vendredi 6 février 2009

Sarkozy et la crise : beaucoup de flou

La protestation massive qui a parcouru les rues de France le 29 janvier dernier serait-elle arrivée jusqu’aux oreilles du chef de l’Etat ? En apparence, oui. Lors de l’émission "Face à la crise", Nicolas Sarkozy l’a joué profil bas et a fait mine de découvrir les vertus — qui lui était jusque-là inconnues — du dialogue social. À presque chaque question qui lui était posée en introduction, le locataire du Palais de l’Elysée n’a eu de cesse d’expliquer que tout se déciderait le 18 février prochain lors d’une réunion des partenaires sociaux.
Du coup, celui qui a l’habitude d’avoir réponse à tout, n’avait réponse à rien… Le chômage des jeunes ? Il confie vouloir faire plus mais se garde bien de dire quoi ! Pour venir en aide aux classes moyennes ? Il explique avoir en tête « plusieurs pistes » mais se refuse à "trancher". Et le partage des dividendes ? Il avance « la règle des trois tiers » mais se presse d’ajouter : « C’est un ordre d’idée. Il faut garder de la souplesse dans tout ça. » Et s’il « faut garder de la souplesse » c’est, affirme-t-il, parce que doit avoir lieu cette fameuse réunion du 18 février.

C’est beau un homme politique qui, à l’âge de 54 ans, découvre enfin les vertus du dialogue social ! Sauf que le dialogue social à la sauce Sarkozy, ça donne avant tout un dialogue social de sourds. Car dans le même temps, le président de la République a expliqué que « les réformes [restaient] d’actualité » : « Evidemment qu’on va continuer de réformer. (…) C’est la seule solution pour que la France sorte plus forte de la crise que quand elle y est entrée. (…) Je dois écouter les manifestants mais j’ai un mandat pour que le pays soit plus compétitif. » Les manifestants et les syndicats demandent un plan de relance axé sur la consommation. Le Président, lui, maintient son plan de relance fondé sur l'investissement. Nicolas Sarkozy se trompe : les manifestants, il entend volontiers leur grogne mais il ne les écoute surement pas…



Mais a-t-il réussi à rassurer les Français, ceux qui ont fait grève et manifesté jeudi dernier, et les autres qui n'en pensent pas moins?

Pas si sûr, car le président de la République n'a pas voulu faire de concession immédiate sur le pouvoir d'achat, raillant même le gouvernement britannique de Gordon Brown pour l'"échec" de sa relance par la consommation, une pique indirecte en direction du PS français qui en fait son cheval de bataille.
Refus de toucher au smic, refus aussi d'emboîter le pas à la mesure d'Obama de plafonnement des salaires des PDG des entreprises aidées par l'Etat qui touche symboliquement au sentiment d'injustice ressenti par les victimes de la crise...
Pas un mot, non plus, sur la Guadeloupe, le département français en grève, qui, le premier, s'est insurgé contre les effets de la vie chère et de la crise.

Nicolas Sarkozy a toutefois voulu se montrer ouvert sur toute une série de chantiers qu'il se dit prêt à aborder avec les partenaires sociaux le 18 février, et qui pourraient avoir un impact modeste mais réel sur le pouvoir d'achat en période de crise, comme une meilleure indemnisation du chômage partiel ou du chômage des jeunes, ou un débat encore vague sur la répartition de la richesse dans l'entreprise.
Restent des annonces qui ne sont pas innocentes, comme l'annulation éventuelle de la première tranche des impôts; une mesure qui révèle sa cible de choix, les électeurs modestes mais imposés, ceux qui le lâchent . Ou celle, controversée, de la taxe professionnelle. Pas suffisant pour faire un programme cohérent de sortie de crise.
On retiendra néanmoins quelques petites phrases, à commencer par celle-ci, répétée deux fois:

"Vous croyez que mon travail est facile?"
"Mon métier est très difficile..."

On retiendra également le goût de l'anecdote censée faire mouche, comme ce chocolat noir taxé à 5,5%, et le chocolat au lait taxé à 19,6%. On n'est pas sûr de comprendre ce qu'il a voulu dire, mais c'était drôle.
Alors, une interview pour rien? L'exercice n'était pas à la mesure de la crise et de son impact dans la population. D'autant que ce rituel monarchique bien contrôlé, avec des journalistes choisis, mouchés quand on veut rabattre leur caquet comme il l'a fait avec David Pujadas, n'est pas approprié. Mais, sans doute, ce jeudi soir, Nicolas Sarkozy s'est-il trouvé assez bon.

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