mardi 6 octobre 2009

Marek Edelman

Le dernier commandant de l'insurrection héroïque du ghetto juif de Varsovie contre les nazis en 1943, Marek Edelman, est décédé à l'âge présumé de 90 ans en Pologne, où il avait décidé de rester malgré l'Holocauste.
La date exacte de sa naissance n'est pas connue. Mais ses papiers officiels ont retenu la date du 1er janvier 1919, considérée comme la plus probable.
"Je ne sais pas quel âge j'ai exactement", avait-il expliqué dans un entretien à l'AFP en 2007. "Mon père est mort quand j'étais tout petit, je n'ai presque aucun souvenir de lui. Ma mère est morte quelque années après, je n'avais personne pour me le dire".
Né à Homl, une ville maintenant située au Bélarus, dans une famille de Juifs engagés dans le parti socialiste juif Bund, le jeune Edelman est dès l'enfance imprégné de l'idéologie de ce parti ouvrier sioniste de l'Europe de l'est.
Sa famille s'était installée à Varsovie quand il était tout petit.
Il est élevé par des amis de ses parents. Mauvais élève, non religieux, il se politise très vite et pratique le coup de poing dans la rue contre les groupuscules fascistes. "Juif non religieux dans un paysage antijuif" comme il définit à la fin de sa vie cette période. Il est membre du Bund, un mouvement socialiste juif, dont ses parents étaient des militants comme la famille qui l'a recueilli. Le Bund milite alors pour la lutte des classes, l'émancipation des ouvriers juifs et l'autonomie culturelle juive.
Sa famille adoptive fuit vers l'Union soviétique lors des bombardements allemands de 1939.
Quand éclate la Seconde guerre mondiale, il se retrouve enfermé par les Allemands avec près d'un demi-million de Juifs dans le ghetto de Varsovie. Coursier dans un hôpital, il publie des revues clandestines du Bund dont il est devenu membre.
En 1942 il est l'un des fondateurs de la "Żydowska Organizacja Bojowa" (ŻOB : Organisation juive de combat), second de Mordechaj Anielewicz, un sioniste de gauche.
En avril 1943, les Allemands décident de liquider le ghetto où il ne reste plus que 60.000 Juifs, la majorité ayant déjà été déportée vers le camp d'extermination de Treblinka.
C'est alors que les organisations juives du ghetto décident d'attaquer les nazis dans un combat pour l'honneur.
"On savait parfaitement qu'on ne pouvait en aucun cas gagner. Face à 220 garçons mal armés, il y avait une armée puissante", expliquait Edelman.
"Nous, nous n'avions pour nous tous qu'une seule mitrailleuse, des pistolets, des grenades, des bouteilles avec de l'essence et tout juste deux mines dont l'une n'a même pas explosé", a-t-il raconté.
L'insurrection a pourtant duré trois semaines. Lorsque Mordechaj Anielewicz, 24 ans, le commandant de l'insurrection, pris au piège, se suicide, c'est Edelman qui reprend le commandement pour les derniers jours de combats.
Pour venir à bout de l'insurrection, les Allemands décide de brûler tout le ghetto, maison par maison. "Ce sont les flammes qui l'ont emporté sur nous, pas les Allemands", soulignait Marek Edelman.
Seuls 40 survivront dont Eldeman, réussiront à fuir par les égouts (le 10 mai) après que les Allemands auront mis le feu au ghetto.
Ensuite, il rejoint la Résistance polonaise (l'Armia Ludowa). Plus d'un an après, il participe en 1944 à l'Insurrection de Varsovie, qui coûta la vie à 200.000 Varsoviens, insurgés et civils, et qui se solda par la démolition quasi-totale de la ville par les nazis.
Il quittera temporairement la Pologne à la fin de la guerre pour y revenir en 1946. Il rencontre sa femme, Alina Margolis, une bundiste comme lui. Alors que la plupart des Juifs polonais survivants ont choisi d'émigrer, ils décident de rester en Pologne, malgré de nouveaux pogroms en 1946 et l'ouverture des frontières pour les juifs en 1956.
"Varsovie est ma ville. C'est ici que j'ai appris le polonais, le yiddish et l'allemand. C'est ici, qu'à l'école, j'ai appris qu'il faut toujours prendre soin des autres. C'est aussi ici que j'ai reçu pour la première fois un coup dans la figure seulement parce que j'étais juif", avait dit Edelman quand il fut fait citoyen d'honneur de Varsovie en 2001.
Il devient un cardiologue réputé à l'hôpital Sterling de Łódź. Sa femme est pédiatre. Ils ont deux enfants, Aleksander (1953) et Ania (1958). Bien que la majorité des survivants juifs aient émigré en Israël, lui décide de rester en Pologne. "Il fallait bien que quelqu'un reste ici pour s'occuper de tous ceux qui y ont péri", répondait-il.
Après les mouvements étudiants de 1968, le pouvoir communiste polonais organise une campagne antisémite. Edelman, comme de nombreux juifs polonais, perd son emploi. Son épouse souhaite alors émigrer pour protéger leurs enfants mais lui veut rester en Pologne. En 1971 elle part s'installer en France avec son fils et sa fille (elle exercera comme pédiatre et sera co-fondatrice de Médecins du Monde, leur fils Aleksander deviendra directeur de recherche au CNRS à l'hôpital Necker, Ania cadre chez EDF). Marek Edelman restera à Łódź ou il sera réintégré à l'hôpital, il y travaillera jusqu'en décembre 2007, à 89 ans passés.
A partir des années 1970, il participa à l'opposition démocratique contre le régime communiste. Activiste du Comité de défense des ouvriers (KOR) puis du syndicat Solidarność. Il est interné cinq jours durant l'état de guerre (la loi martiale) 1981-82 par le gouvernement du général Jaruzelski. Il devient alors le médecin de confiance de la plupart des dissidents qui vont se faire soigner chez lui.
A la chute du communisme en 1989, il est élu sénateur de 1989 à 1993, sur les listes de Solidarité puis de l'Union démocratique, parti fondé par le Premier ministre Tadeusz Mazowiecki dont il est resté un fidèle.
Depuis Lodz (centre) où il habitait, il n'a cessé jusqu'à sa mort de dénoncer le racisme et l'antisémitisme en Pologne et dans le monde.

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