En voyant sa silhouette cubique intemporelle on n’imagine pas un seul instant qu’elle a vu le jour il y a 40 ans. Ses formes inspirées par la logique la situent hors des modes. Si on refaisait la Méhari aujourd’hui, on la referait exactement pareille. Elle ferait encore songer à la petite voiture en plastique moulé rouge ou verte qu’on faisait rouler sur la table de la cuisine lorsqu’on était gamin. C’est un jouet grandeur nature pour adulte.
Si au départ dans l’esprit de ses créateurs, il s’agissait avant tout d’un véhicule utilitaire, très rapidement, il s’est orienté vers les loisirs. Cela étant les administrations, les pompiers, l’armée furent de gros consommateurs de Méhari.
Au volant, une Méhari, c’était une 2CV mais en pire dont elle avait conservé les qualités et les défauts. Sa fameuse suspension hyper souple qui en balançant mollement ses passagers digérait les creux des chemins. Sa relative bonne garde au sol lui permettait de grimper partout à condition que ça ne monte pas trop. Son adhérence la rendait sûre sur le goudron, efficace sur la terre, impériale sur la neige en se contentant de boire 7 litres aux 100 avec un entretien symbolique.
Avec 1,60m2 de surface utile derrière les deux sièges avant, il n’y avait pas mieux qu’elle pour transporter un gros meuble. Elle était sans rivale pour débarrasser une cave en accueillant 400 kilos de charge utile ou transporter une tondeuse à gazon. Portée de bon service, elle n’avait pourtant pas l’image d’un utilitaire et encore moins de celle d‘une voiture de pauvre comme la 2 CV et la 4L à cette époque.
Le Comte Roland Paulze d’Ivoy de la Poype, industriel français, propriétaire de la Société d’Exploitation et d’Application des Brevets (S.E.A.B.), fait la connaissance de Jean-Louis Barrault, designer, et de Jean Darpin. Ils seront à l'origine de la Méhari.
Dans un premier temps, la voiture étant destinée à être commercialisée en kit, elle devait s’adapter sur une base existante pourvue d’un châssis séparé.
Si la Renault 4 fut d’abord envisagée, celle-ci fut rapidement abandonnée, la présence du radiateur à l’avant ne permettant pas d’abaisser suffisamment le nez.
La 2 CV, véhicule léger également conçu sur la base d’un châssis, mais dépourvue de cet accessoire, fut donc désignée.
Sur la base du châssis d’une vieille 2 CV camionnette entièrement débarrassé de sa carrosserie tôlée, mais équipé de sa mécanique d’origine, le comte de la Poype charge J-L. Barrault de dessiner une carrosserie en matériau plastique thermoformé, composée d’une dizaine d’éléments initialement boulonnés sur une armature métallique . C’est Jean Darpin qui réalisera le montage de ce premier prototype, dont les éléments étaient d’abord réalisés en carton, avant d’en relever les cotes pour réaliser les moules en bois, destinés à la thermoformeuse.
Les premiers essais eurent lieu durant l’été 1967.
Les panneaux de carrosserie, réalisés en ABS (Acrylonitrile Butadiène Styrène) présentent, dans un premier temps, un profil lisse qui, manquant de rigidité, sera abandonné dès le second prototype au profit de panneaux nervurés, tels que nous les connaissons encore aujourd’hui.
A l’automne 1967, le premier prototype, encore équipé du moteur de 425 cm³ de 18 ch. de la camionnette, est montré aux techniciens de Citroën dans les locaux de la S.E.A.B., avant son envoi au Quai de Javel pour y être présenté à la Direction Générale de Citroën.
Roland de la Poype, qui avait imaginé commercialiser lui-même son véhicule sous le nom de "Donkey" fit tellement bonne impression que Citroën, en la personne de Pierre Bercot, alors président de la marque aux deux chevrons, décida d’intégrer cet "âne" dans sa gamme utilitaire.
Comme la conception du prototype n’émanait pas du Bureau d’Études, les plans furent établis d’après les pièces grandeur nature, ce qui est une façon plutôt inhabituelle de travailler.
Le nom de Méhari, qui signifie dromadaire, fut finalement choisi car il symbolise tout à la fois l’aspect utilitaire et ludique de la voiture, sa sobriété et son endurance.
Les premiers mois de l’année 68 sont mis à profit pour assembler les douze premiers exemplaires de présérie, qui seront les seuls à être réalisés dans les ateliers de la S.E.A.B.
Ils seront équipés du moteur de la Dyane 6 présentée au salon de 1967, et propulsée par le 602 cm³ développant 28 ch. Les huit exemplaires présentés à la presse font partie de ce lot.
Les événements qui occupent la France en ce mois de mai perturberont quelque peu le calendrier prévu. Les voitures de présérie acheminées vers Deauville le seront à la dernière minute, la peinture, différente pour chacune d’entre-elles, à peine sèche.
Le 16 mai 1968 a lieu la présentation officielle de la Méhari à la presse automobile, réunie pour l’occasion sur le golf de Deauville.
Une vingtaine de mannequins de l’agence Catherine-Harlé défilent sur la pelouse du terrain de golf, à bord de huit des douze voitures de présérie. (quatre sont en réserve). Huit autres modèles de présérie seront encore assemblés dans les locaux de la S.E.A.B., portant le total des véhicules de présérie à vingt voitures.
Jacques Wolgensinger, directeur des relations publiques et de la communication de Citroën, organisera cette journée comme un grand show médiatique.
Ceci est d’autant plus surprenant que la voiture dépend du département véhicules utilitaires de la marque.
Chaque véhicule, peint dans une teinte couleur différente, présente une utilisation originale de la Méhari, les mannequins étant habillés en rapport avec le sujet.
Les teintes proposées ne seront pas toutes retenues pour le catalogue.
L’appellation commerciale définitive sera "Dyane 6 Méhari" et lors de la commercialisation, au salon de Paris en automne 1968, la puissance du moteur sera portée à 33 ch., tant pour la Dyane que pour la Méhari.
Le véhicule est rattaché à la gamme Dyane, alors qu’il est construit sur base de camionnette AK, et non de Dyane...
La société d’Exploitation Nouvelle d’Automobile et de Carrosserie (E.N.A.C.), située à Bezons en région parisienne, déjà chargée par Citroën de la fabrication des 2 CV camionnettes, est désignée pour la mise en production des 2500 premiers exemplaires.
55ème Salon de l’Auto, du 3 au 13 octobre, à la porte de Versailles, mais premier salon pour la Dyane 6 Méhari, qui a entre-temps hérité du moteur de 33 ch. de celle qui lui a donné son nom définitif.
Trois couleurs sont proposées : le rouge Hopi, le beige Kalahari et le vert Montana.
Une seule version de carrosserie : la 4 places, dont la banquette arrière possède un dossier amovible pouvant se rabattre, de manière à former un plancher de chargement rigoureusement plat d’une superficie de 1,6 m².
Cette surface sera largement exploitée par les propriétaires de Méhari, puisque la charge utile est de 400 Kg, pour un poids à vide de 525 Kg.
En Juillet 1969, premier grand frisson pour la Méhari.
200 jeunes belges participent au raid Liège – Dakar – Liège, organisé par le Royal Automobile Club junior de Liège.
100 d’entre eux feront le voyage aller, les cent autres assureront le retour à bord de 25 Méhari.
Ils traverseront sept pays, escortés de quatre camions Berliet d’assistance sur les quelque 4000 km du périple.
En 1970 la Méhari trouve ses repères et la production est accélérée, plus de 10 000 exemplaires sont fabriqués chaque année jusqu’en 1974. Une version 2 places est commercialisée dès cette époque ainsi qu’en 1972 une version pour l’Armée caractérisée par la présence de deux batteries et donc d’un poids légèrement plus élevé que l’original.
1974 est l'année de production record, avec 13.910 unités produites entre janvier et décembre.
C’est au cours de l'année 1976 que les accords passés entre Michelin et Peugeot S.A. en 1974 sont finalisés. Citroën quitte le giron du manufacturier de Clermont-Ferrand pour entrer dans celui de la firme de Sochaux. Le groupe P.S.A est créé.
Viennent ensuite des améliorations régulières pour adapter le modèle aux nouveautés automobiles. Nous noterons en 1977 une démultiplication augmentée et un double circuit de freinage et en 1978 l’arrivée de ceintures de sécurité et de freins à disques à l’avant.
L'année 1987 est l'ultime millésime pour la Méhari. Le modèle de base n’est plus proposé qu’en version 2 places, alors que la version Azur reste proposée dans les deux configurations.
381 exemplaires seront assemblés pour cet ultime millésime, toutes versions confondues.
L’usine portugaise de Mangualde, dernier site de production de la Méhari, arrêtera définitivement les chaînes au mois de juillet 1987, après 143.740 exemplaires en 4x2 et 1.213 en 4x4.
La moitié roule encore. La simplicité de la mécanique, la robustesse des matériaux, l’absence de corrosion sur les parties plastiques ainsi que la facilité d’approvisionnement en pièces détachées font qu’elle est toujours très recherchée des amateurs.
Son nom, qui est celui d’une race de dromadaires domestiques dressée pour les courses par les Touaregs, résume bien le côté passe partout et résistant de ce véhicule qui s’est très vite révélé particulièrement adapté sous les climats les plus chauds.
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