dimanche 8 février 2009

Jean François

... Il y a un an disparaissait Jean-François. Il était le Curé de la paroisse Sainte Thérèse de Rennes. Il avait 40 ans, nous avions effectué le même parcours universitaire (mais pas ensemble) et nous nous connaissions depuis 20 ans. Nous étions très lié et malgré son emploi du temps de ministre, nous nous retrouvions autour d'un bon repas dans un non moins bon restaurant au moins tous les 2 mois. Avec lui, on pouvait se sentir catholique ... Dans un précédent blog, je n'avais pas pu exprimé ce que je ressentais vis à vis de sa mort. Ce n'est pas plus évident aujourd'hui et pas plus nécessaire non plus. la seule chose que j'aurai envie de dire et de lui dire aujourd'hui : "cela fait malheureusement un an que tu n'es plus parmi nous et je n'arrive toujours pas à accepter l'idée de ton départ. Après la colère, je subis le manque lié au départ d'un frère. Tu rayonnais et être avec toi était un plaisir. Tu étais érudit, droit, simple, aimant, souriant. Je rends grâce de t'avoir connu, d'avoir partagé depuis 20 ans, autant de chose avec toi. Je pense à ta famille et à tous ceux qui t'ont connu. Je sais que tu veilles sur nous. Merci pour tout Jean-François."

Simplement pour faire mémoire, j'ai repris l'homélie de l'archevêque de Rennes lors des obsèques de Jean-François qui reprenais lui même une homélie de Jean-François :

"Jean-François Camby avait lui-même choisi ce texte de l’Apocalypse qui vient d’être proclamé devant nous. Il évoque la « Cité Sainte », la « Jérusalem nouvelle » que le Seigneur ne cesse de construire au milieu de nous. C’est la Cité Sainte resplendissante de pureté et de lumière. Telle est l’Église !
« J’aime l’Église »
Le choix de ce texte manifeste un amour singulier qui habitait le cœur du père Jean-François Camby : l’amour de l’Église, fruit de sa foi dont il nous a fait part tout à l’heure. Écoutons-le alors qu’il prêche :
« L’Église est donc ce composé chimique d’humain et de divin. L’Église est cette assemblée d’hommes et de femmes en quête du divin, et déjà en partie divinisée. Nous sommes à la fois citoyen du ciel et de la terre. Je me réjouis que l’Église ne soit pas composée d’hommes et de femmes purs ; car moi non plus, je ne le suis pas, et j’aime l’Église. J’aime l’Église parce qu’elle est abordable. Je peux monter dans cette barque de Galilée secouée par la tempête. Cette barque est à ma mesure.
J’aime l’Église parce qu’elle n’est pas simplement la solidarité des éprouvés, mais bien plus la communion des pardonnés.
J’aime l’Église parce qu’elle a un visage, le vôtre, une vie, votre existence ensemble, et un but, l’annonce de la Bonne Nouvelle du Salut.
J’aime l’Église parce qu’elle est cette commune intimité qui nous relie grâce au Christ. Ce que nous avons de plus intime, c’est-à-dire notre relation à Dieu. C’est aussi ce que nous avons de commun – et c’est cela notre communion.
J’aime l’Église parce que c’est ma mère, où j’ai reçu le bien le plus précieux : la connaissance du Salut.
Frères chrétiens, en conclusion, j’ai essayé de vous donner goût à l’amour de l’Église. Elle n’est pas seulement une institution humaine. Elle est notre lieu de naissance à la foi, et on juge vite quelqu’un qui juge sa mère. »
« Jésus, mon Maître, mon Ami »
Jean-François a aussi choisi le texte de l’Évangile selon saint Jean où nous est rapportée la rencontre de Marie-Madeleine avec le Christ ressuscité. Cette évocation montre le cheminement que Marie-Madeleine a dû faire, pas après pas, passant des sanglots à l’interrogation pour arriver à la reconnaissance de son Seigneur. Dans sa foi, à l’instar de Marie-Madeleine, Jean-François a cru au Christ ressuscité. Écoutons le prédicateur qu’il fut comme prêtre lorsqu’il prêcha lors de la Vigile pascale 2006 :
« Si nous sommes réunis, c’est pour contempler ensemble la lumière éclatante du Christ, la lumière incandescente du Ressuscité. Si nous sommes réunis, c’est afin que brille en nous l’éclat du Ressuscité, afin que brille l’éclat de joie du Christ debout, vivant à jamais présent. Le disciple du Christ connaît la lumière, il la connaît parce qu’il a connu aussi la nuit et les obscurités. »
Jean-François a effectivement connu les obscurités. Selon la confidence qu’il m’a faite, accablé par la maladie, il s’est vu dans la situation de Job qui assignait Dieu à son tribunal. Mais il continue ainsi dans son homélie de Pâques :
« Le salut des hommes brille toujours dans la nuit : nuit de la genèse, nuit de l’exode, nuit de Noël, nuit de Pâques… C’est toujours dans la nuit que nous voyons la lumière, c’est toujours au cœur de nos désespoirs, de nos fuites, de nos abandons, de nos solitudes que nous scrutons le monde et cherchons avidement la lumière qui chassera, une fois pour toutes nos ténèbres.
Ce soir, [mais nous pouvons dire aujourd’hui], nous nous souvenons de nos traversées, de nos passages, de nos épreuves… et nous nous souvenons que nous avons cherché la lumière et que nous l’avons nommée et que nous l’avons aimée : la lumière qui transperce les ténèbres les plus noires, c’est le Ressuscité, Jésus, mon Maître, mon Ami. Je ne vous appelle plus disciples, je vous appelle mes amis. Nous sommes chrétiens parce que nous croyons que cette lumière, c’est quelqu’un qui nous aime et qui se donne. »
Quelle étonnante confidence quand le prêtre passe à la première personne : « La lumière que nous avons aimée, c’est le Ressuscité, Jésus, mon Maître, mon Ami. » N’est-il pas alors comme Marie-Madeleine qui elle aussi parle de son Maître quand elle s’exclame : « Rabbouni » (Jn 20,16).
« Alors, nous aurons l’éclat du soleil »
La Providence de Dieu que nous pouvons interroger avec toutes nos questions, nos incompréhensions, voir nos contestations, met du temps à devenir à nos yeux Sagesse de Dieu. Pourtant, la Providence est venue chercher le père Jean-François Camby alors que nous entrions en Carême. Laissons le père Camby nous partager comme une confidence ce qu’il pense de ce temps du Carême :
« Il s’agit d’un partage personnel donc singulier, mais je me dois de le partager : j’aime le Carême. En ce sens que le Carême est un temps de retraite dans la vie, de conversion, de changement.
En définitive, le Carême nous rappelle le dynamisme de la vie. J’ai, sans cesse, des éléments à changer dans ma vie ; comme si je n’étais jamais arrivé, je suis alors sans cesse en chemin, en voyage. Apercevant, de loin en loin, le but de mon voyage, je poursuis l’aventure humaine de mon existence en essayant de l’imprégner sans cesse un peu plus d’amour, de bienveillance, de patience, de beauté et de vérité. »
Commentant la Parabole évangélique du bon grain et de l’ivraie (Mt 13,24-30), le père Jean-François Camby nous indique comment nous pouvons lire l’œuvre de la Providence parmi nous :
« Je crois que ce tri concernera chacun d’entre nous. L’ivraie est une sorte de chiendent, dont les racines étouffent celles de blé. Dès lors, l’image est encore plus parlante : dans notre vie, les peines, les épreuves, la maladie et le péché sont présents, sont compris dans la trame même de notre croissance. Mais ce qui compte, c’est que nous donnions du bon grain.
Ce qui compte, c’est que malgré notre pesanteur, notre faiblesse, notre complaisance avec notre péché, parvienne à maturité au moins un épi : et si ce n’est un épi, un seul bon grain. C’est pour ce beau fruit que le reste est supporté. C’est pour la splendeur d’une œuvre d’amour, d’un élan de contemplation, d’un geste de miséricorde que Dieu tolère le reste. »
Le prédicateur rappelle la parole de Jésus au terme de cette parabole :
« Les justes resplendiront comme le soleil dans le Royaume de leur Père. » (Mt 13,43) Le père Camby commente : « Cette promesse est enthousiasme. » Puis il continue :
« Lorsque la moisson sera achevée, lorsque le tri sera accompli, seuls demeureront nos actes vrais, nos actes bons, nos actes beaux. Alors débarrassés des scories qui lestent encore nos cœurs et nos âmes, nous aurons l’éclat du soleil. Alors nous brillerons, et notre Dieu s’émerveillera de sa créature. »
En conclusion, je voudrais encore laisser la parole à Jean-François qui conclue ainsi son homélie sur la Parabole du bon grain et de l’ivraie :
« Chrétiens, mes frères, je vous invite à changer de regard : je vous invite à contempler autrement les champs de blé ondulant au soleil d’été. Imaginez un instant que ce sont vos bonnes œuvres et vos actes d’amour authentiques. Alors vous verrez la joie de votre Dieu. »

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