Les cent quatre-vingt-quatre jours de présidence française de l’Union européenne, au second semestre 2008, auront coûté aux contribuables français entre 171 et 176 millions d’euros, soit environ 950 000 euros par jour. Ce chiffre émane d’un rapport spécial de la Cour des comptes commandé par le Sénat et débattu en séance publique le 20 octobre devant la Commission des finances de l’auguste assemblée.
En réalité, la somme finalement dépensée est inférieure au budget de 190 millions d’euros prévu à l’origine. Cette somme a servi à organiser les réunions ministérielles se déroulant en France (les conseils des ministres dits "informels"), les conseils européens des chefs d’Etat et de gouvernement (dont les frais sont en partie couverts par le budget européen), ainsi que les différentes manifestations culturelles liées à la PFUE (Présidence Française de l'Union Européenne). La somme peut paraître astronomique, surtout si l’on compare avec les dépenses exposées par les présidences autrichienne, finlandaise, portugaise ou slovène, comprises entre 70 et 80 millions d’euros. Mais «on attend davantage d’une présidence française», précise Pierre Sellal, secrétaire général du Quai d’Orsay et ancien représentant permanent de la France à Bruxelles. D’autant que Paris a dû multiplier les réunions extraordinaires, entre la guerre en Géorgie et la crise financière et économique, sans compter les sommets avec les pays tiers. Jamais auparavant, les chefs d’Etat et de gouvernement ne se sont rencontrés à un tel rythme. Malgré tout, la France a moins dépensé que l’Allemagne, au premier semestre 2007 (180 millions d’euros), ce que reconnaît la Cour des comptes.
En réalité, la Cour ne pointe qu’un vrai dérapage, le sommet de l’Union pour la Méditerranée du 13 juillet 2008 : la réunion des 43 chefs d’Etat et de gouvernement du pourtour méditerranéen a coûté 16,6 millions d’euros. "Cela est dû à l’organisation tardive de ce sommet, puisqu’il a fallu attendre jusqu’au dernier moment pour savoir s’il aurait lieu, rappelle Sellal. Et on paye l’absence d’un centre de conférences internationales à Paris, capable d’accueillir 43 chefs d’Etat et de gouvernement et 1 900 journalistes." C’est Jacques Chirac, alors maire de Paris, qui avait bloqué le projet mitterrandien d’un tel centre…
Une sauterie qui a coûté 1.010.256 euros : Le député Dosière s’est penché plus spécialement sur le sommet de Paris pour l’Union pour la Méditerranée (UPM). Gloups, fait le député: "Un dîner des chefs d’Etat pour un coût de 1.010.256 euros, soit 5.050 euros par personne", est anecdotique mais surréaliste, "l’installation – pour 4 heures !– d’une douche à l’usage du président, pour un prix de 245.772 euros". "Apprendre que le chef de l’Etat organise, avec l’argent des Français, un repas qui coûte 5 fois le Smic par personne, c’est intolérable", s’indigne Dosière.
Sur le sommet de l’UPM, le porte-parole du Quai d’Orsay avance l’absence, à Paris, de centre de conférences internationales, obligeant à "aménager, de manière ponctuelle et provisoire, le Grand Palais" : "les frais engagés ont été plus importants", admet le porte-parole, qui rappelle l’ampleur "inédite" de ce sommet. "Une forme de record" avait aussi relevé la Cour des comptes... mais par le caractère irrégulier des procédures suivies et son impact massif pour les finances publiques".
Un argument qui ne fait pas recette auprès des parlementaires. Le député UMP, Jérôme Chartier appelle tout le monde à freiner sur la dépense publique. "L’exemple doit venir tant de l’exécutif que du Parlement." Il a lui aussi tiqué sur la douche : "Je vais rentrer dans les détails du rapport pour comprendre comment une douche peut coûter 240.000 euros, cela me paraît bien cher. ... !"
Nicolas Dupont-Aignan, président du parti Debout la République, dit franchement son raz-le-bol du bling-bilng: "On est une société qui marche sur la tête avec une arrogance de l’argent. On privilégie toujours la com’, les paillettes, et les paillettes ça coûte cher et ça ne produit pas de résultat."
Pierre Moscovici (PS) juge "beaucoup trop élevé» le budget de la présidence de l’UE. Les Français paient pour le Sarkoshow", déplore-t-il, estimant qu’"il aurait fallu une présidence plus modeste et plus économe d’autant que la crise éclatait".
La Cour pointe une "programmation excessivement touffue" (489 manifestations, dont 9 sommets internationaux, 25 réunions interministérielles, 328 séminaires, des symposiums, etc.) et "l'utilité publique et politique variable" de ces événements. L'institution présidée par Phillipe Séguin dénonce aussi de petits arrangements avec les procédures. "Trop d'événements ont été organisés dans l'urgence, est-il écrit dans le rapport. Il en est résulté des accommodements avec les règles de mise en concurrence."
Ce rapport vient d'être remis à la Commission des Finances du Sénat, qui l'avait commandé en octobre 2008.
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