lundi 14 septembre 2009

1939-1940, la mémoire courte de Moscou

Quand les Russes ont envahi l'Afghanistan en janvier 1980, une couverture, très réussie - comme elles le sont souvent -, de l'hebdomadaire britannique The Economist a eu son heure de gloire. Elle montrait Leonid Brejnev, le leader soviétique de l'époque, l'air doucement rigolard et à qui le titre faisait dire dans une bulle façon bande dessinée : "Did I do something ?" (J'y suis vraiment pour quelque chose ?)
Les mots regrets, remords ou repentance, pour prendre une expression à la mode, ne doivent pas avoir de traduction russe. Ce ne sont pas les compatriotes de Vladimir Poutine qui auraient battu leur coulpe, sur les méfaits du colonialisme, les responsabilités dans la traite des Noirs ou les erreurs de la guerre d'Algérie ...

Le Premier ministre russe vient d'en faire une fois de plus la démonstration. Invité à Gdansk, autrefois Dantzig, comme une quinzaine de chefs d'État et de gouvernement, aux cérémonies du 70e anniversaire de l'invasion de la Pologne par l'Allemagne, qui, en septembre 1939, a servi de détonateur au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, il n'a pas eu un seul mot pour déplorer le rôle néfaste qu'avait eu Moscou dans cette mauvaise action. Tandis qu'Angela Merkel, avec des accents émouvants, déplorait que "la guerre déclenchée par l'Allemagne ait infligé une souffrance incommensurable à de nombreux peuples", le Premier ministre russe s'est contenté de rappeler que son pays avait subi - ce qui n'est pas contestable - des pertes considérables pendant la guerre.

Mais c'était oublier qu'au début de celle-ci, et avant qu'Hitler ne trahisse sa parole, le pacte germano-soviétique, signé sept jours avant les premiers coups de canon tirés du cuirassé allemand Schleswig-Holstein sur la forteresse polonaise de Gdansk, avait donné les coudées franches au dictateur nazi pour porter le fer à l'Ouest. Pas plus qu'il n'a mentionné que 17 jours après ces évènements, l'URSS, à son tour, envahissait le sud de la Pologne, donnant ainsi à ce pays ami un "coup de poignard dans le dos", selon le mot de son Premier ministre d'aujourd'hui, Donald Tusk. Autre trou de mémoire remarquable de Vladimir Poutine sur la tuerie de Katyn, six mois plus tard : 20.000 officiers, cadres et étudiants polonais exécutés de sang-froid, on oserait presque dire à la chaîne, par des soldats de l'armée Rouge, sur ordre formel de Staline au printemps 1940.
Enfin le Premier ministre russe n'a pas mentionné, non plus, après que l'Union soviétique eut rejoint le camp allié en juin 1941 et eut effectivement payé un lourd tribut humain pour repousser jusqu'à Berlin les troupes du Troisième Reich qui l'avaient envahie, comment Moscou avait lâchement et sciemment laissé les acteurs polonais de l'insurrection de Varsovie se faire massacrer par les SS, alors que l'armée Rouge, qui n'était plus qu'à quelques kilomètres de la capitale, n'avait qu'à forcer les feux pour les sauver.

Moscou a la mémoire courte et les Polonais sont bien placés pour le savoir ...

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