samedi 14 novembre 2009

La dette et Nicolas ...

Il ne suffit pas de se lamenter sur les déficits publics. Il faut aussi se demander quels desseins politiques ils avantagent. L’ultralibéralisme, assurément.

Dans les années 70, on disait : "Au-dessus de 500 000 chômeurs, la France explose."
Dans les années 2000, l’adage devint : "Au-dessus de 1 000 milliards de dettes, la France implose."
Dans les deux cas, nous avons largement dépassé le cap, et la France est toujours là.
Avec du chômage (10 % à la fin de l’année) et de la dette (1 518 milliards d’euros à la fin de l’année).

Disons-le tout de suite : il ne sert à rien de pleurer sur le lait renversé.
La récession la plus violente qu’a connue le pays en 2008 et 2009 commandait de laisser filer les déficits. La dépense publique a remplacé la demande privée, ce qui a permis à l’économie de ne pas sombrer. On aurait pu changer quelques détails, mais rien au principal.

Inutile donc de crier "la dette, la dette, la dette ! " ou de se lamenter sur la disparition des critères de Maastricht. La dette, nous l’avons sur les bras. Et pour longtemps. Selon les projections mêmes du gouvernement, elle atteindra 91 % du PIB en 2012. Et il n’y aurait aucune chance de la voir régresser avant 2015. De quoi dire, parodiant François Mitterrand en un sanglot : "Contre la dette, on a tout essayé !"

En revanche, une question mérite d’être posée : que Nicolas Sarkozy fera-t-il de cette dette dont plus du tiers aura été amassée sous son quinquennat ? Certains à gauche, au centre, croient identifier le futur talon d’Achille de sa campagne électorale de 2012. Ce sera l’heure des comptes, et il faudra bien que le président assume une telle impéritie devant les électeurs !
Un boulevard s’ouvrirait pour l’opposition ?

Et si c’était tout le contraire. La dette peut très bien ouvrir le chemin de la victoire au président de la République. Mieux, en grossissant chaque jour, elle donne d’autant plus de corps au projet libéral. Car, pour la maîtriser, le plus simple, le plus compréhensible aux yeux de l’opinion, n’est-il pas de réduire la dépense ? Et qu’est-ce qui dépense ? L’Etat "obèse" d’une part, la protection sociale "dispendieuse" de l’autre ! Le concept curieux de "bonne" et "mauvaise" dette est déjà installé dans le débat public, sans faire plus débat, depuis le même discours de Versailles. On sait chiffrer les mauvais déficits, dits "structurels" : 30 milliards du côté de la Sécurité sociale, une quarantaine du côté de l’Etat. Trois pour cent du PIB, en somme.
L’opposition, poussée à réclamer des hausses d’impôts, est piégée. Le projet est déjà à l’œuvre. Pourquoi le président de la République avance-t-il à 2010 la négociation sur l’avenir des retraites prévue initialement en 2012 ? Parce que, l’an prochain, les recettes de la Sécu, indexées sur la masse salariale, seront au plus bas, à cause de la crise. On dira alors : "Regardez, si nous continuons comme cela, la dette va encore augmenter."
Contre une hausse des cotisations, les solutions "individuelles" seront alors mises en valeur.

L’Etat lui-même n’y échappe pas. Si l’on réduit le nombre de fonctionnaires, c’est au nom du combat contre les déficits. Deux cent mille postes, 5 % des effectifs, ont disparu depuis 2007, un véritable plan social !
Il ne s’agit pas de s’attaquer à l’Etat providence, par pur plaisir pervers et ultralibéral. Depuis longtemps, l’élite française cherche à retrouver "la compétitivité" sur la scène économique mondiale. Le raisonnement est, là encore, simple, voire simpliste : les grandes entreprises françaises, dans leur combat contre la concurrence, sont lestées de taxes destinées à nourrir l’ogre étatique et social.
La France aurait 4 points de PIB d’impôts de trop par rapport à ses partenaires européens. Réduire ce fardeau est une obsession. En 2007, Nicolas Sarkozy avait ainsi tenté de faire passer la TVA sociale, qui permettait de retirer 4 à 5 milliards d’euros de charge aux entreprises en les reportant sur les consommateurs. Il dut reculer devant la bronca des électeurs. Peu de gens ont remarqué qu’en supprimant la taxe professionnelle (10 milliards en année pleine), le président de la République vient de réussir là où il avait échoué, et bien au-delà, en tirant un nouveau chèque sur l’avenir. Le grand emprunt lui-même est frappé du sceau de la compétitivité, puisque les projets qui seront financés devront être "rentables immédiatement".

Moins de fonctionnaires, moins de protection sociale, moins d’impôts et des entreprises plus profitables : c’était déjà le programme de Nicolas Sarkozy en 2007. La crise l’avait interrompu. La dette le remet à l’ordre du jour pour 2012.

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