Considérée en France comme une secte mais admise comme une religion aux Etats-Unis, la Scientologie a été pour la première fois jugée lundi dernier à Paris pour "escroquerie en bande organisée".
Sept responsables, dont son dirigeant français Alain Rosenberg, 60 ans, et ses deux principales branches françaises, "l’Association spirituelle de l’Eglise de Scientologie" et la librairie SEL (Scientologie espace liberté) feront face à trois plaignants - deux ex-adeptes et l’Ordre des pharmaciens.
Ce procès en correctionnelle durera jusqu’au 17 juin.
Les personnes physiques, également poursuivies pour "exercice illégal de la pharmacie", encourent jusqu’à dix ans de prison et un million d’euros d’amende, les personnes morales une amende cinq fois supérieure et l’interdiction d’activité, ce qui aboutirait à la dissolution du groupement en France.
L’enjeu est donc crucial pour ce mouvement fondé aux Etats-Unis dans les années 50 par l’écrivain de science-fiction Ron Hubbard et qui revendique aujourd’hui des millions d’adeptes dans le monde. Il poursuit son expansion avec notamment un récent début de reconnaissance officielle en Espagne.
Son hypothétique dissolution interviendrait toutefois à longue échéance.
Il n’y aura pas d’accusation à ce procès, puisque le parquet avait requis en 2006 un non-lieu général, estimant que les prévenus avaient agi de bonne foi en raison de "convictions religieuses". Si l’interdiction d’activité est prononcée, elle n’entrera en vigueur que si elle est confirmée en appel et en cassation, ce qui prendrait des années.
Par ailleurs, le dossier est affaibli par le désistement de trois des plaignants ayant transigé financièrement avec la Scientologie. L’instruction, ouverte en 1998, a été longue.
L’organisation d’un procès n’a donc tenu qu’à un fil - une ordonnance de renvoi du juge d’instruction Jean-Christophe Hullin rendue en septembre 2008 contre l’avis du procureur.
Une autre instruction ouverte à la fin des années 1980 a tourné court après la mystérieuse disparition en plein palais de justice de Paris d’une grande partie du dossier d’enquête.
"On n’a pas le sentiment qu’il y ait une volonté d’atteindre la Scientologie d’un point de vue politique, au niveau de la mise en oeuvre de l’action publique. C’est une interrogation", a déclaré à Reuters Me Olivier Morice, avocat des plaignants.
La Scientologie se targue de puissants appuis, et l’acteur américain Tom Cruise, son porte-drapeau mondial, n’a pas caché avoir abordé le sujet de son "église" lorsqu’il avait été reçu officiellement en 2004 à Bercy par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Economie, deux mois après la fin de l’instruction.
Le gouvernement français avait alors démenti tout lien avec le "déplacement" de policiers des Renseignements généraux chargés de surveiller la Scientologie.
Alors que le juge Hullin préparait sa décision, Emmanuelle Mignon, alors directrice de cabinet du président Nicolas Sarkozy à l’Elysée, avait suscité une polémique en février 2008 en estimant que les sectes étaient un "non-problème" et en évoquant le droit de la Scientologie à "exister en paix".
Me Patrick Maisonneuve, qui défendra le groupement américain au tribunal, va soutenir que la justice n’a pas à intervenir dans les affaires d’une "religion" et que les faits litigieux relèvent de "dérapages individuels".
Dans son ordonnance de renvoi, le juge Hullin rappelle notamment que des responsables de la Scientologie ont déjà été condamnés pour escroquerie à Lyon en 1997 et Marseille en 1999 et que sa branche francilienne a été sanctionnée de 8.000 euros d’amende en 2002 pour le fichage informatique d’anciens adeptes.
Il balaye la controverse sur le prétendu statut de religion de la Scientologie : "En ce qui concerne l’engagement religieux des intéressés, et quoi qu’il ne soit pas dans les attributions de la juridiction d’en apprécier la consistance, il a été rappelé qu’il n’était pas de nature à les affranchir de leur reponsabilité pénale pour les faits volontairement commis dans le but de s’enrichir".
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