mardi 10 mars 2009

Sarkozy met du zèle à débarquer Cluzel



C’est le premier poste sur lequel Nicolas Sarkozy va pouvoir tester ses nouveaux superpouvoirs de nomination des patrons de l’audiovisuel public : la présidence de Radio France, dont le mandat du vacataire, Jean-Paul Cluzel, arrive à échéance en mai prochain. Et l’affaire s’annonce déjà croquignolette.

Hier, c’est un étrange communiqué qu’a publié Jean-Paul Cluzel à l’attention de ses salariés et de la presse. Il écrit avoir "pris connaissance avec stupéfaction de l’article du Canard enchaîné daté du 4 mars le concernant. Il tient à marquer qu’il ne peut accorder le moindre crédit à des affirmations prétendument rapportées qui porteraient si gravement atteinte à son intégrité, à son honneur et à ceux des personnels de Radio France". Quel crime a donc commis le volatile du mercredi ?

Calendrier. Selon le Canard, Cluzel, étiqueté chiraquien et proche d’Alain Juppé, n’est pas du tout dans les petits papiers du président de la République et doit déjà s’attendre à chercher du boulot. Sarkozy se serait en effet indigné "devant ses conseillers" des chroniques de l’humoriste Stéphane Guillon, notamment celle brocardant le goût prononcé pour la bagatelle de Dominique Strauss-Kahn, ainsi qu’une autre sur le physique de Martine Aubry. Mais ce n’est pas tout : toujours selon l’hebdo satirique, Sarkozy reprocherait à Jean-Paul Cluzel, qui revendique son homosexualité, d’avoir posé pour un calendrier réalisé au bénéfice d’Act Up. C’est pour le mois de mars que Cluzel - qui n’est pas crédité sur les photos, sinon en tant qu’"anonymous model" - apparaît, torse nu et tatoué, un masque de catcheur sur la tête. Ce cliché, relevé par Canal + en janvier, est totalement assumé par Cluzel, qui s’en explique alors sans aucune gêne auprès des salariés de Radio France et notamment des syndicats.

A l’Elysée, on dément. "Il (le président de la République) n’a rien dit du tout, ni en public, ni en privé. Nous n’avons pas encore étudié la succession éventuelle de Jean-Paul Cluzel." Et pourtant, selon nos informations, le 24 février, s’en revenant de Rome en avion, Sarkozy s’est laissé aller à quelques confidences, devant des journalistes cette fois. Cluzel ne sera pas renouvelé, a-t-il annoncé, évoquant effectivement le cas de Stéphane Guillon, mais pas le calendrier d’Act Up. Et Sarkozy a déjà son candidat, qu’il garde encore secret mais dont il a défini le profil devant l’aréopage de journalistes : ce sera un journaliste "ni de droite, ni de gauche".

Depuis, les noms circulent vitesse grand V : le directeur de France Culture, Bruno Patino, le conseiller de Radio France David Kessler, voire Laurent Joffrin, de Libération ("Je ne suis pas au courant", déclare-t-il).
A Radio France, le communiqué de Cluzel a déclenché l’étonnement : "C’est la première fois qu’on le voit réagir comme ça", raconte un journaliste. Un autre analyse : "Ce qu’il dit dans ce communiqué, c’est qu’il est blessé dans sa personne et qu’il ne peut pas croire qu’un personnage aussi haut placé que Sarkozy puisse dire des choses aussi basses."

"Chien". Du côté des syndicats, la CGT de Radio France a aussitôt réagi : "Où est l’obscénité ? Militer pour la défense des libertés individuelles et démocratiques en soutenant une association, ou annoncer 300 000 nouveaux licenciements en 2009 ? Où est la manipulation ? Défendre le service public de l’audiovisuel et la libre information, ou nommer et révoquer autoritairement et unilatéralement les présidents de France Télévisions et de Radio France ?" Quant au SNJ, joint par Libération, il souligne le bilan de Cluzel : "Le sarkozysme, c’est la culture du résultat, et du point de vue du résultat, Cluzel est loin d’être le plus mauvais président de Radio France, son bilan est globalement positif. Et puis, si Sarkozy a le droit légal de tuer son chien, qu’il le tue ; il n’a pas besoin de sortir des histoires pareilles."

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