Lorsque les humains déménagent, ils visitent généralement plusieurs maisons avant de déterminer celle qui leur conviendrait le mieux, ou qui correspond le mieux à leurs préférences. Les fourmis, elles, procèdent tout différemment.
Pour le comprendre, des chercheurs de l’université de Bristol, conduits par Elva Robinson, ont équipé plusieurs fourmis de l’espèce Temnothorax albipennis (fourmis des rochers) de minuscules transmetteurs radio de 3 millimètres, fixés sur leur dos. L'équipe a ainsi réussi à suivre avec une grande précision le cheminement des membres d’une fourmilière en mal d’habitat, et déterminer comment ces insectes choisissent leur nouveau toit.
Les fourmis, originaires d'une fourmilière détruite pour les besoins de l'expérience, ont été placées dans une situation où deux sites potentiels de nidification se présentaient, l’un assez proche, l’autre quatre fois plus éloigné. Ce dernier, moins accessible, étant aussi plus favorable.
Plan de l'expérience. A gauche, la fourmilière initiale, détruite (original nest). A 30 cm, le site défavorable (poor nest), et beaucoup plus loin, le site favorable (good nest). Des compteurs RFID enregistrent les déplacements des fourmis. Crédit Université de Bristol
Lorsqu’une colonie de ces fourmis doit se déplacer, des éclaireuses commencent par explorer le terrain afin de découvrir les sites favorables. Elles retournent ensuite à la colonie et invitent d’autres membres de la fourmilière à les suivre. Arrivés sur place, ceux-ci font de même. Lorsqu’un certain quorum est atteint, le déménagement proprement dit commence, ainsi que le transport des œufs et des larves.
Mais comment s’établit le choix ? En pistant les fourmis équipées de puces RFID, les chercheurs ont déterminé que les fourmis ne parcouraient pas les sites potentiels l’un après l’autre afin de les comparer, mais les évaluaient directement selon des critères précis. Ainsi, très peu d’entre elles ont visité les deux emplacements dans le cadre de cette expérience. Les éclaireuses arrivées en premier lieu sur le site moins favorable ont poursuivi leurs recherches avant de tomber sur le second emplacement, tandis que celles qui y avaient directement abouti l’ont immédiatement sélectionné sans chercher ailleurs.
"Chaque fourmi semble avoir son propre seuil d’acceptabilité lui permettant de juger individuellement d’un emplacement potentiel, constate Elva Robinson. Les individus arrivant sur le site le moins favorable commutaient directement sur le meilleur site, tandis que celles qui y sont arrivées y sont restées. Les fourmis qui ont visité les deux endroits ont choisi le meilleur, mais les différents insectes n’ont pas eu besoin d’évaluer comparativement les deux sites pour que la colonie entière prenne la décision correcte".
La plupart des autres animaux, tout comme les êtres humains, utilisent l’évaluation comparative ce qui les conduit souvent à une décision irrationnelle, entraînée par le contexte dans lequel les différentes options sont comparées, ou par un classement compliqué de décisions intermédiaires.
Les fourmis, elles, se montrent d’une redoutable efficacité en procédant par une évaluation directe et absolue, peu sujette à ce type de risque, dans laquelle la mémoire – avec ses aléas – n’intervient pas.
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