samedi 26 septembre 2009

Yoann Gourcuff

Yoann Gourcuff né le 11 juillet 1986 à Ploemeur, dans le Morbihan (en Bretagne !) est un footballeur international français, évoluant depuis la saison 2008-2009 aux Girondins de Bordeaux. Il joue au poste de milieu offensif. Au regard de ses performances en Équipe de France et en club, il est considéré comme l'un des plus grands espoirs du football français. Il a obtenu le titre de meilleur joueur de Ligue 1 en 2009 ainsi que du plus beau but de cette même saison, avec son but contre le Paris Saint Germain lors de la 20ème journée.

Mais que sait-on de Yoann Gourcuff ? Pas grand-chose. Disons ce que le terrain - la dernière chose qu’on nous laisse regarder - veut bien montrer de lui. Gourcuff est né médiatiquement le 5 décembre 2008 quand, au terme d’un vague Bordeaux-Valenciennes (2-1) d’arrière-saison, le joueur a décidé d’improviser un strip-tease sur la pelouse du stade Chaban-Delmas. L’affaire a duré dix minutes pour s’achever en slip. Les images du Girondin ont boosté les connections de sites de partage vidéo pendant des semaines et l’intéressé a été nommé bombe du mois de décembre par le magazine " Têtu". Gourcuff commentera l’affaire : "On m’en a pas mal parlé. Je me suis fait un peu chambrer là-dessus. Je n’y attache pas beaucoup d’importance, même si j’ai envie que les gens aient une bonne image de moi."

A la recherche de Yoann Gourcuff, c’est l’histoire du meilleur joueur de Ligue 1, un type qui a durablement mis les finances des Girondins de Bordeaux dans le rouge (on parle de 360 000 euros mensuels) lors de la signature de son contrat en mai. Mais cette histoire s’écrit sans l’intéressé : Gourcuff ne parle pas. Ou peu, et jamais de lui-même.

Subsistent des morceaux arrachés au bonhomme à l’issue d’un match, lors d’une conférence de presse à Bordeaux, ou pendant un rassemblement des Bleus à Clairefontaine. Une somme informe, parcellaire, dont on se rappelle deux choses : d’abord, Gourcuff en jeune homme pressé s’exfiltrant du stade de La Beaujoire, à Nantes, en redingote pied-de-poule et dans le véhicule d’un copain venu le chercher alors que ses coéquipiers, en survêtement et en rang d’oignons, étaient montés dans le car siglé Girondins de Bordeaux. Ensuite et fin, une conférence de presse donnée au stade Chaban-Delmas après un succès (2-1) face à Toulouse assorti d’un but inouï ; une sorte de dribble derrière le pied d’appui en repartant à 90° par rapport à l’angle de course initial. Il s’est pointé un brin ombrageux, le regard lourd, comme maquillé. Sur le foot, ce fut remarquable : "Il y a eu deux, trois secondes où j’ai vécu une situation bizarre. Le ballon n’était pas pour moi. Il n’était pas non plus pour mon adversaire direct. En fait, il n’était à personne."

Il vient juste de raconter son but. Et le reste ? On a droit à la spéciale du joueur, celle qu’il adresse à son interlocuteur à chaque question qu’il n’aime pas : il le regarde intensément par en dessous en entrouvrant légèrement la bouche. "Je n’ai jamais envie de parler de moi. Je ne maîtrise pas. Ça prend beaucoup d’énergie. Tout ce qui peut se dire ou s’écrire ne peut que perturber le foot." Au bout d’une trentaine de minutes, on a cru entrevoir quelque chose. On a senti le gaillard un peu joueur. Comme si, de son point de vue, le personnage qu’il se compose lors de ce type d’exercice était à la fois inévitable et marrant.

Fermez le ban ? Non : les médias artillent de partout. Se jettent sur le père, Christian Gourcuff, entraîneur, aujourd’hui en poste à Lorient. Qui, lui, donne des interviews en série : "A 5 ans, mon fils se passait en boucle les vidéocassettes du Brésil de Pelé. Je suis sûr que cela l’a rendu sensible aux beaux gestes techniques." Un psychologue spécialisé dans le sport, dans Ouest France : "Que son père soit entraîneur est une bonne chose. Le père est une personne-ressource. Il est important de savoir d’où l’on vient. Les racines font du bien." Gilles Dumas, directeur de SportLab Group, dans "le Figaro" : "Son image tranche avec les canons actuels du football. Gourcuff n’a pas le style banlieue, casque sur les oreilles et look de rappeur. Son bon niveau d’éducation transparaît à chacune de ses apparitions. A lui d’exploiter son potentiel médiatique pour élargir le spectre de sa notoriété."

Gourcuff se fiche complètement de sa notoriété et s’il a effectivement eu son bac Sciences et technologies industrielles à 18 ans, la plupart des joueurs qui crapahutent en Ligue 1 ne peuvent pas en dire autant. Mais bon, qu’importe : Yoann Gourcuff est toujours dans l’œil de celui qui le regarde. C’est aujourd’hui son secret. Attention : la règle vaut aussi pour ses parents, divorcés quand Yoann avait 13 ans. Le père est consulté sur la carrière du joueur et, plus généralement, les choses du ballon. La mère se charge du reste.

Une enfance tranquille dans une banlieue pavillonnaire de Ploemeur (Morbihan) : un grand frère plus âgé de quatre ans et les gamins qui passent leurs journées à taper contre un mur un ballon de foot - le père est alors joueur professionnel - ou une balle de tennis, sport qui poursuivra Yoann longtemps : il y atteindra un excellent niveau, ce qui accréditera plus tard l’image d’une sorte de sportsman doué pour tous les sports de balle.

Yoann a 13 ans quand il file en internat au centre de formation de Ploufragan (Côtes-d’Armor) : ce jour-là, il ne verse pas la moindre larme, ce qui interpella ses parents. A 17 ans, il signe son premier contrat pro au Stade rennais, où son père entraîne l’équipe première. Sauf que Christian est viré : on explique alors à Yoann qu’il faut s’accrocher et faire la part des choses, le gamin reçoit le message cinq sur cinq mais divise ses éducateurs. Certains lui trouvent le sens du jeu. D’autres remarquent surtout sa lenteur : il semble décomposer ses gestes, comme si on le voyait sous la lumière d’un stroboscope.

Côté cour : une bagarre dans un bar (il expliquera avoir été provoqué), les premières petites amies et c’est tout. Yoann Gourcuff apparaît réservé, volontaire et tenace. Un jour de juin 2006, il fait le grand saut et signe au Milan AC, le Stade rennais récupérant 3,5 millions d’euros. Un détail : le matin même, le président de l’Olympique lyonnais, Jean-Michel Aulas, était encore persuadé de tenir le bon bout.

En Lombardie, le petit gars de Ploemeur jure un peu dans le paysage. Tous ceux qui ont côtoyé le grand cirque milanais racontent la même chose : ces gars-là font peur. Elégants à en crever, les joueurs semblent se dissoudre dans une sorte d’ordonnancement réglé au battement de cil près, et où on ne distingue plus le dirigeant du footballeur, l’acteur économique du politique (berlusconisme oblige), la femme d’untel d’une attachée de presse ou d’une top model qui passe par là.

Pour un joueur qui sait du foot ce que la formation à la française a bien voulu lui inculquer, l’obstacle a quelque chose d’insurmontable. Gourcuff joue peu, se referme un peu plus et s’attire ce diagnostic de la cellule technique milanaise : le jeu étant la faculté à imprimer sa marque sur son environnement (le terrain et la coulisse sont liés), le Breton peut aller voir ailleurs. Dans France Football, le manager général du Milan, Ariedo Braida, résume l’affaire ainsi : "Peut-être n’a-t-il pas eu l’impression d’avoir la confiance totale et absolue de tout le monde."
Gourcuff a résisté un peu, gentiment, à sa manière : ça se passe quand même souvent entre lui et lui. A deux kilomètres du centre d’entraînement de Milanello, il coupe la FM italienne et met à fond du Carlos Núñez (musicien galicien, nous vous le rappelons) ou le bagad de Quimper. C’est bien la seule audace qu’on lui ait connue là-bas.

Quand Gourcuff débarque en prêt - et en location, 1,4 million d’euros la saison - à Bordeaux en juillet 2008, c’est donc au titre de curiosité vaguement exotique, le mec qui a vu les vedettes milanaises jouer depuis le banc de touche, le type effacé, le fils de l’autre. On connaît la suite. Il y a dix jours, le gamin a encore franchi une marche : juste après le coup de sifflet final du match nul (1-1) arraché par l’équipe de France à Belgrade face à la Serbie dans un contexte incandescent, c’est lui qui est allé porter la parole tricolore au micro de TF1. En clair, il était mandaté par ses coéquipiers pour être, ce soir-là, le visage des Bleus. Et devant des millions de téléspectateurs, Gourcuff a fait du Gourcuff, en y mettant une ingénuité un peu crâne dont, par les temps qui courent (attaques incessantes contre Raymond Domenech, incertitudes quant à la qualification pour le Mondial 2010, bouderie de Franck Ribéry…), on avait un peu perdu le sens dans la maison bleue. Gourcuff est aussi précieux parce qu’il est neuf. Après Belgrade, son capitaine en équipe de France, Thierry Henry, lui a donc fait un compliment mesuré : "Il s’est mis au diapason." En en disant le moins possible. Sur le moins de choses possible.

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