jeudi 26 mars 2009

Warhol au Grand Palais



Bonne ou mauvaise, toute publicité est bonne, disent les Américains. La polémique, survenue à la veille du vernissage le plus couru de Paris, devrait confirmer cet aphorisme joyeusement cynique. La colère de Pierre Bergé, qui a fait décrocher jeudi après-midi les quatre portraits d'Yves Saint Laurent de l'exposition Warhol au Grand Palais, a devancé de trois jours le calendrier déjà tendu de l'événement. Après les arguties de rigueur, liées à la cote ¬extrême de l'artiste, l'événement était là, à Paris, avec la bénédiction du Andy Warhol Museum de Pittsburgh et le parrainage du mécène LVMH (Moët Hennessy Louis Vuitton).

Trop de fées autour du berceau d'Andy ? Prototype absolu de la culture américaine, antihéros né pauvre et anonyme en 1928 à Pittsburgh et disparu au faîte de sa gloire en 1987 des suites d'une banale opération, Andy Warhol aurait, là, matière à philosopher de A à B. La nature humaine prise en flagrant délit ? C'est pile le propos de son œuvre peint, photographié, filmé, commenté par lui-même, et que cette ambitieuse rétrospective en 250 portraits entend éclairer avec fraîcheur et savoir. Gare à la surexposition… Tout le mystère de cette drôle de planète Warhol, mondaine, arty, jouisseuse, ennuyée, est de résister à l'analyse des exégètes et à l'avalanche des expositions.
Comment redécouvrir cette idole de l'art, identifiable en une seconde à l'écran ou sur une toile, cet être bizarre «à la perruque panique», aussi mirifique et insaisissable que le père qui se réincarne en poisson dans le film Big Fish de Tim Burton ?

Dévoiler un nouvel autoportrait du plus alien des artistes, voilà un chemin qui peut s'avérer risqué, répétitif, voire fastidieux. «Américain de la première génération, enfant d'exilés marqué par les rites de l'Église uniate et par une forte pratique religieuse, Warhol n'est pas un homme vide ni vain. Il y a une naïveté en lui qu'il accepte, qu'il utilise et qu'il met en scène. C'est ce qu'on appelle l'art», analyse Alain Cueff, le commissaire de cette exposition dédiée au «maître des icônes du XXe siècle». Paradoxes en séries. Andy a la chair triste, la palette gaie, l'œil aigu d'un Apache qui scrute et le cœur solitaire malgré la foule nantie des happy few qu'il égrène sur son parcours de fêtes. La preuve par Marilyn, Liz, Brando, Elvis et tous ses autoportraits, cruels comme la série des quatre Crânes monumentaux où l'ombre portée dessine le profil d'un nouveau-né.

Cette promenade dans «Le grand monde d'Andy Warhol», l'historien de l'art «breton, mystique, tourmenté», l'a voulu claire comme une idée de thèse, limpide comme un cours magistral. Aux antipodes du glamour scintillant du Studio 54, le night-club des années new-yorkaises restées de légende comme la Factory. Les cimaises sont donc blanches, simples et sans overdose de décor. Quelques papiers peints Mao pour la salle splendide et impertinente, où trône le grand Mao venu de Londres, grâce à la crise qui l'a retiré des enchères. Quelques Silver Clouds, ballons lâchés au musée pour régénérer l'esprit pop. Indices d'une œuvre qui se tient derrière son apparente légèreté, les refends entre les quinze salles reprennent les orange, rouge mat, rose anglais, bleu pacifique de la palette Warhol.

Le découpage en sages chapitres est d'une modestie surprenante pour une telle moisson de chefs-d'œuvre signés Warhol. D'Ethel Scull 36 Times, captive d'une séance de Photomaton magnifiée par la mosaïque multicolore, à David Hockney, croqué en bonbon anglais, de ¬Basquiat, beau comme un dessin de Vinci, à Mona Lisa, funèbre comme une veuve sicilienne, il y a là de quoi applaudir et réfléchir.



"Le grand monde d'Andy Warhol", du 18 mars au 13 juillet, Galeries nationales du Grand Palais, entrée Clemenceau.

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