samedi 21 février 2009

"Le Triomphe de la Mort"


Le Triomphe de la Mort (1562) est une œuvre de Pieter Bruegel l'Ancien conservée au musée du Prado.
Cette œuvre témoigne de l'influence de Jérôme Bosch sur le travail de l'artiste.

"Quelque chose d'effroyable avait eu lieu là. Partout à l'horizon s'élevaient des flammes dans un grand effort d'arrachement pourpre, ainsi que des cris. Nous avons atteint les premières fermes, dont les murs calcinés étaient méconnaissables. Dans les cours gisaient pêle-mêle des cadavres de moutons, porcs, vaches, ainsi que d'étranges flaques de chair dont on devinait vaguement l'origine humaine: ici et là subsistaient un pied, un bras, une tête écrasée, une purée de cervelle. (...) La fumée des incendies, rabattue par le vent du nord, m'étouffait à demi, m'empêchait de voir que le soleil brillait déjà haut. Une telle fumée portait un nom précis : l'Espagnol, l'Ennemi, le Dominateur exécré d'un pays innocent dont il me faudrait dorénavant découvrir les trésors, s'il en restait du moins."

Comme précité dans cet extrait de D. Rollin, ce tableau est une allégorie qui se présente comme une mise en scène exposant diverses formes de morbidité : crime, exécution, maladie, combat, suicide, etc.
On y voit, à l'horizon, plusieurs villages ravagés et incendiés par la barbarie espagnole de l'époque du peintre. Les tons ocres rappellent et accentuent l'effet d'un témoignage réaliste.
Pourtant, le tableau a surtout un sens symbolique et universel: nul n'échappe à la mort qui surprend le riche et le pauvre, le vieux et l'enfant, dans la quiétude du quotidien (interruption d'une partie de cartes, à l'avant-plan).
Le réalisme ne nous épargne aucun détail: un chien lèche le sang d'une victime étendue, un noyé au corps gonflé flotte sur l'eau, le buste décharné d'un enfant sort du cercueil de sa mère, posé lui-même sur un cadavre; le sol est jonché de crânes et d'ossements...

Vision infernale de la condition humaine, ce tableau surprend d'abord par l'abondance des figures, la redondance du symbole qui ne laisse aucun espoir. Puis, on y revient avec l'impression que quelque chose nous a échappé. Et le regard s'arrête à nouveau sur ce squelette du premier plan qui égorge un pélerin; ou sur cet autre qui se sert de pièces d'or et l'on comprend d'où vient le malaise: la Mort, en plein travail, s'amuse...Voyez son sourire moqueur devant ces biens terrestres! Voyez l'ardeur joyeuse de ces soldats de la Mort!
A la panique désespérée des survivants correspond l'enthousiasme "triomphal" du vainqueur. Comment ne pas songer aux guerres du XXe siècle et aux génocides qui ont trouvé des éxécuteurs zélés?
Allégorie de la mort inévitable mais aussi symbole de l'oeuvre macabre des hommes qui anticipent l'heure, au nom du fanatisme et du pouvoir.

Aucun commentaire: