vendredi 23 octobre 2009

Le Prince Jean ou le népotisme à la française ...

Il s'agissait de l’élection, prévue le 4 décembre prochain, d'un certain Jean Sarkozy, le fils de ..., à la tête de l’Etablissement public d'aménagement de la Défense (EPAD). L’opération politique avait été planifiée depuis l’été. Elle consistait à mettre un jeune homme de 23 ans qui a redoublé sa deuxième année de droit et n’a aucune expérience du monde des affaires à la tête de l’organisme responsable de l’aménagement d’un des plus grands quartiers d’affaires d’Europe avec un budget de 115 millions d'Euros.

La veille, le Prince Jean était venu lui-même répété sur le plateau de France 3 Ile-de-France les arguments mécaniques ressassés à l'envie par les supporteurs du Président: "j'ai été élu". Bien sûr mon garçon. Ton expérience te disqualifie pour être assistant juridique à l'EPAD, le même établissement dont tu brigues la Présidence. L’héritier évita soigneusement de réagir aux interrogations quand à l’importance de son nom dans la rapidité de son parcours politique. " Nous sommes la risée du monde entier" a rappelé, quelques heures plus tard, François Bayrou. Jean Sarkozy est lui la risée du Web. Les sondages dénoncent cette "élection-nomination". Et le Canard Enchainé rappelle comment l'Elysée a manoeuvré pour placer le Prince Jean : Pistonné pour être candidat dans un canton protégé de Neuilly-Sur-Seine, le fils Jean a rapidement " convaincu" le député-maire de Meudon Hervé Marseille de lui laisser sa place d'administrateur de l'EPAD ("On s'est mis d'accord entre nous sans voter" explique ce dernier !). Quand au président sortant, Patrick Devedjian, un décret était prêt, cet été, pour lui permettre de poursuivre son mandat malgré ses 65 ans. L'Elysée a bloqué ...

Jean Sarkozy trouvera certainement des gestionnaires compétents pour administrer l’organisme à sa place. Car l’opération est surtout politique. Cette présidence était une étape dans la conquête de la présidence du conseil général des Hauts-de-Seine en 2011. Ce département, où le revenu moyen est trois fois plus élevé qu’ailleurs, est depuis toujours un château fort de la droite. De Charles Pasqua à Patrick Balkany, c’est aussi le lieu de tous les scandales politico-financiers.
Et Nicolas Sarkozy n’a pas l’intention de laisser un concurrent s’emparer de cette chasse gardée. Matignon avait souhaité prolonger le mandat de Patrick Devedjian à la tête de l’EPAD, mais l’intéressé a le défaut de ne pas être un inconditionnel. On aurait pu laisser le vice-président Hervé Marseille briguer la présidence. Mais celui-ci vient opportunément d’être nommé (par l’Elysée) au Conseil économique, social et environnemental. Le 23 octobre, il cédera donc son poste d’administrateur au dauphin Sarkozy.

Pour sa défense, Jean Sarkozy n’a pas complètement tort de dire qu’il n’a jamais été “nommé” nulle part. Il oublie de préciser que le seul scrutin qu’il a vraiment remporté s’est tenu à Neuilly, la ville qu’a dirigée son père pendant vingt ans. Au conseil général, où il préside le groupe UMP, et à l’EPAD, il s’agit d’élections par des pairs. Autrement dit, des élus de la majorité, dont l’avenir politique dépend entièrement du président.
Car Nicolas Sarkozy a aussi refusé, comme l’aurait exigé une certaine tradition, de laisser l’UMP à un éventuel concurrent. Il a ainsi conservé la haute main sur les candidatures, et peut donc décider de la vie ou de la mort des élus du parti. Froid stratège dépourvu de la moindre pudeur, le président a probablement jugé qu’il valait mieux agir immédiatement, malgré le tollé, plutôt que trop près de l’élection présidentielle.

Tout cela ne fait qu’ajouter à l’atmosphère d’impunité politique qui règne ces jours-ci en France. Car il ne faut pas oublier les blagues de mauvais goût sur les étrangers du ministre de l’Immigration Brice Hortefeux. Sans compter l’affaire Clearstream, un procès dans lequel le président, qui jouit de l’immunité pénale, se permet de poursuivre personnellement un ancien adversaire politique, Dominique de Villepin, et de traiter publiquement les accusés – présumés innocents – de “coupables”.
Dans tous ces incidents, le gouvernement a fait bloc sans reconnaître l’ombre d’une faute. Or, dans toutes ces “affaires”, ce n’est pas la gauche que le président est en train de mécontenter, mais bien le “peuple de droite”. Le candidat Sarkozy n’avait-il pas dénoncé les élites de Saint-Germain-des-Prés, ces soixante-huitards qu’il accusait de laxisme, d’avoir transgressé tous les interdits et de n’avoir plus de morale ?

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