dimanche 25 octobre 2009

"Créer c’est puiser et épuiser le corps."

Angelin Preljocaj (qui se prononce "preliotchaï") né en 1957 à Paris, est un extraordinaire danseur et chorégraphe de danse contemporaine. Son travail chorégraphique est très imprégné de l'histoire des ballets classiques, mais est résolument contemporain.
Entré au répertoire du Ballet de l'Opéra national de Paris au début des années 1990, Angelin Preljocaj dirige depuis 1985 la compagnie Preljocaj, renommée par la suite "Ballet Preljocaj", et qui est en résidence au Pavillon Noir d'Aix-en-Provence depuis 1996. Il est considéré comme l'un des chorégraphes Français les plus importants.

La famille d'Angelin Preljocaj est originaire de Ivangrad en ex-Yougoslavie, aujourd'hui Berane au Monténégro. Elle faisait partie de la communauté albanophone de la confédération et ses parents sont arrivés en France comme réfugiés politiques.
Preljocaj fait tout d'abord des études de danse classique avant de s'orienter vers la danse contemporaine avec Karin Waehner à la Schola Cantorum. Après une période d'étude auprès de Merce Cunningham à New York, il rejoint, en 1980, la compagnie Quentin Rouillier à Caen, puis travaille au Centre chorégraphique national d'Angers dirigé alors par Viola Farber. En 1982 il est engagé comme danseur dans la compagnie de Dominique Bagouet à Montpellier.

Angelin Preljocaj fait ses débuts de chorégraphe en association avec Michel Kelemenis, avec la création d'"Aventures coloniales" programmé au Festival Montpellier Danse de 1984 et sa reprise quelques mois plus tard pour l'inauguration du Théâtre contemporain de la danse. À la fin de cette même année, Preljocaj crée seul "Marché noir", récompensé au Concours de Bagnolet, pour lequel il reçoit le prix du Ministère de la Culture. En 1985, il décide de fonder sa propre compagnie, la Compagnie Preljocaj, en résidence à Champigny-sur-Marne, devenue sous son impulsion le Centre chorégraphique national de Champigny-sur-Marne, puis du Val-de-Marne en 1989.

Il crée pour elle "Larmes blanches" (1985) et "À nos héros" (1986), une pièce inspirée par la statuaire des monuments aux morts.
En 1987, Preljocaj obtient un prix "hors les murs" de la villa Médicis et part pour le Japon où il étudie le théâtre Nô. Un an plus tard, à son retour, il crée "Hallali Ravée" - une évocation de Jeanne d'Arc - lors du Festival d'Avignon et Liqueurs de Chair lors d'un séjour au Centre national de danse contemporaine d'Angers. Ce dernier ballet sera, pour lui, l'occasion d'une première coproduction avec le Théâtre de la Ville à Paris.
La danse de Preljocaj se caractérise dès lors par une forte base technique néo-classique et moderne, dans laquelle s'épanouit le langage contemporain singulier du chorégraphe : un lyrisme teinté d'une forte sensualité.

Il présente "Noces", d'après Stravinski (qui rentrera au répertoire), à la biennale de la danse du Val-de-Marne en 1989 et reprend l'œuvre pour le Festival d'Avignon la même année. En 1990, pour le Ballet de L'Opéra de Lyon, il crée une version de "Roméo et Juliette" de Prokofiev avec le concours du dessinateur de bandes dessinées et réalisateur Enki Bilal.
Quittant le Val-de-Marne, la compagnie Preljocaj prend, en 1992, ses nouveaux quartiers au Théatre national de la danse et de l'image de Châteauvallon (actuellement Centre national de création et de diffusion culturelles de Châteauvallon) dont il deviendra le partenaire artistique. Ce séjour débouche sur la création de "La Peau du monde". Angelin Preljocaj reçoit cette année-là le "Grand Prix national de la danse" décerné par le Ministère de la Culture.

La compagnie est invitée, en 1993, par l'Opéra Garnier, à monter Parade, "Le Spectre de la rose" et "Noces", en hommage aux Ballets russes. L'année suivante, Preljocaj crée "Le Parc" pour le Ballet de l'Opéra national de Paris, puis "L'Anoure" en 1995 sur un livret de Pascal Quignard, et "L'Oiseau de feu", en 1996 pour le Ballet de Munich. L'entrée de certaines chorégraphies de Preljocaj au répertoire du Ballet de l'Opéra national de Paris débute à cette époque.

En 1995, Preljocaj est pressenti pour prendre la direction du Ballet du Nord mais le projet n'aboutira pas. Il est ensuite sollicité pour créer le Ballet national contemporain de Toulon. Initialement enthousiaste, l'élection de l'extrême-droite à la tête de la ville le fait renoncer à un contrat qui le lierait à celle-ci. En 1996, la compagnie s'installe finalement à Aix-en-Provence où elle demeure depuis lors au sein du Pavillon noir.
En 1997, la compagnie fait ses débuts au Joyce Theater avec la présentation de "l'Annonciation" - pour laquelle la compagnie reçoit un Bessie Award - du "Spectre de la Rose" et de "Noces". Le succès de la tournée de la compagnie pousse Peter Martins, qui a succédé à George Balanchine comme directeur artistique du New York City Ballet, à inviter le chorégraphe à monter "La Stravaganza" dans le cadre de son Diamond Project.

Par ailleurs la même année, en France, Preljocaj reçoit une Victoire de la Musique pour "Roméo et Juliette". Le Festival d'Avignon devient un lieu récurrent de création de plusieurs de ses spectacles, dont "Paysages" après "la bataille" (1997) et "Personne n'épouse les méduses" (1999). En 1998, le Deutsche Oper Berlin lui demande d'être conseiller artistique pour la danse. Il monte "Le Parc" pour la compagnie allemande.

À partir de 2000, Preljocaj développe une nouvelle approche de la chorégraphie où il établit un dialogue entre le corps des danseurs et l'image au travers des nouvelles technologies (images de synthèse, gestion informatique en temps réel). De là naîtront une série de chorégraphies importantes comme "Portraits in Corpore" (2000), "MC/14-22 « Ceci est mon corps »" (2001) et "Helikopter" (2001), œuvre multimédia qui juxtapose danseurs et projections vidéo sur une musique de Karlheinz Stockhausen (le ballet est réglé sur le quatuor Helikopter-Streichquartett pour moteurs d'hélicoptères et violons). En 2001, Angelin Preljocaj revient à plus de classicisme avec une version du "Sacre du printemps" de Stravinski, coproduction franco-allemande réunissant les danseurs de la compagnie Preljocaj avec ceux du Staatsoper de Berlin sous la direction de Daniel Barenboïm.

En 2002, le chorégraphe part seul pour explorer les pentes du Kilimandjaro. Cette année de méditation lui inspire "Near Life Experience", une pièce éthérée, presque psychédélique sur la musique du groupe français de musique électronique, "Air", qui rencontrera un grand succès international, notamment lors de sa présentation à la Brooklyn Academy of Music de New York. En 2003, une nouvelle chorégraphie de L'Annonciation destinée uniquement au support vidéo permet à Preljocaj d'explorer le langage chorégraphique spécialement pour ce média.

Prenant à nouveau son public à contre-pied, après le succès de "Near Life Experience", la compagnie crée, en 2004, "Empty Moves (part I)", qui constitue un retour aux sources du mouvement chorégraphique pur, presque austère, sur une musique de John Cage, et surtout "N" (jouant sur l'homophonie du mot haine), pièce réalisée avec Granular Synthésis, évoquant la souffrance et les barbaries humaines. Ce ballet, d'une dureté et d'une violence physique poussées, est relativement éprouvant pour le spectateur. La même année, il crée, pour l'Opéra de Paris, "Le Songe de Médée", un huis-clos inspiré du mythe de Médée. La création des "4 Saisons", en 2005, en collaboration avec le plasticien Fabrice Hyber, s'oriente vers plus de sérénité avec un spectacle placé sous le signe de l'exaltation et de la joie sur la musique d'Vivaldi.

Invité par Karlheinz Stockhausen dans son atelier de Cologne pour écouter Sonnatgs-Abschied, Preljocaj écrit, en 2005, "Eldorado". Le ballet, créé en 2007 juste avant la mort du compositeur allemand, fera également l'objet d'un film réalisé par Olivier Assayas. À l'occasion de la venue de l'équipe de rugby de Nouvelle-Zélande au Pavillon noir en 2007 lors de la Coupe du monde de rugby organisée en France, il compose une courte chorégraphie intitulée "Haka" et inspirée de la danse rituelle maori. En 2008, il produit un nouveau ballet romantique avec "Blanche Neige" sur une musique de Gustav Mahler et des costumes de Jean-Paul Gaultier.

En 2009, alors que sa compagnie (composée de 26 danseurs permanents) est en tournée pour "Blanche-Neige" et qu'il se retrouve un temps seul pour ses créations, Preljocaj adapte un texte de 1958 de Jean Genet, "Le Funambule", qu'il transforme en un solo théâtral, parlé et dansé, dont il est à la fois le metteur en scène / chorégraphe et l'interprète. Funambule est son premier solo en plus de trente ans de carrière.

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