
Avant d’être investi par les colonnes, le pavé royal était occupé par les voitures ...
Les hauts fonctionnaires ayant le badge suprême avaient seuls le droit de laisser des traces d’huile sur le granit et de gâcher le paysage avec leurs Citroën et autres Renault de fonction.
Un spectacle misérable sous les fenêtres de Malraux ...
Un jour, ce parking injuriant l’histoire, a été délocalisé. La cour vide, des pelleteuses sont arrivées, avec des hommes et des pelles. Et des brouettes. L’activité foreuse était telle que, pendant un temps, rien n’indiquant qu’une œuvre d’art était entrain de naître, les passants et habitants des alentours pensaient à la construction d’un nouveau parking mais sous le palais. Toutefois, les tranchées des trémies étaient étranges, au tracé anguleux et à la largeur réduite à celle d’une Fiat 500 première génération ! Finalement, la nouvelle est tombée, aucun parc de stationnement n'était prévu, on plantait une "sculpture urbaine" signée Daniel Buren.
Certains y voient une imitation futuriste des ruines romaines, d'autres un jeu de dames disproportionné. Les colonnes de Daniel Buren habillent la cour d’honneur du Palais Royal de noir et blanc. De toutes les tailles, rangées en lignes parallèles, ordonnées et désordonnées à la fois, les colonnes quadrillent la place qui se transforme en plate-forme virtuelle.

En 1985, le ministre de la culture de l’époque, Jack Lang, annonce qu’une commande publique vient d’être passée à Daniel Buren pour la réalisation d’une oeuvre monumentale qui doit prendre place dans la cour d’honneur du Palais-Royal, jusqu’alors transformée en parking. Dès cette annonce, un véritable déferlement polémique va se développer : campagnes de presse, dépêches d’agence, traitement radio et télé, manifestations des comités de soutien des différents protagonistes, questions parlementaires... et, plus encore, une effervescence étonnante de paroles, de courrier des lecteurs et de graffitis in situ.

De nombreuses péripéties Tout d’abord, premier accroc, celui de la commission supérieure des monuments historiques, dont l’avis, consultatif, est sollicité par Jack Lang : cette commission vote à l’unanimité de ses membres contre le projet. Celui-ci est en effet considéré comme "trop moderne et hautement intellectuel" (dépêche AFP de janvier 1986). Jack Lang décide de ne pas en tenir compte. Dans la foulée un comité de riverains déclare que ces travaux "dénaturent un site exceptionnel" (dépêche AFP de janvier 1986).

l’arrêt des travaux. La raison juridique allait-elle l’emporter sur la raison esthétique ?
Avec l’arrivée de François Léotard à la Rue de Valois, les opposants aux colonnes de Buren se prennent à espérer un arrêt définitif des travaux ou un déplacement de l’oeuvre.Nous assistons alors à la troisième et dernière étape de l’affaire Buren : celle des tergiversations.
Il repousse la décision finale en organisant de larges consultations avant de prendre la décision de maintenir l’oeuvre dans le site.

Pour autant, avec les palissades, c’est tout un pan d’expression libre qui tombe : des Français ont parlé aux Français. Les graffitis n’ont épargné ni Jack Lang, ni François Léotard. On accuse le premier du "crime de M. Lang" en référence au célèbre film de Renoir ou d’être un "Jack l’Eventreur" avant de s’écrier "Langouste" tandis que le second est traité de "Léotard-trouillard". Le chroniqueur Louis Pauwels va, dans l’organe de presse le plus engagé dans la croisade anti-Buren, "Le Figaro Magazine", jusqu’à singer les "parce queue" ministériels à propos de l’occupation du péristyle de la Cour d’honneur.
Après le temps de la polémique, vient celui des appréciations esthétiques. Lesquelles sont contrastées et parfois à front renversé, comme il se doit. On ne sera donc pas étonné de lire dans "le Nouvel observateur" du 8 août 1986, journal de gauche favorable aux Colonnes : "Hé oui, c’est con-con (...). La chose est trop anodine pour dénaturer quoi que ce soit." tandis que dans "le Figaro" du 15 mai 1986, sous la plume de Roger Peyrefitte, on découvre qu’il s’est " converti à Buren" et qu’il reconnaît dans les colonnes "le premier exemple de cohabition culturelle".

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