jeudi 28 mai 2009

Harris Tweed : Ambassadeur du chic anglais

Le Harris Tweed, du nom de l'île dont il est originaire, fait partie des indémodables de l'hiver ... Entre Europe et États-Unis, à l'ouest de l'Écosse, Harris est un monde en soi où se perpétuent l'esprit et la culture celtes !
C'est au pays de la brume en Écosse, que la vérité est apparue .... Le terroir est d'abord une fiction, une création de l'esprit. Pour preuve, l'"invention" du tweed en 1842 par la propriétaire de l'île de Harris, Catherine Herbert, duchesse douairière de Dunmore. Ce grand nom de la gentry britannique avait remarqué la qualité des tissus filés par les femmes de ses fermiers et utilisés pour la confection de linge de table. Ils étaient si serrés qu'ils devenaient imperméables comme de la serge.

De ces tissus, cló mòr ("la grande étoffe") en gaélique, Catherine Herbert fit d'abord fabriquer l'uniforme de ses guides de pêches (gillies) et de ses gardes-chasses. Puis elle lança la mode des habits en tweed auprès de ses invités de la haute société. Le Harris Tweed était créé et, avec lui, l'image du gentleman farmer. Peut-être doit-on son nom à la rivière Tweed, bordée de filatures, qui sépare l'Écosse de l'Angleterre. Lady Dunmore y envoya ses tisseuses se former à l'usage des métiers mécaniques). Le cló mòr était généralement sombre ou de couleur noire. Catherine Herbert reprit les méthodes de teinturerie traditionnelle pour élargir la gamme des couleurs et offrir plus de variété : le chardon pour le jaune, la rouille pour le vert, l'indigo pour le bleu, etc. Jusqu'à sa mort, en 1886, lady Dunmore servit d'intermédiaire entre ses fermiers et les négociants d'Édimbourg et de Londres qui souhaitaient se procurer le précieux tissu. L'astucieuse propriétaire terrienne réussit à créer un marché et à garantir des prix constants à ses métayers, favorisant ainsi le développement d'un artisanat à domicile qui fournit encore de nos jours la majorité des tissus estampillés Harris Tweed. Qui peut nier après cela que le Harris Tweed, ce produit si bien identifié au terroir écossais, n'a d'abord été le fruit de l'imagination mercantile d'une aristocrate britannique et philanthrope ?

Encore aujourd'hui, le Harris Tweed est une véritable institution en Grande-Bretagne perpétuée par le Harris Tweed Act mis au point en 1933. Depuis cette date, un institut, la Harris Tweed Authority, est même chargé de garantir la constance de la qualité. L'acte stipule que le Harris Tweed doit être constitué à 100 % de « laine vierge teinte et filée dans les îles Hébrides, et tissée à la main, à la maison, par les habitants des îles de Lewis, Harris, Uist et Barra ».
Sans le climat océanique des îles, les « moutons à face noire » dont on recueille la toison n'auraient pas cette laine rêche et rugueuse, caractéristique la plus remarquable du Harris Tweed. En cela, on peut parler de « terroir ». Cette rugosité qui valu au Harris Tweed sa popularité chez les gentlemen farmers le handicape aujourd'hui dans la mode. Le prêt-à-porter contemporain lui préfère généralement le tweed non estampé « appellation d'origine », tissu fantaisie ou faux uni (moucheté) qui a davantage les faveurs de la jeune génération en raison de son côté décalé, voire ludique. Il n'empêche, année après année, le tweed, siglé ou non Harris, conserve une place d'honneur dans les collections des créateurs, en veste, sac, manteau ou chapeau cloche, comme un clin d'oeil à l'élégance british éternelle.

Lande, roches et longues plages Harris, dans sa singulière beauté, raconte une autre histoire. Malgré sa superficie inférieure à 50 km2, la variété et l'étrangeté de ses paysages la rendent complexe et difficile à appréhender. Depuis le port de Stornoway, deux heures de route à travers une lande plate mènent vers Harris qui surgit derrière une barrière montagneuse cernée par les eaux noires du loch Seaphort. Puis ce sont des kilomètres de landes parsemées de rocs de gneiss, comme si une pluie de météorites s'était abattue sur ce haut de hurlevents. Pas étonnant que Stanley Kubrick ait choisi d'y tourner la scène inaugurale de 2001, Odyssée de l'espace. Enfin, on débouche sur l'Atlantique bordé de sable blanc, plages longues et indolentes sous le soleil, comme des cartes postales des Caraïbes. Sur ses rives, face à l'océan, on peut se croire au bout du monde. Nous sommes en fait sur l'arête entre les États-Unis et l'Europe, peut-être plus proche encore du Nouveau que du Vieux Monde. Au-delà, c'est Terre-Neuve à des milliers de miles marins car Harris est situé à la bordure extrême des Hébrides occidentales, en pleine mer.
Le temps y est plus changeant que partout ailleurs en Écosse. Entre deux averses, d'insolents arcs-en-ciel fleurissent partout en grappe. Dans cette solitude grandiose, la vie humaine paraît ratatinée. Longtemps, les habitants de l'île se sont terrés dans des chaumières en pierre à demi enfouies dans le sol pour offrir le moins de prise au vent. Même le crépi des façades modernes, dans les gros bourgs de Tairbeart la capitale, Rodel ou Leverburgh, n'a pas le caractère pimpant de celui des maisons d'autres îles écossaises.

On est à Harris d'une austérité sans faille et l'observance du repos dominical y est des plus strict. En témoigne ce panneau « Interdit de jouer le dimanche » placé devant un terrain de jeux à Rodel. La plupart des habitants d'ici appartiennent à la Free Presbyterian Church, une secte protestante qui se sépara de l'église presbytérienne en 1893 pour son « trop grand libéralisme ». Une des raisons principales de la scission tenait à la volonté de revenir au respect littéral des dix commandements, notamment du sabbat. Le dimanche, les fidèles doivent assister à deux services religieux, un le matin, l'autre le soir, ce qui ne laisse guère de temps pour les loisirs. Mais la rigueur est à son comble à la saison des communions, ces fêtes où l'on commémore le dernier souper du Christ et dont les dates sont fixées par les Églises locales. La famille, les voisins et des parents venus d'autres îles s'enferment alors plusieurs jours d'affilée à l'intérieur des maisons, avec pour seules sorties les indispensables services à l'église. Autant dire que les rues sont encore plus vides que d'habitude et que toute l'île prend une allure fantomatique assez irréelle.

Le celte est vivace dans les îles Les cérémonies religieuses sont célébrées en gaélique, une langue que parle encore la majorité de la population. Même la grosse dame en sari, l'oeil de Vishnou au front, qui tient le bazar pakistanais - seule boutique ouverte à Tairbeart le dimanche - mène son business dans cet idiome celtique. Reconnu comme deuxième langue officielle par le Parlement d'Edinburgh, le celte est particulièrement vivace dans les îles et suscite un tourisme ciblé. Cela va des recherches généalogiques menées par les descendants des plus de vingt millions d'Écossais qui ont émigré depuis trois siècles en Amérique aux cours de civilisation celte où les Japonais se distinguent, attirés sans doute par une culture à l'insularité comparable à la leur.
La communauté de destins de ces petites îles avec le géant américain tient aussi à une circulation des idées, des pratiques culturelles, une même vision océane de la vie. En témoigne l'influence du patrimoine musical celte. Un soir, dans la salle des fêtes de Leverburgh, deux bardes itinérants, Aly Bain au violon et Phil Cunningham à l'accordéon, donnent un concert. Atmosphère endiablée, pieds tapant sur le parquet de bois, yeux embués par la mélancolie des ballades, le public local s'en donne à coeur joie. En fermant les yeux, on se croirait presque à Nashville.

Sauvage et moderne L'île d'Harris à l'apparence si sauvage fut touchée très tôt par la modernité. Après la Première Guerre mondiale, lord Leverhulme, grand capitaine d'industrie, fondateur de l'entreprise agro-alimentaire Unilever, a voulu y créer une sorte de phalanstère du capitalisme. S'étant pris d'affection pour Harris et sa soeur jumelle Lewis, ils les avaient rachetées pour 143 000 livres (population comprise) au précédent propriétaire, sir James Matheson. Il investit cinq millions de livres supplémentaires de l'époque avec l'idée de tirer les habitants de la pauvreté et de « les remettre au travail ». Après avoir regroupé les paysans dans des fermes modèles, il créa de toute pièce une industrie de la pêche à la baleine. Ses méthodes autoritaires et paternalistes provoquèrent plusieurs émeutes et l'homme finit par se retrancher dans le bourg de Leverburgh qu'il avait fondé autour d'une usine de transformation du poisson. Avec la route qui relie Lewis à Harris, ce petit port est le seul vestige de son rêve. Mais il est devenu la porte d'entrée de l'île pour les touristes venus de l'archipel plus au sud qui ne cessent de débarquer du ferry en été.
Harris peut donner parfois l'impression d'être une île du bout du monde. Mais pour qui apprend à la connaître, elle se situe exactement en son centre, irriguant l'Europe de son tweed, l'Amérique de sa musique. À découvrir donc, avant qu'elle devienne un nouvel Ibiza.

Tweed et Harris Tweed reviennent à la mode, non plus comme tissu pour les vêtements mais comme tissu accessoire, clin d'oeil au chic anglais. En témoignent des créations comme la casquette en tweed de Chanel, les sandales en tweed pied-de-poule de Sonia Rykiel, mais aussi celles de Miu Miu ou de Kenzo ou encore les sacs en tweed de Testoni ou de Lancel. Concept store emblématique de la mode anglaise, Old England revendique haut et fort l'utilisation du tweed et du Harris Tweed dans l'élaboration de ses vêtements griffés de prêt-à-porter femme ou homme. Pour les hommes, la touche de modernité passe par l'utilisation de tweeds aux couleurs plus vives et de vestes aux formes plus appuyées sans trahir pour autant les gènes du style « dandy chic ». La marque anglaise Hackett, par exemple, présente chez Old England, donne très bien le ton de ce nouvel engouement pour un style anglais revisité qui plaît à une jeune génération de cadres supérieurs et de professions libérales. Pour les femmes, encore plus au fait des tendances, Old England propose à compter de l'automne des articles exclusifs griffés Old England ou conçus par des créateurs comme Marylin Moore, Madeleine Press, J&M Davidson qui se jouent du tweed pour en faire des vêtements à forte valeur ajoutée. Ils affirment ainsi la volonté de l'enseigne de défendre le tweed en le rajeunissant.

Harris, en écossais Na Hearadh, est la partie Sud de l'île de Lewis et Harris, la principale île de l'archipel des Hébrides extérieures en Écosse, la partie Nord étant appelée Lewis. Ces deux parties ne forment qu'une seule île mais sont considérées par les Écossais comme deux îles distinctes. Harris est donc officiellement dénommée « Île de Harris ». Harris se situe dans l'océan Atlantique et fait partie du Council area de Na h-Eileanan Siar (Hébrides extérieures)
Tout comme le reste des Hébrides, Harris fut habité depuis la fin de la dernière glaciation. A la fin du Xe siècle, l'île subit des raids vikings puis passa sous domination norvégienne.
Un isthme, délimité par deux firth (équivalent écossais du fjord), relie Harris à Lewis. La frontière est en outre délimitée par deux rivières qui se jettent dans les firth.
Un autre isthme relie les parties Sud et Nord de Harris. Sur cet isthme se trouve le village de Tarbet, relié par des bacs à Uig sur l'île de Skye et Locchmaddy sur North Uist.
Harris fait partie du Council area des Na h-Eileanan Siar (Hébrides extérieures) et fut le dernier fief du calvinisme fondamentaliste.

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