samedi 2 mai 2009

La citroën ami 6

A défaut d’avoir été la plus désirable, l’Ami 6 fut certainement la voiture la plus désirée, puisqu’elle peut s’enorgueillir d’avoir été le véhicule le plus vendu en France il y a une quarantaine d’années.

Pourtant, elle n’était pas très belle, ni bien rapide, plutôt mal équipée, pas mal bruyante, et assez chère. Pourtant, elle se vendait bien. Qu’avait-elle de plus que toutes les autres ? Même pas son prix puisque avec le lave-glace et l’antivol…. optionnels, l’Ami 6 des années 67/68 était plus coûteuse qu’une Renault 8 ou une Simca 1000 dont les 4 cylindres développaient le double de la puissance de son petit 602 cm3.

Elle avait vu le jour mi-1961 habilement présentée comme une sorte de « petite DS ». En fait, il s’agissait surtout d’une grosse 2CV dont elle reprenait la plate-forme et sa mécanique engraissée à 602 cm3 habillée d’une carrosserie moins disgracieuse. Disgracieux, c’est vite dit. Comme la 2 CV, l’Ami 6 ne fut jamais considérée comme un premier prix de beauté.

Originale serait le mot exact avec son capot qui semblait tirer la langue et sa lunette arrière inversée liée à ses flancs torturés ne séduisirent pas tout le monde. Voici pourquoi, le break plus pratique et surtout à la poupe plus consensuelle prit rapidement l’ascendant en matière de vente. Voici aussi pourquoi, dès 1969 après un million d’exemplaires produits, Citroën la remplaça par l’Ami 8 plus lisse dont la custode arrière avait repris le droit chemin.

Flaminio Bertoni qui la sculpta aurait certainement pu mieux faire s’il avait eu les coudées franches, écartelé entre les désirs de son patron, le terne Pierre Bercot, ceux des ingénieurs et des mines qui le contraignirent à remonter les originaux phares rectangulaires placés trop bas. Ce fut d’ailleurs son dernier travail puisque ce génie eut le manque de savoir-vivre de disparaître avant le lancement du break dont il avait tracé les grands traits.

Cette esthétique baroque fait aujourd’hui l’attrait de cette petite Citroën qui paraît bien grande (3,96 m) lorsque on connaît sa minuscule cylindrée. Son intérieur délicieusement kitch avec ce curieux cocktail d’accessoires bon marché lié à cette volonté obsessionnelle de vouloir faire différent à tout prix y contribue également.


Toucher, regarder, conduire de nos jours une Ami 6 rappelle que 1968, c’était vraiment un autre siècle et que beaucoup de chose ont changé dans notre appréhension de l’automobile. Si vous souhaitez du dépaysement, ce n’est pas le peine de fuir à 10.000 kilomètres, roulez près de chez vous en Ami 6.

Après l’œil, la main est étonnée par la fragilité de la carrosserie dont les éléments plient sous la simple pression du doigt. La fermeture d’une porte légère comme du papier de cigarettes n’entraîne pas les sons auxquels nos oreilles sont habituées aujourd’hui.


Après avoir tiré le démarreur, l’esprit a le sentiment que la bande son entendue n’est pas celle du film que l’on regarde. Puisque les yeux fermés, ce qui n’est pas idéal pour conduire vous l’avouerez, on s’imagine piloter une 2 CV. D’abord, au niveau de la sonorité si particulière du petit flat-twin refroidi par air qu’on reconnaîtrait entre 1000. Ensuite, au niveau de sa direction lourde exigeant si l’on désire virer, de tirer bras écartés sur le volant et non de le tourner.

Mais, tout cela n’est rien à coté de sa fameuse suspension à quatre roues indépendantes. On en a déjà l’avant goût, en s’asseyant dans la voiture qui semble s’écrouler de votre coté. Une sensation qui suscite immédiatement l’envie de commencer un régime légumes vapeur.

Ensuite, en roulant, la caisse qui tangue fortement du coté opposé au virage contraint à s’agripper au grand volant trop horizontal, mais surtout nourrit le curieux sentiment que la carrosserie et le châssis vont partir dans deux sens opposés. Non seulement, l’Ami 6 reste sur la route mais elle s’y accroche obstinément sur ses minuscules pneus de 125x15. Même pas des roues de 125cm3 ! .

A l’époque, elle offrait un confort exceptionnel pour une petite voiture tout en bénéficiant d’une tenue de route sidérante issue de la 2CV. Qu’il neige, qu’il vente, qu’il verglace, l’Ami 6 était souveraine tout en se contentant de moins de 7 litres aux 100. Ce qui ne l’empêchait pas d’accueillir quatre passagers plutôt bien assis assortis d’un coffre immense surtout pour une 3 CV fiscaux.

C’était le concept de la lunette arrière inversée dont la mode fut éphémère qui autorisait une meilleure garde au toit pour les passagers et un grand couvercle de coffre.

Terminons par la grille du levier coulissant de vitesses. C’est comme le vélo, une grille de 2 CV, ça ne s’oublie pas. En quelques secondes, la main, le poignet, les métacarpiens retrouvent leur automatisme !
En 1968, on critiquait déjà ses performances trop timides. Malgré quelques chevaux supplémentaires, le 602 cm3 issu du 425 cm3 de la 2 CV ne délivrait encore que 26 ch SAE (environ 20 DIN). La puissance actuelle d’une 125 cm3 débridée. Si, elle lui permettait de flirter avec les 110 km/h contre 130 km/h pour une Simca 1000, en charge, les reprises manquaient terriblement de vivacité. Dans un beau vacarme mécanique, il fallait jouer sans cesse avec les quatre rapports de la boîte.

C’était surtout le gros reproche que les usagers faisaient à cette voiture trop proche de l’esprit de la 2 CV avec une finition quelconque et l’équipement succinct pour son prix. A la réflexion, comment se fait-il que cette berline ait eu autant de succès ? Certainement parce qu’elle répondait à une demande en récupérant toute la clientèle de la 2CV qui souhaitait une voiture un peu plus rapide et plus confortable et pas trop lourde au plan fiscal.

Il est vrai, que c’était encore le temps où l’acheteur était surtout fidèle à une marque plus qu’à un modèle. Vraiment, 1968, c’était un autre siècle !

Sa remplacante l'Ami 8


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