dimanche 12 avril 2009

Kandinsky, la "nécessité intérieure" de la forme et de la couleur


Le Centre Pompidou, à Paris, consacre une somptueuse rétrospective à Vassily Kandinsky (1866-1944). L'un des pères de l'art abstrait.
Du 8 avril au 10 août, l'ensemble de l'oeuvre du grand artiste russe est exposé pour la première fois depuis vingt-cinq ans. À travers une centaine de peintures de grand format, l'exposition retrace la contribution de Kandinsky à l'art moderne dans toutes les phases créatives de sa vie, en révélant le cheminement des idées qu'il a expérimenté dans l'acte de peindre. Le parcours s'organise autour d'une sélection d'oeuvres majeures, allant de 1907 à 1942, et suggère une visite des différentes villes où le peintre s'est installé successivement, entre Munich, Moscou, Weimar, Dessau, Berlin et Paris. Quarante oeuvres de la période Munich-Murnau, qui ouvrent la voie à l'abstraction, seront notamment présentées pour l'occasion.

La grille, le cercle, la courbe, tout y est de ses éléments géométriques favoris. Mais il y a davantage encore dans cette Courbe dominante de Vassily Kandinsky. C'est l'avis de Karole Vail, attachée de conservation au musée Guggenheim, qui s'en explique dans le catalogue de l'exposition, actuellement visible au Centre Pompidou : "L'impression assez énigmatique qui se dégage de cette oeuvre est renforcée par les marches que l'on remarque à droite, qui ne mènent nulle part, mais qui sont peut-être emblématiques d'une ascension vers un plan spirituel supérieur."
C'est un peu comme si dès cette période, en 1936, l'artiste se préparait au rendez-vous avec la mort qui viendra huit ans plus tard, à Neuilly. Pourtant, il reste très prolifique, malgré les restrictions et les difficultés du quotidien liées à la guerre : "Son style va évoluer, notamment grâce à l'introduction dans ses oeuvres d'une étonnante diversité de motifs organiques et enjoués, inspirés par l'imagerie biologique et zoologique d'ouvrages scientifiques."

Bonheur, légèreté, grâce et sérénité se dégagent de ce tableau. Certains éminents spécialistes ont le regard plus sévère. Ils jugent que la production du peintre, pendant les dix dernières années de son existence, est moins novatrice qu'au début du siècle. Trêve de querelles d'experts, allez donc forger votre propre opinion au Centre Pompidou. Le musée affiche une grande rétrospective lumineuse et aérée des oeuvres les plus précieuses de l'un des artistes majeurs du siècle dernier.

Vassily Kandinsky naît en 1866 à Moscou, seize ans après Monet, trois ans avant Matisse et six avant Mondrian. S'il commence à peindre dès 1895, ses oeuvres à leurs débuts ne sont que des tâtonnements pour trouver sa voie. La peinture de l'artiste commence à s'exprimer et à se lier aux différentes avant-gardes à partir de 1907. C'est alors que l'on peut affirmer que Kandinsky devient un artiste et un homme dont la création appartient résolument au 20e siècle. L'homme a grandi dans la capitale russe, et ses peintures continueront à exprimer par la suite à la fois le folklore et la tradition du pays, même quand il n'y vivra plus. L'artiste se forme ensuite à travers ses voyages en l'Europe, ses oeuvres prenant alors un tournant majeur puisque c'est là qu'il se tourne vers l'abstraction et qu'il accède à la reconnaissance. Le retour dans son pays natal, forcé par la Première Guerre, entraîne une rupture dans sa facture, menant à la géométrisation des formes. Mais l'artiste ne tarde pas à revenir en Allemagne, dès 1921, au moment où la période Bahaus bat son plein.
Il devient enseignant et citoyen allemand, et il cherche à renouveler son art. La composition des formes et la correspondance avec la couleur deviennent alors ce qu'il exprime comme une "nécessité intérieure". Puis la Grande Guerre mène à nouveau l'artiste à s'exiler, à Paris cette fois, où il rencontre les artistes surréalistes, notamment Miro. Il accède à une nouvelle liberté picturale, et les oeuvres de la fin de sa vie traduisent une sorte d'ultime élan "cosmique". Aujourd'hui considéré comme un pionnier de l'art abstrait, mais aussi théoricien de l'art, Kandinsky surprendra le visiteur par l'amplitude de son oeuvre picturale. C'est essentiellement le peintre, et non le sculpteur, qui a retenu l'attention des organisateurs de cette exposition.

Ce découpage, au rythme de sa biographie, permet de lier ses itinéraires artistiques et géographiques. De la Révolution russe au régime nazi, il retrace les événements ont articulé la vie et l'oeuvre de Kandinsky. Une façon, pour les commissaires de l'exposition, de rompre avec "le mythe d'une abstraction coupée du monde".

Le Lenbachhaus de Munich, le Guggenheim de New York et le Centre Pompidou, les trois institutions les plus richement dotées en oeuvres du maître, ont uni leurs collections pour offrir la plus belle exposition qui lui ait jamais été consacrée depuis vingt-cinq ans. Au total, une centaine de toiles somptueuses racontent la vie riche et tourmentée de l'artiste, entre Moscou où il est né en 1866, l'Allemagne où il a peint et enseigné jusqu'en 1933, puis la France, dont il adopta la nationalité cinq ans avant sa disparition.

De trente ans sa cadette, sa seconde femme Nina, qu'il avait épousée en 1917 alors qu'il avait atteint la cinquantaine, était elle-même restée à Paris après son décès.
"Elle a accompagné de façon très généreuse et très volontaire l'ouverture du Centre Pompidou", rappellait Alfred Pacquement, directeur du Musée national d'art moderne du Centre Pompidou, à Berlin lors d'une présentation de la rétrospective.
Un an avant l'ouverture du musée parisien en 1977, Nina Kandinsky lui avait fait don d'"une trentaine d'oeuvres qui forment le coeur de notre collection", a-t-il expliqué.
Après sa mort en 1980 - la veuve de Kandinsky fut assassinée à 84 ans dans une station de ski suisse, dans des circonstances jamais élucidées -, le Centre Pompidou a également hérité des toiles qui lui restaient.
C'est d'ailleurs à une autre compagne du peintre abstrait que le musée Lenbachhaus de Munich doit l'essentiel de sa collection Kandinsky. En l'occurrence à Gabriele Münter, qui fut l'une des ses élèves, l'accompagna dans de nombreux voyages et passa de longues semaines à peindre en sa compagnie dans les Alpes bavaroises, au cours de la première décennie du XXe siècle.

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