité économique ou physique des citoyens) qui a permis d'amortir le choc de la crise. Par nature, la dépense publique est bien moins sensible aux aléas de la conjoncture que ne l'est la dépense privée.
Certes, il n'est pas très heureux de voir la France perdre du terrain sur les marchés internationaux et il est sain de s'assurer que la taille de l'administration publique n'est pas démesurée en comparaison aux services qu'elle rend.
Mais s'il est question de tenir un discours de vérité, il faut reconnaître que, pour une fois, ce sont ces "handicaps" qui ont permis aux Français d'être un peu mieux protégés que les autres contre la crise, et pas les quelques cadeaux fiscaux aux ménages aisés ou aux patrons de restaurants.
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