lundi 9 mars 2009

Gainsbourg


Fils d'immigrants russes, Serge Gainsbourg, né Lucien Ginsburg le 2 avril 1928 à Paris, rêva d'abord de devenir artiste-peintre. Par la suite, il devint célèbre en tant qu'auteur-compositeur-interprète et toucha à de nombreux styles musicaux, mais aussi au cinéma et à la littérature. Ses débuts sur scène ne furent pourtant pas aisés, en raison de son physique difficile. Toute sa vie, Serge Gainsbourg souffrit de ce sentiment de rejet et de cette image que lui renvoyait son miroir : celle d'un homme que l'on qualifiait de laid. Il a réalisé plusieurs films et vidéo-clips et composé plus de 40 bandes sonores. Enfin, il s'est créé l'image d'un poète maudit et provocateur. Marié à deux reprises, d'abord à Élisabeth Levitzky, fille d'aristocrates russes émigrés, puis à Françoise Pancrazzi qui lui donne ses deux aînés, Paul et Natacha. De relations en relations, Gainsbourg séduira quelques unes des plus belles femmes du monde, de Brigitte Bardot à Bambou, "Caroline Von Paulus" de son vrai nom, avec qui il aura son petit dernier né, Lucien, "Lulu", en passant par Jane Birkin, avec qui il aura sa fille Charlotte Gainsbourg et Catherine Deneuve.

C'est en 1919 que Joseph et Olga Ginsburg quittent la Russie pour Paris, fuyant le bolchevisme, en passant par Istanbul, puis Marseille. Joseph est pianiste de bar et de cabaret, Olga chante au Conservatoire russe, et ils vivent rue de la Chine dans le 20e arrondissement de Paris. Ils ont un premier fils, Marcel, qui meurt en bas-âge d'une maladie. Ils auront ensuite une fille, Jacqueline, en 1926, puis des faux jumeaux, Liliane et Lucien, en 1928, nés à la maternité de l'Hôtel-Dieu de Paris sur l'Île de la Cité.
Dans son enfance, le petit Lucien vit à Paris dans les quartiers populaires dans le 20e puis le 9e arrondissement. Son père lui apprend le piano classique et le poussera vers le monde de la peinture.
Les années de la guerre sont difficiles pour lui et il est obligé de porter l'étoile jaune ("Une étoile de shérif ", dira-t-il plus tard par dérision). Il devra même se cacher trois jours durant dans une forêt tandis que les SS recherchent les juifs. La famille se réfugie en province en 1944 sous le nom de Guimbard.

De retour à Paris après la libération, la petite famille s'installe dans le XVIe arrondissement de Paris. Lucien est en échec scolaire et abandonne peu avant le bac au lycée Condorcet. Il s'inscrit alors aux Beaux-Arts mais est rebuté par les hautes études mathématiques et abandonne. Il rencontre là en 1947, Élisabeth Levitsky, fille d'aristocrates qui a des accointances avec les surréalistes et devient sa compagne jusqu'à leur mariage le 3 novembre 1951.
L'année 1948 est une année importante pour Lucien qui fait son service militaire à Courbevoie où il sera envoyé régulièrement au trou pour insoumission. Il commence là sa "période" éthylique ; privé de permission, il s'enivre au vin avec ses camarades de régiment. C'est également durant cette période qu'il apprend à jouer de la guitare.

C'est en écrivant pour Juliette Gréco "Accordéon", "La Javanaise" et Petula Clark "La Gadoue" qu'il rencontre ses premiers succès, mais c'est avec Françoise Hardy "Comment te dire adieu ?" et surtout France Gall qu'il va réussir à séduire un public jeune. Après ses premiers succès gainsbourgiens "N'écoute pas les idoles","Laisse tomber les filles", France Gall remporte, en 1965, le grand Prix du Concours Eurovision de la chanson après avoir choisi le titre "Poupée de cire, poupée de son", écrite par Gainsbourg à l'instigation de Maritie et Gilbert Carpentier, parmi les dix qu'on lui proposait. La chanson lauréate devient le tube international qui passe sur toutes les ondes et que France Gall enregistre même en japonais. Gainsbourg continue sur la veine du succès avec France Gall, en 1966, grâce à "Baby Pop" et surtout aux "Sucettes à l'anis".

Fin 1967, il vit ensuite une passion courte mais torride avec Brigitte Bardot à qui il dédie la chanson "Initials B.B." après lui avoir écrit quelques titres emblématiques "Harley Davidson", "Bonnie and Clyde", "Je t'aime... moi non plus", même si ce dernier titre enregistré avec elle en duo en 1967 en version symphonique fut rendu célèbre l'année suivante par Jane Birkin ; la version originale, d'abord gardée secrète par Serge Gainsbourg à la demande de Brigitte Bardot, ne sortira quant à elle qu'en 1986 : ce sera un tube.

Sur le plateau du tournage de "Slogan", en 1968, il rencontre Jane Birkin pour laquelle il sera à nouveau auteur-compositeur. "Je t'aime... moi non plus" et "69 Année érotique" sont d'immenses succès qui dépassent les frontières.
Ils deviennent pendant dix ans un couple très médiatique, à la pointe de l'actualité, chacun enchaînant tournage après tournage.
Ses années 1970 sont marquées par l'écriture et la composition de 4 albums phares : "Histoire de Melody Nelson" en 1971, "Vu de l'extérieur" en 1973, "Rock around the bunker" en 1975 et "L'Homme à tête de chou" en 1976. Si, au départ, ces albums rencontrent peu de succès commercial (les ventes plafonnent à 30 000 exemplaires), ils le hissent au rang de l'avant-garde de la chanson française.

"Histoire de Melody Nelson" est accueilli par la presse comme "le premier vrai poème symphonique de l'âge pop".
En mai 1973, Serge Gainsbourg est victime d'une crise cardiaque. Il continue pourtant de boire et de fumer, fidèle au personnage qu'il est en train de devenir.
L'album "Vu de l'extérieur" comporte un tube : "Je suis venu te dire que je m'en vais".
Avec "Rock around the bunker" il pousse l'autodérision (il avait dû se cacher des lois antijuives de l'Occupation) et la provocation à son comble : il tourne en dérision, au second degré, l'esthétique et la verroterie nazies. L'album, enregistré à Londres, est radicalement rejeté par les programmateurs de radio qui ne voient dans cette farce à la Boris Vian qu'une provocation scandaleuse avec des titres comme Nazi rock ou Tata teutonne. Pourtant, à la fin de la décennie 1980, cet album sera couvert de disques d'or.



On lui demande des bandes sonores de films. Il abandonne sans regret la scène jusqu'en 1979, réconcilié avec le public grâce à sa Marseillaise revue à la sauce reggae", avec la participation des choristes de Bob Marley (I Threes) et des musiciens de Peter Tosh (Sly and Robbie).
Ses disques solo lorgnent d'abord vers le jazz et les rythmes afro-cubains, c'est le fameux Gainsbourg Percussions avec des rimes audacieuses hachées menu. Il cultive son aura d'artiste culte en participant à de nombreux films. Malheureusement pour lui, s'il est considéré comme un acteur de talent, il ne tourne pratiquement que dans des films de peu d'ampleur.

En 1976 il se lance pour la première fois dans la réalisation cinémato -graphique. Son film" Je t'aime moi non plus" obtient très vite une réputation sulfureuse avec un scénario audacieux touchant aux tabous de l'homosexualité et de l'érotisme. Il réalise trois autres films, "Équateur" en 1983, "Charlotte for Ever" en 1986 et enfin "Stan the Flasher" en 1990. Ses films ont peu de succès, les sujets abordés étant toujours provocateurs, que ce soit l'inceste, la pédophilie, l'exhibitionnisme ou l'homosexualité…
Il compose des tubes comme "L'Ami Caouette" mais surtout le fameux et sombre album "L'Homme à tête de chou" avec ses sulfureuses "Variations sur Marilou". En 1979, il rejoint le groupe rock "Bijou" sur scène et verse une larme : le jeune public rock lui fait une ovation.



Son nouvel album enregistré à Kingston devient disque de platine en quelques mois. La "Marseillaise" reggae choque le journaliste du Figaro Michel Droit qui écrit un article assassin, à la limite de l'antisémitisme. Serge Gainsbourg lui répondra par voie de presse dans un article intitulé "On n'a pas le con d'être aussi Droit". La salle de concert à Strasbourg où il doit se produire est saccagée par des militaires (le chaos est tel que ses musiciens noirs refusent d'entrer sur scène), ce qui n'empêche pas Serge Gainsbourg d'entamer une tournée triomphale avec ses acolytes reggae, les fameux "Sly and Robbie" accompagnés des choristes de Bob Marley : "les I Threes" et "The Wailers".

Son œuvre intégrale sort en coffret CD avec de nombreux introuvables que les collectionneurs s'arrachent à prix d'or ; toutefois, les chansons écrites pour ses interprètes ne sont pas incluses. Il part ensuite pour New York où il enregistre ses deux derniers albums, "Love on the Beat" et "You're Under Arrest". Après le reggae, il se frotte au hip-hop et au funk. Il se produit de longues semaines en concert au Casino de Paris.

Gainsbourg s'éteint en 1991 à la suite d'une cinquième crise cardiaque (un comble pour celui qui suivait affligé les enterrements de ses cardiologues successifs).
Il est enterré avec ses parents au cimetière du Montparnasse (1re section) à Paris où sa tombe est l'une des plus visitées avec celles de Jean-Paul Sartre — Simone de Beauvoir et de Charles Baudelaire qu'il mit en musique. Depuis 1991, sa tombe déborde constamment de plantes et objets divers (photos, choux - pour L'Homme à la tête de..., petits mots, tickets de métro recouverts d'un message - ce qu'on retrouve sur d'autres tombes du cimetière mais qui pour l'auteur du Poinçonneur des Lilas a une saveur particulière).



La tombe porte le nom de Serge Gainsbourg et de ses parents, Olga (1894-1985) et Joseph (1896-1971) Ginsburg.
Lors de son enterrement, le 7 mars 1991, vinrent notamment parmi la foule, outre sa famille, Catherine Deneuve, Isabelle Adjani, Françoise Hardy, Patrice Chéreau, Renaud, Johnny Hallyday, les ministres Jack Lang et Catherine Tasca, et les brigades de cuisiniers et serveurs du restaurant Marc Meneau, où il avait passé ses derniers jours. Catherine Deneuve lut sur la tombe le texte de la chanson "Fuir le bonheur de peur qu’il se sauve".

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