lundi 9 février 2009

Le Cruiser et les abeilles… un Grenelle en trompe l’oeil ?


Le Cruiser, une préparation contenant du thiaméthoxam, un produit neurotoxique pour les insectes, vient d'être autorisé en France. Fabriqué par la société Syngenta, ce produit s'utilise sur les semences de maïs pour protéger la plante de certains insectes, les taupins et l'oscinie. La décision provoque la colère de l'Unaf (Union Nationale de l'Apiculture Française), qui souligne les faiblesses du dossier, les chiffres alarmants en provenance d'Italie, l'expérience du Gaucho et du Régent ainsi que le danger représenté aujourd'hui par le frelon d'Asie, qui cause des ravages dans les ruches.

Le Cruiser a d'abord été autorisé en Allemagne où sa dangerosité a été évaluée, et jugée très faible, à la suite de multiples expériences, dont des essais sur des abeilles, en plein champ et sous des tunnels (enceintes fermées). C'est le dossier des études allemandes qui a servi à l'Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) pour donner son avis, dans le cadre « d'une procédure de reconnaissance mutuelle », grâce à laquelle un produit approuvé par un pays de l'Union européenne peut l'être dans les autres Etats membres sans l'obligation de tests supplémentaires.

Au vu du texte de l'Afssa elle-même, on comprend les craintes des apiculteurs. Dans son premier avis, rendu en novembre 2007, l'agence reconnaît que ce produit est un danger pour les abeilles : « Au regard des données évaluées au niveau européen, le thiaméthoxam et le CGA 322704 [un sous-produit du thiaméthoxam après son hydrolyse, NDLR] sont très toxiques pour les abeilles. Le thiaméthoxam est systémique et peut migrer vers les pollens et nectars ». Mais un peu plus loin, on lit : « L’Allemagne conclut à un risque négligeable pour les abeilles en raison du mode d’application du produit en traitement de semence ».

Ce produit est donc à peu près mortel pour les abeilles en contact direct mais, appliqué sur les graines, comme son mode d'emploi l'indique, il risque peu de se propager dans les environs et de toucher les abeilles alentour.
Les apiculteurs français ne sont pas convaincus du tout. Le thiaméthoxam est un neurotoxique, agissant comme les principes actifs des très contestés Gaucho et Régent. Le monde apicole s'est battu contre ces deux produits, qui ont finalement été interdits. Depuis leur disparition, les populations d'abeilles qui avaient connu hivernales énormes, ont vu leurs effectifs repartir à la hausse. Le lien entre le retrait de ces deux insecticides et la meilleure santé des ruches n'a pas été scientifiquement établi mais le soupçon est suffisamment fort pour que les apiculteurs voient d'un mauvais œil l'essai d'unneurotoxique aux propriétés semblables.

Henri Clément, président de l'Unaf, affirme que ce produit a provoqué une hécatombe dans 40.000 ruches en Italie et que le thiaméthoxam a été retrouvé dans des abeilles mortes. Pour souligner les dangers du Cruiser, l'Unaf s'appuie également... sur les recommandations de l'Afssa, qui assortit son avis favorable d'un luxe de précautions. Le ministre de l'agriculture, Michel Banrier, a lui-même assuré que ces mesures préventives seraient suivies et que la décision était « surveillée et évaluée ».
L'autorisation ne vaut que pour le maïs et pour une année seulement, qui servira à s'assurer des effets de ce produit. Le maïs traité devra être planté avant le 15 mai, pour réduire la durée de la floraison. Un « plan poussières » sera mis en place pour mesurer la diffusion de la molécule autour des champs de céréale traitée. Dans son premier avis de novembre, l'Afssa préconisait d'éloigner les ruches d'au moins trois kilomètres des champs traités, une mesure jugée inutile un mois plus tard après de nouveaux éléments apportés par Syngenta.

L'Afssa maintient sa principale mise en garde : après une saison de culture de maïs traité, le champ ne devra pas être utilisé pour la production d'une plante pouvant être butinée par les abeilles (tournesol, colza, trèfle, luzerne. Maïs…). En effet, dixit l'Afssa : « Le métabolite majeur CGA 322704 peut être persistant et les résidus dans le sol peuvent être mobilisés par les cultures suivantes ».
Pour Henri Clément, ces précautions sont si nombreuses qu'elles démontrent en elles-mêmes le danger du Cruiser. L'Unaf estime que ce n'est pas le moment d'introduire une telle arme aux effets secondaires méconnus alors que les abeilles françaises subissent la menace d'un autre danger : l'énorme frelon d'Asie, Vespa velutina, semble-t-il arrivé en France en 2004 dans des poteries chinoises, qui attaque les ruches et provoque des ravages. Depuis 2005, sa présence s'étend dans tout le sud-ouest. Globalement, les populations d'insectes pollinisateurs sont plutôt mal en point dans le monde.



Le Cruiser n'est pas dangereux que pour les insectes. « Le produit est toxique pour les oiseaux, prévient l'Afssa dans son avis du mois de novembre. Pour cette raison, il faut s'assurer qu’aucune semence ne repose à découvert sur le sol. Avant de soulever le semoir, il faut l’arrêter à temps afin d’éviter des pertes de semences postérieures au levage ».
Bref, le Cruiser n'a rien d'un produit inoffensif. C'est un poison dont on ne peut qu'espérer que les dangers, réels et connus, soient minimisés par les précautions prises. Les apiculteurs, très remontés, préparent une manifestation à Paris le 21 février devant les ministères de l'agriculture et de l'écologie.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Si un neurotoxique est toxique pour un neurone d'abeille, il l'est également pour les oiseaux et les mamifères "supérieurs".
Le cruiser étant un insecticide systémique, les vaches qui mangent le mais vont concentrer le neuro-toxique. On peut vraisemblablement penser qu'il s'ajoutera aux nobreux Xcides que l'on retrouve dans le lait que nous donnons à nos chères têtes blondes.