lundi 9 mars 2009

Auschwitz, lieu de mémoire en péril



"L'Allemagne ne peut se soustraire, et ne se soustraira pas, à son devoir", a affirmé, le 28 février, le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, en réponse au cri d'alarme lancé peu avant par son homologue polonais, Radoslaw Sikorski, à l'attention des gouvernements européens : le camp d'extermination nazi d'Auschwitz-Birkenau, situé dans la petite ville d'Oswiecim, non loin de Cracovie, menace de disparaître si rien n'est rapidement entrepris pour le restaurer.

Or, le ministère de la Culture polonais (auquel revient le financement du site, classé institution d'État depuis sa création en 1947) est incapable de fournir à lui seul les 120 millions d'euros dont le musée d'Auschwitz-Birkenau a, en janvier, déclaré avoir impérativement besoin pour sa conservation. Une collecte de fonds internationaux a donc été lancée.
En promettant d'y participer à hauteur d'un million d'euros, l'Allemagne (qui, depuis 1990, a certes déjà fourni 20 millions d'euros en tout pour l'entretien du site, lors d'opérations ponctuelles de mécénat) s'engage modestement, le contexte de crise économique ne facilitant pas les choses. Mais elle est le premier État européen à réagir, Frank-Walter Steinmeier assurant par ailleurs que "des moyens supplémentaires seraient mis en oeuvre dans le prochain budget".

Il y a urgence. Sur les 200 ha du site d'Auschwitz, pourtant inscrit, en 1947, au Patrimoine mondial de l'Unesco, les baraquements de briques et de bois tombent en ruines, tandis que l'exposition permanente (documents nazis, effets personnels des déportés...), visitée chaque année par plus d'un million de personnes, se dégrade inexorablement. Pour autant (et c'est toute la tâche délicate de l'atelier de conservation du musée, créé en 2003) Auschwitz doit rester un lieu de mémoire, "et non se transformer en Disneyland", met en garde l'historien allemand Volkhard Knigge.

Le site d’Auschwitz-Birkenau est devenu au fil du temps le symbole même de l’horreur nazie et de la Shoah. Or, en ces temps où le négationnisme est de plus en plus revendiqué, ce site historique est menacé de disparition. 64 ans après la libération des camps d’extermination, Auschwitz, en Pologne non loin de Cracovie, voit la fréquentation de ses visiteurs en nette augmentation. Ainsi, environ 1,2 million de personnes l’ont visité l’année dernière contre 500 000 en 2001 et selon le directeur du musée, la conservation du site serait de plus en plus difficile. En effet, il s’étend sur 200 hectares, comporte 155 bâtiments, 300 ruines, des archives SS et environ 100 000 objets divers. Or, cette fréquentation massive met en péril les structures du camp d’Auschwitz I. Quant à Birkenau, ou Auschwitz II qui s’étendait sur 170 hectares, ce musée à ciel ouvert est aussi dans un état préoccupant.

Sur les 300 baraquements du camp, n’en demeurent aujourd’hui que 45 en briques et 19 en bois. On y trouve aussi encore quelques vestiges de cheminées, une partie des miradors et la voie ferrée qui amenait les Juifs directement aux chambres à gaz. Le problème est que les baraquements ont été construits sur un terrain humide et que certains d’entre eux sont menacés d’écroulement à moyen terme. Même chose pour les ruines des chambres à gaz II et III qui avaient été détruites sur ordre d’Himmler en novembre 1944 mais dont il demeure encore des traces bien visibles. À Auschwitz, l’on trouve aussi une multitude d’objets personnels qu’il est très difficile de conserver ou de désemmêler comme des centaines de paires de lunettes. On ne sait pas quoi faire non plus des deux tonnes de cheveux récupérés par les nazis…

Des travaux ont déjà été entrepris comme sur la Judenrampe "la rampe des Juifs" où arrivaient les convois mais les habitants actuels du village en ont un peu assez de ces "circuits touristiques". Actuellement, le budget du musée vient pour 45 % du gouvernement polonais et pour 50 % de ses recettes (visites guidées, livres, etc.). Le reste provient de subventions publiques ou privées. Or, ce budget n’est plus suffisant pour envisager une solution à long terme pour la conservation des lieux. Des travaux vont être entrepris pour restaurer deux bâtiments d’Auschwitz I et cinq baraques de Birkenau pour un montant de 5 millions d’euros.
Un projet de fondation internationale a donc été lancé et transmis au Premier Ministre polonais qui vient lui-même de lancer un appel aux dons. Les Allemands vont y participer et des discussions sont en cours avec l’Union européenne.

Les spécialistes mettent l’accent sur l’urgence de la situation et sur le fait que plus on attendra pour faire quelque chose, plus la conservation du site sera compromise. Belzec, Sobibor, Treblinka, Chelmno ont disparu en ayant été rasés par les Allemands. Auschwitz, le plus grand des camps d’extermination, reste le seul à apporter les preuves visuelles du génocide industriel organisé par les nazis. La communauté internationale a donc le devoir de préserver ce lieu qui appartient désormais à la conscience universelle.

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