La fuite manquée de la famille Royale les 20 et 21 juin 1791 est un épisode à première vue mineur, mais en réalité déterminant dans le cours de la Révolution française. Suite à cet évènement, l'idée d'instaurer une république en France est passée de farfelue à crédible.
Le départ de la famille royale de Paris est un projet récurrent depuis le 5 octobre 1789, date à laquelle il a été pour la première fois abordé en conseil. Mais cette fois, la situation décide le Roi Louis XVI à autoriser son entourage et celui de Marie-Antoinette d'Autriche, avec au premier rang Axel de Fersen, de lui soumettre un plan d'évasion minutieusement organisé du palais des Tuileries, où il se sent prisonnier, malgré la bienveillance de La Fayette.

Cela fait de nombreux mois que Louis XVI songe à quitter Paris. Le plan d'évasion était déjà validé mais la crainte d'une guerre civile le retenait. Deux événements vont décider Louis XVI à vouloir reprendre la main par la force :



En plus de l'évêque de Pamiers susmentionné et du roi, qui reste le cerveau de son "voyage à Montmédy" comme il nomme lui même cette opération, 4 personnages sont chargés de l'organisation :
* Hans Axel de Fersen, "l'intendant",
* le lieutenant général marquis de Bouillé, "le militaire",
* le baron de Breteuil, "le diplomate",
* le comte de Mercy-Argenteau, "l'intermédiaire avec l'empereur".
Dès septembre, l'évêque de Pamiers s'était rendu à Metz rencontrer Bouillé, commandant des troupes de l'Est. Ce dernier eu même l'idée de demander à l'empereur allié du Roi de faire avancer quelques troupes sur la frontière et ainsi demander du renfort des meilleurs régiments. Un courrier de Marie-Antoinette à Mercy-Argenteau
Le principe consistait à se faire passer pour l'équipage de la baronne de Korff, veuve d'un colonel russe qui se rend à Francfort avec deux enfants, une femme, un valet de chambre et trois domestiques. Une berline fut spécifiquement commander.

En réalité, rien ne va se passer ainsi. Selon de nombreux passionnés de cet événement, comme Napoléon Bonaparte (dont un courrier sur le sujet a été exhumé des archives par l'historien André Castelot), le grand responsable de cet échec est Choiseul. Ce dernier n'a pas, d'une part, respecté les directives de Bouillé mais il s'est même permis de désorganiser le plan initiale. Ainsi, il a autorisé des officiers (qui attendait un "trésor" à escorter) à quitter leur poste, en raison du retard du cortège royal. Pour ce faire, il a confié ces instructions au coiffeur de la Reine Léonard, qui les appliqua avec trop de zèle. Sans cela, toujours selon le mot de Napoléon, la face du monde aurait été changée.
Suite à cette désorganisation et au nombreux retard, les hommes de La Fayette, à la poursuite du convoi, n'aurait pas rencontré Jean-Baptiste Drouet, maître de poste de Sainte-Menehould. Ce dernier s'est souvenu avoir vu, une heure avant, une Berline correspondant à la description. Il s'est souvenu qu'elle se dirigeait vers Varennes. Aussitôt, il pris l'initiative de s'y rendre afin de stopper le convoi, avec l'aide des autorités locales qu'il avait convaincu de faire contrôler scrupuleusement les passeports. Bloqué une partie de la nuit, le roi refusa que la force soit employée (des hussards et une partie de la population était prêt à couvrir son départ. Louis XVI attendait, en vain, le renfort de Boullié, qui aurait du venir. Pendant ce temps, les habitants de Varennes et de nombreuses personnes, venues des environs, alerté par le tocsin, se sont massés à Varennes pour voir le Roi.
Fersen, au nom de Mme de Korff, sollicita au ministre Montmorin un laisser-passer qu'il signa en ne soupçonnant rien. La signature du Roi fut moins difficile à obtenir. Voici les identités d’emprunt des membres de l'équipée :
* Louis XVI : M. Durand (intendant de la baronne de Korff).
* Marie-Antoinette d’Autriche : Mme Rochet (gouvernante des enfants de Mme de Korff).
* Marie-Thérèse de France : une des filles de Mme de Korff (elle reste habillée en fille).
* Le Dauphin : autre fille de Mme de Korff (il est vêtu en fille).
* La marquise Louise-Elisabeth de Croÿ de Tourzel, gouvernante des enfants de France : la baronne de Korff.
* Madame Elisabeth (sœur de Louis XVI) : dame de compagnie de la baronne.
* Les trois domestiques étaient Messieurs de Moustier, de Valory et de Malden, gentilshommes (anciens gardes du corps licenciés en 1789). Le roi leur avait demander de se couvrir de "livret de courrier" (afin de devancer les changements de chevaux dans les relais). Or le choix de leur couleur, jaune, ne fut pas des plus judicieux, puisqu'elle était celle de la maison du prince de Condé partis à l’étranger au début de la Révolution et ne pouvait qu’éveiller les soupçons dans l'Argonne où elle était fort connue.

Il convient à cet égard d’écarter cette idée encore très présente dans l’imagerie populaire : la berline de la famille royale n’était en aucun cas un "abrégé du château de Versailles", mais un véhicule de voyage tout à fait conforme à l’usage pour effectuer un long trajet (cette berline servit d’ailleurs de diligence, assurant le Paris-Dijon, jusqu’en 1795, date à laquelle elle fut détruite dans un incendie). L'historienne spécialiste de Louis XVI, Pierrette Girault de Coursac ose la comparaison suivante : "on peut la qualifier de belle Mercédès mais certainement pas de Rolls-Royce".

Pour quitter les Tuileries afin de rejoindre une "citadine" (petite voiture) garée rue des échelles, il faut donc, après avoir procéder à la cérémonie du coucher (réduite mais toujours en vigueur en 91), connaître les mouvements des sentinelles. Vite déguisés, le roi, la reine, la gouvernante accompagnée du dauphin et de madame royale, la marquise et madame Elizabeth quitte le palais en direction de la citadine dont le cocher est Fersen. Ce dernier les emmène ensuite, via la rue du Faubourg-Saint-Martin, à la barrière de la Villette. Il est 1h20. Celle-ci est passée sans problème, étant donné que les responsables de la barrière fêtent le mariage de l'un d'eux. Une fois sorti de la capitale, tout le monde descend pour s'installer dans la Berline qui les attends avec les trois livrets. Fersen peut alors dire ses adieux.


Plusieurs participants directs ou indirects ont écrit leurs mémoires. On peut citer celles de François Claude de Bouillé, du Marquis de Choiseul qui aidèrent à la fuite et celles du Comte de Moustier, Valory ainsi que celle de la marquise de Tourzel qui participèrent à la fuite les premiers en tant que Garde du Corps et Mme de Tourzel en tant que Baronne de Korff.
Alexandre Dumas s’est intéressé à la fuite de Varennes lors de l’écriture de son roman La Comtesse de Charny. Il s’est alors abondamment documenté sur le sujet et a refait lui-même le trajet, plus d’un demi-siècle plus tard, reconstituant les lieux, recherchant des témoins visuels et pointant ainsi les imprécisions des historiens. Il relate sa quête dans La Route de Varenne, publié en 1860.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire